jeudi 26 février 2009

Entrepreneurs et consommateurs, meme combat pour sortir de la crise

Ce titre, Entrepreneurs et consommateurs, même combat, pourra sembler provocateur à certains, surtout pour les adeptes de la lutte de classes. Que nenni.

Ce billet a pour but de montrer que, dans un contexte où l'Offre comme la Demande sont en train de s'effondrer - on annonce un million de plus de chômeurs fin 2009 pour la France, le double ou le triple en Espagne ou en Italie, l'Allemagne semblant être dans un cas intermédiaire, même si leurs possibilités de rebond sont peut être plus grandes - les entreprises ont tout intérêt à coopérer avec leurs consommateurs potentiels, et vice versa.
Ce n'est pas en tout cas en attendant le secours de l'Etat que les entreprises - patrons comme salariés - pourront s'en sortir, mais bien en s'attaquant à bras le corps à leurs problèmes de débouchés, si l'Etat leur en laisse, ou s'ils en saisissent, l'opportunité.

Le problème de la demande solvable.
Keynes, en son temps, s'était déjà attaqué à ce même problème, celui d'une défaillance simultanée de l'Offre - capacités de production excédentaires - et de la Demande - insuffisance d'une consommation 'solvable'. Ce n'est évidemment pas un problème technique: les capacités de production et les besoins de consommation sont toujours là. Les vieilles recettes ont toutes été utilisées, sans beaucoup de succès en confortant ainsi le vieil adage de Jean Cocteau, cité dans le Point par C. Imbert :"Il n'y a pas de précurseurs, il n'existe que des retardataires". On a vraiment l'impression qu'en politique économique, c'est bien le cas. Le bon sens voudrait pourtant que si on peut produire, et si l'on veut acheter, on devrait bien trouver une solution. Les fameux 'grands travaux' de Keynes avaient cet objectif, même si d'autres solutions, sans doute plus iconoclastes, mais que je crois plus efficaces, auraient pu être envisagées, j'y reviendrai.

Où sont passés nos milliards?
De fait, si on regarde les choses en face, et si on laisse, là encore, parler le bon sens, en essayant de faire taire toute idéologie, la situation paraît assez simple.

La crise financière a détruit des milliards de valeurs, au sens où, par exemple, la valeur boursière de la plupart des banques a été divisé par 3 ou 4, certaines ayant même disparu. Sans entrer dans une querelle de chiffres, on peut estimer que les banques françaises ont vu ainsi leur valorisation diminuer de plusieurs centaines de milliards en 18 mois,(BNP-Paribas est ainsi passée d'une valorisation de 108 milliards de dollars à 32,5 milliards, début janvier 2009, la Société Générale de 80 à 26, le Crédit Agricole de 67 à 17) même chose pour les entreprises du CAC 40.Pour les banques américaines, c'est pire encore: les actifs toxiques qui leur restent encore - après les 500 milliards de perte déjà comptabilisés- non encore totalement évalués, sont estimés par McKinsey à plus de 2000 milliards (de dollars).

Est-ce pour cela que nos entreprises ont vu leur capacité de production diminuer dans les mêmes proportions? Évidemment non, même si, après quelques mois de chômage technique partiel, certaines capacités de production de certaines usines pourraient finir par se trouver amoindries. Que signifie donc cette perte de valeur boursière, d'abord pour un petit épargnant, puis pour les entreprises et les banques elles-même?

Valeurs immatérielles et cautions réelles.
En fait, pour celui qui a acheté une action 50 euros, et qui a vu cette action culminer à 100, pour tomber à 10, on peut évidemment dire qu'il a perdu 40, pas 90. Si d'ailleurs il n'avait pas vendu, on pourrait même dire qu'il n'aurait rien perdu.
Ces gains et ces pertes ne sont que potentielles
- évitons d'utiliser le mot 'virtuel', qui pourrait être compris différemment. Sauf bien sûr que cette richesse potentielle, de 100 euros ou de 50 euros, a pu permettre à notre petit épargnant de cautionner des dépenses qu'il n'aurait peut être pas pu faire autrement. On lui a fait confiance lorsqu'il pesait '100', s'il ne pèse plus que '10', il est regardé différemment.

Donc ces modifications 'potentielles' des cours boursiers, et donc de la valeur se son portefeuille, peuvent avoir un impact direct sur son comportement 'réel', dans la 'vraie vie'.

Si maintenant on regarde le point de vue de celui qui achète l'action, qui a valu 100 mais qui ne vaut plus que 10, la situation est différente. S'il achète 10, c'est parce qu'il pense que le cours va remonter. Mais, pour répondre à la question posée plus haut, les milliards qui ont disparu - même si ce n'était que des milliards potentiels - ne sont allés à personne.
Le monde, du moins celui des différentes bourses et marchés financiers de notre planète, 'anticipait' une certaine valeur, cette valeur est 2 à 3 fois moindre que précédemment, cela aurait pu s'arrêter là. Sauf que...

Le problème du surendettement gagé sur des valeurs mobilières.
Sans refaire l'historique des sub-primes, rappelons simplement que de nombreux américains se sont endetté de façon démesurée (on le savait a priori) et déraisonnable (on ne l'a constaté qu'après) pour acheter leur maison en tablant sur le fait que le marché immobilier allait continuer à croître plus vite que leur propres remboursement.
Ce n'est qu'à partir du moment où la tendance s'est retournée que des millions d'américains se sont aperçu du problème. Aucun arbre ne peut croître jusqu'au ciel: c'est vrai pour la bourse, mais c'est vrai aussi pour tout marché spéculatif, dont celui de l'immobilier.
Bien sûr, là encore, les maisons concernées n'ont pas perdu toute valeur, elles offrent encore un habitat - tant que leurs propriétaires potentiels n'ont pas été jetés dehors et remplacés par des squatters, qui n'apportent évidement pas le même soin à conserver en l'état le dit habitat.

Faillite et rachat menacent banques et grandes entreprises.
Les banques, dont la valeur boursière a chuté de 10 à 80%, ont deux gros problèmes. Elles peuvent être rachetés pour une 'bouchée de pain' - quelques dizaines de milliards quand même - d'où le malaise de leurs dirigeants, qui aimeraient bien rester maître chez eux - en plus de la rémunération 'pharaonique' dont ils disposaient souvent, et qu'un changement de 'gouvernance' risque de remettre en cause. Par ailleurs, du fait que certains de leurs actifs 'toxiques' ne valent quasiment plus rien, elles se retrouvent en fort mauvaise posture vis à vis des fameux ratios de liquidité et de solvabilité qu'elles ne respectent plus vraiment. Il est vrai que c'est ce qui les a sauvés, puisque pour éviter toute panique bancaire: 'les petits épargnants se précipitant en masse pour tenter de récupérer en liquide leurs économies' - l'Etat a décidé de garantir les fonds déposés jusqu'à concurrence de 70 à 100 000 euros par compte.
Pour les entreprises non financières du CAC40, même si la faillite est encore loin, des OPA hostiles ne seraient pas à écarter, d'où là encore l'engagement financier de l'Etat à leur égard.

On arrive ainsi à la situation ubuesque suivante. L'état va s'endetter encore plus - déjà 35 milliards pris auprès de prêteurs français ou étrangers - pour donner de l'argent (20 à 40 milliards, suivant les sources), et pour en garantir 10 fois plus (320 milliards), à des banques dont le métier de base est de faire marcher une économie, en crise profonde, alors même que ces banques ont oublié ce premier métier pour se lancer dans des opérations de plus en plus hasardeuses.
Face à cela, on ne constate quasiment aucune aide en destination des entreprises et des ménages, je veux parler plus particulièrement des PME et des ménages les plus modestes.

La boucle est ainsi bouclée. L'Etat français consacre de l'argent, de la monnaie 'étatique'- en s'endettant - pour compenser des pertes potentielles, immatérielles, correspondant à l'effondrement des cours de Bourse. Alors même que l'économie réelle, correspondant à des entreprises réelles, à des gens réels, producteurs comme consommateurs, est en train de s'effondrer. Cela ne semble pas gêner nos experts et nos gouvernants.

D'où le titre de mon billet. Puisque la monnaie 'officielle', l'argent 'étatique' ne va pas, ou quasiment pas, aux Entreprises et aux Ménages, pourquoi ne pas proposer, à ces mêmes Entreprises et Ménages, de s'entendre entre eux pour créer une monnaie alternative, qui, celle-ci, correspondrait vraiment aux possibilités et aux capacités de production des entreprises, et aux besoins des consommateurs. Les questions posées par l'instauration de cette monnaie, ou de ces monnaies, communautaires, territoriales, feront l'objet d'un prochain billet.

Transférons les garanties de l'Etat des banques aux PME.
Précisons enfin que, dans ce scénario, celui d'une entraide mutuelle entreprises et ménages - un scénario de "méga-coopératives" en fait - le seul effort demandé à l'état serait le suivant.
Que l'Etat , au lieu d'apporter sa garantie aux banques qui ont failli dans leur rôle premier, consente à transférer cette même garantie à toutes les PME dont le seul défaut est de compter sur leur banque pour les aider dans leurs problèmes de trésorerie et de financement: cela pourrait se concrétiser, ou s'accompagner, par un moratoire de 6 à 9 mois de toutes les dettes consacrées par les entreprises vis à vis des banques et de l'État lui-même. Cela économiserait par là-même les milliards supplémentaires consacrés par l'État à une prise de participation - complètement absurde dans mon scénario (et même dans d'autres)- de l'ensemble Caisse d'Epargne- Banques Populaires.

Pour éviter que cette garantie ne s'adresse aussi aux canards boiteux - il y en a aussi parmi les entreprises - on pourrait imaginer qu'au niveau de chaque région, ou de chaque bassin d'emploi - une structure rassemblant à proportion égale entrepreneurs et consommateurs soit créée, un éventuel médiateur, sans droit de véto, pouvant être choisi par les collectivités territoriales ou par l'état lui-même.

Mais le point important est le suivant: si les entreprises et les ménages ne prennent pas en mains leur propre destin, la crise dans laquelle est en train de s'enfoncer la France - et l'Europe - sera une crise comparable en intensité, en durée, et en 'dommages collatéraux', à celle de 1929: 160 millions de morts, dus au nazisme et au communisme - et à quelques autres idéologies totalitaires - ce n'est pas rien.

L'Etat doit savoir agir, mais aussi s'effacer parfois.
Nos gouvernants auront-ils la sagesse d'agir, et de laisser d'autres acteurs agir, en ce sens, rien n'est moins sûr. L'État a certes un grand rôle à jouer, ne serait-ce qu'en instaurant le RMD (Revenu Minimum de Dignité), mesure sociale s'il en est, tout en laissant aux acteurs économiques le rôle dans lesquels ces derniers sont compétents - mesure libérale celle-ci.

Il lui restera aussi le soin de réfléchir avec l'ensemble de nos concitoyens, à l'avenir et à la place du service public, vaste sujet lui aussi. Mais se contentera t-il de ce rôle, ou tel l'hydre mythologique aux multiples têtes, ne voudra t-il pas intervenir en tout et partout, à temps ou à contre-temps?

L'avenir nous le dira..., en sachant que le futur résultera aussi de ce que nous en ferons.

lundi 23 février 2009

RMD et monnaies communautaires: des pistes pour une sortie de crise?

Le RMD, monnaie de singe?
Parmi les pistes évoquées pour sortir de la crise economico-financière actuelle, celle de la relance de la consommation, en particulier par le biais de l'instauration d'une allocation universelle, de type du du RMD (Revenu Minimum de Dignité) a été parfois évoquée.

Un certain nombre de questions m'ont été posées à ce sujet, dont certaines concernaient son financement, et plus particulièrement le problème de création monétaire qui semblait sous-jacent. Dit autrement, serait-ce la planche à billets de l'Etat qui fonctionnerait ainsi, transformant peu à peu une belle et noble idée, celle du RMD, en vulgaire monnaie de singe?

Le RMD vu comme un crédit de l'Etat aux consommateurs.
Rappelons tout d'abord, sur le plan financier, ou comptable, que le RMD 'national' - qui peut varier d'un pays à un autre - correspondrait annuellement à un peu moins du 1/4 du PIB national, soit environ 400 milliards d'euros annuels. Rappelons pour mémoire que des Organismes internationaux comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International évaluent à quelques 4 à 5000 milliards d'euros la somme que les USA devront mobiliser pour tenter de sauver leur système banco-financier, montant plus important, en monnaie constante, à celui que ce même pays a consacré à ses efforts de guerre durant la deuxième guerre mondiale. Précisons aussi que pour garantir les actifs de leurs trois principales banques, l'Allemagne a déjà mobilisé l'équivalent 130% de son PIB(en lignes de crédit, certes, pas en 'cash', il n'empêche).

Pour finir de rassurer - ou d'inquiéter encore davantage le lecteur - je précise encore que les 400 milliards d'euros nécessaires pour financer annuellement le RMD français ne correspondent en fait qu'à un montant 'net' d'environ 110 milliards d'euros, puisque de nombreuses prestations sociales, dont l'allocation logement, l'allocation familles nombreuses, le RMI et le RSA, devraient être supprimés.
Ces 110 milliards d'euros, même si cela représente évidemment un montant très important, ne correspondent donc, en fait qu'à 6% du PIB annuel 'normal' de la France.
On passe ainsi d'un financement brut d'environ 30% du PIB (pour obtenir 23% alloué universellement)à un financement net - par l'impôt ou tout autre méthode à débattre - d'environ 9% du PIB, si on enlève les allocations sociales classiques dont il ne faut évidmment pas compter deux fois le financement.

Monnaie et Echanges "Etat to Consommateurs-citoyens".
Le financement a priori de ces 110 milliards 'nets' peut être considéré comme une avance sur consommation, un crédit fait par l'Etat, non aux banques, non aux entreprises, mais aux particuliers, aux 'ménages'.
C'est une 'avance', sans intérêt, qui sera financée par la collectivité nationale dans son ensemble, par un taux constant, unique, d'environ 23% (brut) sur tout ce qui sera produit, comme biens ou services, en France pendant l'année considérée. C'est une monnaie que l'on pourrait qualifier de monnaie "EtoC", Etat vers Consommateur-Citoyen, pour reprendre la terminologie utilisée habituellement pour les échanges sur internet ("B to C" pour Business to Consumer, "B to B" pour Business to Business).

Cette avance, pour être efficace, et pour ne pas correspondre à de la poudre aux yeux ou à de la monnaie de singe, repose sur une double condition.

Tout d'abord sur la confiance que la collectivité accorde à chacun de ses citoyens, au sens où cette collectivité imagine que, puisque le RMD est un pourcentage fixe d'une production variable, le PIB national, ceux qui le peuvent contribueront réellement à produire cette richesse collective, alors même que le RMD est accordé à tous, sans conditions.
Ensuite, le RMD, ou plus précisément son financement, repose sur une anticipation (de demande solvable aurait dit Keynes).
De fait, le RMD, dans sa grande majorité, servira à consommer des biens et services produits par le secteur privé, permettant à ce dernier, atteint d'un début de 'sinistrose' comme l'ensemble de nos concitoyens d'augmenter sa production, en réduisant par là-m^me le chomâge, partiel ou total.

D'autres types de création monétaire sont évidemment envisageables, comme je l'ai indiqué il y a quelque temps en rappelant la fable de la "Dame de Condé" ou du "sieur de Laroque". Cette fable illustrait un concept, celui d'une 'monnaie franche' BtoB, Business To Business, dont quelques exemples réels, certains très récents, ont été rappelés par l'économiste belge Bernard Lietaer, un des 'pères' de l'Euro.

C'est ainsi que dans un pays réputé sérieux, en particulier pour tout ce qui concerne l'argent, je veux parler de la Suisse, une monnaie non officielle circule pourtant, au vu et au su de l'état fédéral, depuis 75 ans, 1934. Il s'agit de la monnaie WIR, qu'utilise actuellement près de 60 000 PME helvétique, et qui correspond à un montant de 'crédits' - quasiment sans intérêt - d'environ 1 milliard et demi d'euros.

Une monnaie franche au secours des PME?
Le concept est des plus simples, comme dans l'histoire, imaginaire celle-là, de Condé. Reprenant les idées de Sylvio Gesel, certains esprits innovants ont voulu lutter contre l'effet nocif de thésaurisation de la monnaie (la 'trappe à liquidités' de Keynes).
Suivant le vieil adage 'la mauvaise monnaie chasse la bonne', une monnaie sans valeur intrinsèque autre qu'un instrument de compte est mise en circulation, en lieu et place de la 'vraie monnaie', mais, cette fois, ce vieil adage fonctionne de façon positive. La monnaie dite 'sans valeur' (c'est à dire non estampillée par un puissance tutélaire officielle) crée du mouvement.
C'est ainsi que dans l'expérience helvète "En 1934, devant la pénurie d’argent liquide, plusieurs petits patrons zurichois ont mis en place un système parallèle pour assurer leurs échanges commerciaux. Ces hommes s’inspiraient de plusieurs penseurs du libéralisme économique. De la théorie de la privatisation de la monnaie de Friedrich Von Hayek et de celle de l’argent neutre de Silvio Gesell notamment". Le plus remarquable, c'est que cette expérience a encore cours en ce moment, et est encore tolérée par l'état fédéral helvétique.

Une monnaie sans valeur intrinsèque.
L'argent, ou plus exactement la monnaie de type WIR, ne produit pas d'intérêt en elle-même. Certains utopistes pensent même qu'une véritable monnaie 'au service unique de l'économie' devrait être une monnaie 'fondante', un peu comme une marchandise périssable, afin qu'il n'y ait aucun intérêt à la thésauriser (ce fut d'ailleurs en général le rôle de l'inflation, comme l'a fort bien montré Maurice allais et d'autres économistes réputés libéraux). Keynes disait à ce sujet que l'inflation était l'euthanasie des rentiers.
Sans aller aussi loin, la "Banque WIR" prête, dans le cadre de sa sphère d'influence - essentiellement des PME - à moins de 1%, parfois à taux zéro, une monnaie particulière, le WIR. Ce n'est donc pas de la véritable monnaie, le franc suisse en l'occurrence. Cette monnaie repose essentiellement sur la confiance que les emprunteurs et les prêteurs s'accordent mutuellement. On retrouve bien ici l'éthymologie du mot 'crédit' - 'credo', 'je crois', 'je fais confiance' -.
Cette confiance repose en général sur des relations de proximité, liées à une anticipation de croissance de la production et de la consommation.

A côté donc du RMD, monnaie liée à la confiance que l'Etat se devrait de développer vis à vis de ses citoyens, on voit donc apparaître, dans un pays pas vraiment connu pour sa solidarité intrinsèque - peut être à tort - l'expérience d'une monnaie 'économique', officieuse, liée cette fois à la confiance que les entreprises se font entre elles. D'autres expériences liant d'autres groupes ou communautés pourraient donc aussi s'imaginer, et devraient sans doute l'être en tant que remèdes à la crise économique, financière et bancaire actuelle. On peut aussi se reporter à l'initiative contemporaine française de la Monnaie SOL.

Sur ce point, l'imagination ne demande qu'à être au pouvoir, d'autant plus que l'on retrouve en ce domaine des personnages aussi variés que l'utopiste Gesell et l'économiste libéral M. Allais, qui affirme son rejet viscéral de toute rémunération correspondant à des 'revenus non gagnés'. Et s'il y a bien ici un 'revenu non gagné' - qui ne mérite donc aucun 'profit' - c'est bien de l'argent qui n'aurait qu'un seul m"rite, celui d'exister. Dans un billet précédent, je souhaitais que le taux d'intérêt des banques envers les entreprises soit proche du taux de croissance de l'économie, et que le taux d'intérêt des prpets à la consommation ne dépasse pas 2 à 3 fois ce taux (au lieu des taux usuraires pratiqués couramment). Ici, on va encore plus loin, puisqu'en dehors d'un taux d'intérêt très minime - moins de 1% - la monnaie 'officieuse' ainsi prêtée ne donne lieu à aucun versement d'intérêt. Ce véritable 'service public' - qu'il survienne ou non entre des acteurs privés n'est pas la question - est donc gratuit.

Et l'Etat dans tout cela?
Si l'Etat était vraiment au service de ses citoyens, de nous tous en fait, de telles expériences auraient du rencontrer auprès de lui un véritable soutien. Une relance de l'économie sans subsides de l'Etat, donc sans creuser les déficits publics, le rêve...Il se trouve que, historiquement, de telles tentatives - à la seule exception de la Suisse - ont été combattues avec la plus extrême des vigueurs par les autorités publiques. Que l'on pense aux dollars émis par les colonies britanniques américaines au moment de la guerre d'indépendance, jusqu'à la république de Weimar dans les années 1930.
On peut en donner deux explications principales. Tout pouvoir central considère que le droit de 'battre monnaie' est un droit régalien - qui lui permet de plus de financer des dépenses que ce même pouvoir juge indispensables - sans qu'il ait parfois envie de demander à ce sujet l'avis du 'bon peuple'. Toute création de monnaie faite en dehors de son autorité est considérée comme un crime capital, passible naguère des galères ou de la déportation. Nous ne parlons pas ici de fausse monnaie: il ne s'agit nullement de contrefaire les billets officiels, euros, ou francs suisse. Ce pourrait être des billest d eMonopoly, ou des jetons de poker, ou des grains de sel, dont une certaine communauté accepterait l'usage. Cette 'monnaie officieuse' n'a donc nul besoin d'être 'convertible' en monnaie officielle pour être valable. Elle repose 'simplement' - si l'on peut dire - sur la confiance que les participants à cette communauté se font les uns envers les autres. On pourrait rapprocher cela de diverses expériences de type SEL (Systèmes d'Echanges Locaux), m^me si ces derniers sont plus 'localisés' (géographiquement: à l'échelle le plus souvent d'une simple commune, et sociologiquement: réunissant le plus souvent de simples particuliers échangeant des services de type bricolage ou aide à la personne).

Le deuxième écueil est celui d'échanges 'hors circuit économique' que l'on a vite fait d'assimiler à du travail gris ou noir. Il n'y a pas en effet de problèmes pour facturer des travaux en euros ou en dollars. Mais si l'on se met à facturer dans une monnaie sans existence légale, en WIR ou en grains de blé, comment taxer cet échange. Il y a bien sûr des solutions, on peut imaginer une conversion fiscale entre des WIRs et des francs suisses, afin de permettre à l'Etat de prendre sa part à des transactions dans lesquelles il n'a joué aucun rôle. Mais dans ce cadre le roi apparaît nu. a quoi sert l'Etat dans ce cas. De plus tout Etat, en particulier l'état français, est paranoïaque. Pour lui, tout citoyen est un fraudeur en puissance. Alors, des échanges monétaires sans l'Etat, vous n'y pensez pas. On préfère donner cette possibilité de création monétaire à des banques officielles, qui manient, elles, l'escroquerie à grande échelle. On peut toujours les re-nationaliser, après tout. Cela ne change évidemment pas le montant des escroqueries ou des erreurs de gestion, montant astronomique comme on l'a vu plus haut.

Affaire à suivre donc...

vendredi 20 février 2009

Face à la crise, un nouveau Grenelle est indispensable

La France, l'Europe, le Monde s'enfoncent dans la récession, la plus terrible depuis plusieurs générations, car elle est mondiale, aucun pays n'en réchappe vraiment.

On en a connu d'autres diront certains.
Ce n'est pas évident, en tout cas de mémoire d'homme. Un ou deux milliards au dessous du seuil de pauvreté absolue (2 ou 3 euros euros par jour), des millions de français au dessous du seuil de pauvreté relative (22 euros par jour), au moment même où la croissance démographique continue à exploser en Afrique, alors que l'on annonce une croissance zéro au niveau mondial.

On ne peut rien y faire diront d'autres.

D'autres enfin, de plus en plus nombreux, crient leur désespérance avec des slogans venus d'un autre âge, mais qui recueille de plus en plus d'échos. Il faut changer le système, mort aux patrons profiteurs, à bas le capitalisme avide.

Notre président se démène comme un beau diable, en annonçant jour après jour de nouvelles mesures. Il ne s'agit pas ici de critiquer son énergie, voire son activisme, et de donner de bons et mauvais points aux mesures proposées, ou aux éventuelles contre-mesures proposées, soit par l'autre extrémité de l'échiquier politique, soit par les syndicats qui clament le désespoir réel de leur base en continuant à répéter "le compte n'y est pas".

Une véritable 'rupture' s'impose.

Mon point est tout autre. Comme je l'ai déjà écrit ailleurs, ce ne sont pas des mesures classiques, aussi bienvenues soient-elles, qui feront sortir la France de sa dépression actuelle, dépression où se mêlent de nombreux aspects, économiques, sociaux, politiques, voire moraux. Je ne sais pas s'il faut 'repenser' entièrement le système, mais il faut pour le moins prendre des mesures radicales.

Nos entreprises sont en berne, notre pouvoir d'achat stagne, les services publics sont remis en cause, le système financier et bancaire est discrédité. Comment peut-on croire que des mesures 'classiques' peuvent nous tirer de ce marasme, comment peut-on croire qu'un seul homme, aussi compétent soit-il, qu'une seule équipe, aussi honnête soit-elle, puissent apporter des solutions, voire LA solution.

Je ne fais ici aucun procès d'intention, mon propos encore une fois n'est pas politique, on peut être ou non d'accord avec ce qui est annoncé, trouver que telle ou telle catégorie de français est plus ou moins avantagée par telle mesure.

Mais sans une vision et une réflexion d'ensemble, collectives, je crains, j'affirme même que tout cela ne servira à rien. Les Etats Unis ont mis 10 ans à sortir de la crise de 1929, beaucoup moins 'mondiale' que maintenant - et certains historiens prétendent même qu'il a fallu une guerre mondiale pour cela.. Je prétends de plus que la crise actuelle, si l'on se contente du saupoudrage actuel, risque de durer plus longtemps encore, le poids de la France dans le concert des nations étant sans doute inférieur à ce qu'était le poids des USA en 1929.

Chacun sent bien qu'il faut relancer la consommation, mais les divergences portent sur les moyens d'y parvenir.
Le patronat s'oppose à un relèvement des salaires et du SMIC - ce en quoi ils ont raison, la plupart des entreprises n'en ont pas les moyens.
Les syndicats et diverses associations demandent un relèvement du pouvoir d'achat - là encore à juste titre.
Le gouvernement, qui considère - à juste titre là aussi - que les entreprises hexagonales ne sont pas assez compétitives, se cramponne à une relance par l'investissement, qui n'est pas vraiment à l'ordre du jour, en cédant simplement sur quelques mesures sociales d'accompagnement.

De cette équation à plusieurs variables, que tire t-on? La baisse des charges sociales, en particulier patronales? Pourquoi ne pas appeler un chat, un chat. Si on réclame l'aide de la collectivité, de l'état, donc de nous tous, pourquoi faudrait-il nécessairement qu'il faille faire appel soit au système qui a failli - le système financier-bancaire - soit à des entreprises privées - aussi efficaces soient-elles - pour bénéficier ou répartir la 'manne' collective.

La seule façon efficace de relancer la consommation, c'est de permettre aux consommateurs potentiels de ... consommer, en utilisant pour cela les ressources de la collectivité.

Rappelons tout d'abord que le PIB français, en 2008 - j'oublie ici le problème du déficit commercial, qui a fait l'objet d'un autre billet - se décompose grosso modo en 75% de consommation 'privée' - biens et services fournies par les entreprises privées - et de 25% de consommation 'publique', pour un total de l'ordre de 1800 milliards (soit environ 1250 euros mensuels par habitant).

Faisons donc en sorte, sans nécessairement modifier a priori ces équilibres - qui devront faire l'objet d'une deuxième mesure, un Grenelle global, que je préciserai ci-dessous - qu'une partie non négligeable de la consommation future, celle de 2009, soit assurée par une demande solvable.
L'instauration du Revenu Minimum de Dignité, 625 euros mensuels par adulte, c'est à dire un peu moins du quart du PIB moyen, ferait en sorte d'assurer le financement automatique du tiers de la consommation privée, et sans doute beaucoup plus pour nos compatriotes les plus démunis. Pouvoir compter sur un revenu assuré de 625 euros par mois, que l'on ait ou non un travail, cela change la donne.

J'ai montré par ailleurs comment le financement de ce RMD pouvait être assuré en année pleine, tenant compte de toutes les prestations sociales qui disparaîtraient de ce fait.
Rappelons que l'on arrive à un financement nécessaire d'environ 10 milliards d'euros par mois. Rappelons aussi que cela correspond simplement à une création monétaire 'anticipant' la relance de la consommation. C'est donc plus un prêt et un pari sur l'avenir qu'une véritable dépense 'à fonds perdus'. Rappelons enfin que le RMD n'a rien à voir avec le SMIC, le RMI ou le RSA. Le RMI et le RSA devraient disparaître, quand à l'avenir du SMIC, ce sera aux divers partenaires sociaux d'en débattre, à l'occasion de ce fameux Grenelle dont je vais maintenant parler.

Un nouveau Grenelle, pourquoi et comment?
Les objectifs de ce Grenelle sont assez simples à préciser, même s'ils sont beaucoup plus difficiles à obtenir.
Il faut tout d'abord fixer un délai raisonnable à la tenue de ce Grenelle. Trois mois de réflexion et de débats contradictoires semblent raisonnables. Il semble en effet impossible de faire un travail sérieux plus rapidement, et l'ampleur de la crise ne peut permettre d'y consacrer beaucoup plus de temps, hélas.

En ce qui concerne les objectifs, l'objectif le plus important semble être celui-ci: celui de la 'composition' du gâteau national: quelle part pour la 'consommation privée', quelle part pour la 'consommation publique(santé, éducation, sécurité, justice, etc.), quelle part pour l'éventuel investissement.
Le deuxième objectif consiste à tenter d'évaluer l'efficacité de notre système productif, privé comme public, ce qui n'est sans doute pas une mince affaire. Pour le privé, le 'marché' semble un bon indicateur, même si en tant que consommateur chacun trouvera que l'on paye trop cher les produits ou les services proposés. Pour évaluer l'efficacité publique, il faudra cette fois se mettre d'accord sur des indicateurs de qualité et d'efficacité, même si, là encore, le contribuable moyen aura tendance à juger que les services publics sont trop chers pour les impôts qu'il paye.
Le troisième objectif consisterait à remettre à plat l'ensemble des réformes, annoncées ou en chantier, à la lumière de la crise actuelle et des problèmes actuels rencontrés par les français.

Un moratoire indispensable sur les réformes.
Continuer à décréter que les réformes devront continuer, pour la raison apparemment inattaquable que notre président en avait fait la promesse avant d'être élu, me semble surréaliste.
Le Titanic coule, mais on continue à astiquer le pont.
Qu'il faille réformer, certes, qu'il faille être courageux pour mettre en place les réformes annoncées, certes encore. Mais qu'il faille s'obstiner ne me semble pas être le meilleur moyen d'atteindre un consensus national, indispensable dans ce contexte de crise majeure.

De la nécessité d'un consensus national.
Les trois objectifs précités sont d'une telle importance que ce 'Grenelle' devra rassembler l'ensemble des acteurs de la vie politique, sociale et économique de notre pays.
Cette participation étendue devra donc concerner, sans vouloir être exhaustif, les entités et organisations suivantes, sans aucune exclusive ou anathème: Associations de Consommateurs et d'Usagers des services publics, patronats, syndicats, partis politiques de toute obédience, du Front National jusqu'au NPA, le rôle du gouvernement étant principalement d'alimenter les participants en informations sur les comptes et les dépenses publics, à charge pour les participants d'en demander et d'en vérifier la teneur.

Chacun semble réclamer transparence et sincérité, c'est donc le moment de s'y mettre. Il ne s'agit pas de jeter a priori le discrédit sur telle ou telle partie de la population, ou de décréter: il faut plus, ou moins, de fonctionnaires, une facilité plus ou moins grande de recruter ou de licencier, ou tout autre idée a priori portant sur la vie sociale et économique. Il s'agit essentiellement de vérifier la nécessité et la cohérence de l'ensemble des objectifs et des mesures associées. Ce n'est pas de politique politicienne ou partisane, ni d'idéologie rampante dont la France a besoin en ce moment.

Je pense que sur ce point on pourrait même réconcilier Proudhon et notre Prix Nobel d'Economie Maurice Allais sur la seule interrogation socio-économique qui vaille, comment améliorer le bien-être de nos concitoyens.

jeudi 19 février 2009

Liberalisme et services publics, Acte 2

De l'efficacité du service public, et de sa mesure.
J.M. Harribey, que je citais dans un précédent billet, ayant eu l'amabilité de me signaler deux imprécisions ou inexactitudes, je vais tout d'abord faire les rectifications qui s'imposent.
En croissance zéro (la reproduction simple dirait Marx), j'ai indiqué que l'usure des machines et des équipements devait être compensée par les amortissements, et qu'il n'y avait aucun investissement net. En d'autres termes, le PIB que j'ai indiqué n'intègre ni les variations de stocks, supposées nulles, ni un gain net en logements - supposés stables. Etant, par ailleurs, en économie 'fermée' (ou, plus exactement, dans un contexte où la balance commerciale et la balance financière seraient toutes deux à l'équilibre), je n'ai pas introduit de différence entre le PIB brut et net.

En croissance zéro, pas de surplus à distribuer.
J'en avais déduit que si les profits ('revenus non gagnés' par le travail) étaient destinés, comme l'idéologie dominante l'affirme, à financer des investissements, ils devraient être nuls, puisque n'ayant plus cettte justification.
Lorsque notre président, N. Sarkozy, parle de partager les surplus entre ce qui est destiné aux actionnaires, ce qui est destiné aux salariés, et enfin ce qui est destiné à l'investissement net, dans ce contexte la répartition est vite faite. En dehors des salaires 'normaux', contractuels, les 'revenus gagnés', il n'y a rien à distribuer.

Les trois aspects du PIB.
Plus précisément, le PIB est classiquement abordé sous trois aspects: celui de la production ou de la 'richesse produite' (Valeur ajoutée plus TVA), celui des revenus ('revenus gagnés', ou 'salaires', plus profits éventuels nuls si croissance zéro), enfin celui des utilisations de ces mêmes revenus, ou Demande (réduite à la Consommation 'marchande' plus les Dépenses de l'Etat, hors Investissement, supposé nul dans le cas présent).
C'est sur ce dernier point, et plus particulièrement sur les dépenses de l'Etat, que je dois apporter une modification à mon premier billet. Si l'action 'publique' conduit bien à 45% du PIB en ce qui concerne les 'prélèvements obligatoires', les dépenses consacrées à payer des 'agents de l'Etat' (les fonctionnaires) sont voisines de 25%.

Je corrige bien volontiers cette imprécision, d'autant plus que l'objet de mon billet n'est pas là, et ne repose pas vraiment sur ces chiffres, que tout internaute curieux peut trouver assez facilement.

Dépenses publiques et action publique.
En fait, en plus des prélèvements obligatoires, censés permettre les actions régaliennes de l'état (salaires des fonctionnaires et transferts sociaux), d'autres cotisations plus ou moins obligatoires, font monter les 'recettes publiques' à 51% du PIB, pour des dépenses publiques de l'ordre de 54%. On retrouve ainsi le déficit public de 3% en 2007, sûrement plus proche de 4% en 2008. Mais, encore une fois, ce n'est pas le poids des dépenses publiques, qu'il soit trop ou pas assez important, que je veux questionner ici, mais leur efficacité.

Pour ce faire, je vais donc m'intéresser prioritairement à l'aspect 'Dépenses' du PIB, c'est à dire à l'utilisation du PIB (supposé produit, ou mieux 'anticipé' aurait pu dire Keynes). Dans un contexte de croissance zéro, on ne doit donc anticiper que la seule 'Consommation' - pas d'Investissement net.

Le PIB en tant que 'Consommation'.
Cette consommation se décompose en deux parties: la Consommation 'marchande', consacrée 'individuellement' à acheter des biens et services fournies par le secteur privé (là encore, je simplifie), et la Consommation 'collective', qui correspond donc, 'collectivement', à l'utilisation des biens et services fournies par le secteur public. Si je reprends des chiffres voisins de ceux indiqués par J.M. Harribey, et qui ont le mérite d'être simples, on arrive à 75% de 'consommation marchande', et 25% de consommation 'publique'.

Dit autrement, si on représente le PIB comme un gâteau destiné à être entièrement consommé dans l'année, les 3/4 de ce gâteau sont 'choisis' par le consommateur 'individuel', et le dernier quart correspond à une part décidée par la collectivité. Le fait qu'il n'y ait pas d'investissement net signifie, dans cette métaphore, qu'on n'épargne ni gâteau (pas de variation de stock) ni farine ou autres ingrédients. La croissance zéro permet de maintenir les mêmes habitudes de consommation et le même pouvoir d'achat pour chacun, en supposant que la répartition du gâteau ne change pas, bien sûr.

Cette production du gâteau national étant supposée réalisée, plusieurs questions se posent, bien sûr. Tout d'abord, comment la répartition 'marchande/publique' est-elle décidée? Ensuite, comment fait-on pour financer 'judicieusement' ces achats, en s'arrangeant donc pour que les demandes solvables individuelles correspondent aux consommations individuelles envisagées. Dans une troisième étape, nous poserons enfin la question de l'éventuelle relance de la croissance, c'est à dire de l'augmentation du gâteau national.

La question de la 'répartition optimale', consommation privée, services publics.
Peu d'économistes ont posé la question sous cette forme, la plupart d'entre eux pensant sans doute que cette question, soit ne pouvait avoir de réponse, soit avait une réponse fournie par leur propre idéologie. Ce pouvait pour certains être le marché, somme des égoïsmes aveugles, conduisant à l'optimum si on le laissait faire: d'où la restriction de la 'consommation collective' à sa portion congrue, voire même à sa disparition.
Pour d'autres, la répartition optimale devrait être le fait d'autorités planificatrices, qui, dans leur immense sagesse, savaient ce qui était bon pour le peuple.Là encore, la question de la répartition optimale était réglée: plus de consommation 'marchande', seule la consommation décidée 'collectivement' devait avoir droit de cité.

Entre 'tout marché' et 'tout état', on comprend bien que le choix n'est pas aussi binaire. On revient donc à ma question originelle: comment décider de cette répartition, et qui doit en décider? Les patrons, les syndicats, l'état, les ONG, un mix de tout cela, peut être aussi le citoyen-consommateur, rarement invité lorsqu'il ne manifeste pas violemment, hélas?.

Je n'ai malheureusement pas de réponse définitive sur ce sujet, mais je vais simplement tenter d'indiquer quelques pistes.

Ne faisons pas du passé table rase.
Même si je considère qu'il faut aborder la crise économique d'un point de vue résolument novateur, et donc en rupture complète avec les mesures classiques annoncées ici ou là dans la plupart des pays du G20, cela ne signifie nullement qu'il faille tirer un trait sur le passé, et oublier la situation dans laquelle nous sommes.
Il ne s'agit pas, ou plus, ou pas encore, de chercher des responsables à la crise, ou de décréter, à tort ou à raison, que c'est la faute du système, quelle que soit la terminologie utilisée. Face à une situation donnée, que l'on peut synthétiser par une croissance française nulle en 2008, annoncée fortement négative en 2009, que peut-on faire pour améliorer la situation?
Grèves et manifestations de plus en plus violentes montrent l'étendue du problème, et la perte de confiance de nos concitoyens vis à vis du 'système', vis à vis de nos gouvernants, vis à vis d'eux-même parfois. Mais il n'en survient aucune solution.

Il faut donc partir de l'existant, aussi insatisfaisant soit-il, pour montrer comment on peut arriver à une situation globale préférable, sans se réfugier derrière nos idéologies plus ou moins implicites, ou derrière nos revendications, aussi légitimes soient-elles. Nous sommes dans une économie mixte, avec un secteur privé et un secteur public, c'est à chaque citoyen de prendre conscience de la situation, et de demander à leurs divers représentants d'en débattre de façon transparente, en prenant le temps de l'écoute et de la compréhension mutuelles.

Je propose donc deux démarches simultanées, qui me semblent avoir le mérite de permettre de réfléchir non seulement à la première question, sur le choix de la répartition 'optimale', mais aussi aux deux autres, celui de la solvabilité de la demande, et celui de la relance de la croissance.

Première démarche, une table ronde sur l'existant.
Je propose donc un nouveau Grenelle de réflexion nationale. Ce n'est pas remettre en question la personnalité de notre président, avec ses défauts et ses qualités, que d'affirmer qu'aucune personnalité, aussi active soit-elle, ne peut prétendre à elle seule assurer la rupture nécessaire. La crise actuelle est beaucoup trop profonde.

Mais il faudra fixer un délai raisonnable à ce Grenelle, 3 mois, un objectif partagé par tous, 'le problème de la répartition', et une participation étendue représentant l'ensemble des parties concernées: Associations de Consommateurs et d'Usagers des services publics, patronats, syndicats, partis politiques de toute obédience, du Front National jusqu'au NPA, le rôle du gouvernement étant d'alimenter les participants en informations sur les comptes et les dépenses publics, à charge pour les participants d'en demander et d'en vérifier la teneur. Chacun semble réclamer transparence et sincérité, c'est donc le moment de s'y mettre. Il ne s'agit pas de jeter a priori le discrédit sur telle ou telle partie de la population, ou de décréter: il faut plus, ou moins, de fonctionnaires, mais d'en vérifier les besoins, et les possibilités de financement.

Un moratoire nécessaire sur les réformes.
Ceci impose aussi, bien sûr, un moratoire de quelques mois au moins, sur les décisions de ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires partant à la retraite, et, plus généralement, sur l'ensemble des réformes envisagées, aussi nécessaires soient-elles pour certaines. Il en va de la crédibilité de l'esprit d'ouverture de nos gouvernants, et en particulier de notre président. La situation est trop grave pour que l'on se cramponne à une feuille de route annoncée avant que l'ampleur de la crise ne se révèle à tous.

Deuxième démarche, l'instauration progressive du RMD.
Dans l'attente des conclusions de ce Grenelle, qui abordera en particulier la question du service public, et de son efficacité dans ses principaux secteurs: santé, éducation, sécurité, justice, etc., je propose l'instauration du RMD (Revenu Minimum de dignité)de façon progressive, 625 euros mensuels pour chaque adulte, la moitié en moyenne pour chaque enfant, ceci s'appliquant à 10 millions de nos concitoyens, soit 15% des plus modestes ou des plus fragiles d'entre nous, l'objectif étant d'instaurer d'ici trois ans le RMD à l'ensemble de la population française. Rappelons ici, à nouveau, qu'il ne s'agit pas d'augmenter les salaires, encore moins le SMIC, la majorité de nos entreprises étant déjà exsangues, mais de permettre une relance de la consommation, à prix stables.

En ce qui concerne, enfin, le problème de la croissance, je prétends que, contrairement aux prévisions pessimistes de la majorité des experts, le gâteau national' peut être augmenté en 2009, dès lors qu'une plus grande compréhension et un meilleur accord sur la répartition de ce gâteau pourront être établis. Les capacités de production des entreprises françaises sont très loin d'être saturées, à en juger par les mesures de chômage technique annoncées un peu partout. L'État, c'est à dire nous, doit permettre l'anticipation de cette relance grâce à une création monétaire intégrant ces mêmes anticipations, et sur les possibilités réelles, physiques, des entreprises françaises. Il s'agit tout simplement d'associer à la demande anticipée les revenus correspondant, pour en faire une véritable demande solvable.

En résumé, ce n'est qu'en partant du résultat espéré, et attendu, en inversant en quelque sorte le problème de la répartition du gâteau national avant d'en décider la production que nous pourrons sortir de la crise. C'est le premier et le plus important 'service public' que l'on peut demander, voire exiger.

mercredi 18 février 2009

Liberalisme et services publics, Acte 1

En réfléchissant sur le financement du RMD (Revenu Minimum de Dignité, 625 euros mensuels) que je pense encore et toujours être indispensable à une sortie de crise, et donc sur le rôle 'social' de l'Etat - service public s'il en est - j'en suis arrivé me poser une question tellement évidente qu'on l'oublie trop souvent.

La question fondamentale du PIB.
Que représente vraiment le PIB, question centrale bien sûr, puisque c'est de sa répartition - et de sa production- qu'il s'agit, plus particulièrement en ce temps de crise? Distribuer 25% de ce PIB, sans contre-partie, à l'ensemble des adultes (un peu moins en fait si l'on tient compte du 'RMD enfant'): une chimère, ou une nécessité? Pour répondre, faut-il encore comprendre à quoi tout cela correspond.

Le PIB, pour faire simple, et en oubliant pour le moment le problème du Commerce International - qui compliquerait inutilement l'exposé - est composé de deux parties: le PIB 'marchand' et le PIB 'non marchand'.
Le PIB marchand correspond pour sa plus grande part à ce qui est produit par le secteur privé - par les 'salariés' - et le PIB non marchand correspond à ce qui est produit par les administrations - par les fonctionnaires pour faire bref.

Dernière distinction fondamentale, le PIB marchand est 'valorisé' sur le marché, et, en supposant qu'il soit entièrement vendu, cette valorisation correspondra à la somme des salaires et des profits correspondant.

Pour le PIB 'non marchand' - les biens et services fournis par le 'Secteur Public' (là encore, c'est une simplification, il n'y a pas de raison 'technique' pour que les services publics soient fournis uniquement par le secteur public) sont valorisés plus simplement encore, ils correspondent aux salaires perçus par les fonctionnaires.

Toujours et encore pour simplifier, je me suis placé ici en 'croissance zéro', à la fois pour la démographie et pour l'économie: pouvoir d'achat stable (si la répartition du PIB ne change pas), pas de progrès technique, ce que Marx appelait 'reproduction simple' dans le livre II, posthume, du Capital. L'usure des machines est simplement compensée par l'amortissement, il n'y a pas d'investissement net.

Profits, rentabilité et taux de croissance.
Remarquons tout d'abord que dans le cas de figure précité, croissance zéro (les 'experts' - ou affichés tels - annoncent pour 2009 une croissance négative, c'est à dire une récession, de 1à 2% pour la France), les profits n'existent que dans la sphère privée. S'ils sont censés financer les investissements, on se demande pourquoi ils existent, puisqu'il n'y a pas d'investissement net.

Je distingue ici, comme le ferait notre seul Prix Nobel d'économie, M. Allais, les revenus 'gagnés' des revenus 'non gagnés'. Les patrons et les entrepreneurs peuvent travailler, et leur 'juste rémunération' correspond à des salaires, qui leur permet de consommer - mais pas d'investir puisqu'il n'y a pas d'investissement net, rappelons le. Tout ce qui n'est pas lié à leur travail - 'revenus non gagnés' - devrait disparaître, ou être reversé à la collectivité. Je me répète, mais aussi curieux que cela puisse être aux économistes et politiques de tout bord, le libéral M. Allais est aussi de cet avis.

Donc, pas de 'profits', même dans le secteur privé, marchand, s'il n'y a pas de croissance. L'économie est juste à l'équilibre. On retrouve en fait la seule loi qui devrait être 'LA' loi de l'économie - très loin d'être une science, même si peu d'économistes osent l'avouer. Le taux d'intérêt - le taux de rentabilité 'sans risque' - devrait être égal au taux de croissance (à l'inflation près). Si pas de croissance, pas de profits...

Une croissance zéro ne signifie pas une efficacité nulle.
Même si je pense que les lignes précédentes ne déplairont sans doute pas aux anti-capitalistes de toute obédience, cela ne signifie pas qu'un système économique ne doit pas se soucier de l'efficacité de ses entreprises ou administrations. Même si trop souvent 'efficacité' est associée à 'rentabilité' et donc à 'profits', attention aux conclusions hâtives. Pour un travail ou une mission donnés, on peut être plus ou moins efficace.

En France, pour 25 millions d'actifs, on a un PIB global, marchand ou non marchand, de 1800 milliards d'euros. Dans d'autres conditions d'efficacité, ce PIB aurait pu être de 1500 milliards, ou de 2000 milliards, pour une composition analogue (même pourcentage de tomates, de carottes, de voitures, de lignes de chemins de fer, d'actes médicaux, sans même remettre en cause le contenu de ce PIB, en raisonnant donc simplement 'par homothétie' diraient les matheux).

La question de l'efficacité du secteur public.
Autant je ne peux être que d'accord avec mon collègue de Bordeaux, accessoirement co-président d'Attac France, J.M. Harribey, lorsqu'il démontre fort joliment que les a-priori contre les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier sont purement idéologiques, autant je refuse de faire l'impasse sur la question de l'efficacité du secteur public.

Je ne suis pas sûr que les entreprises privées soient toutes aussi efficaces qu'elles devraient l'être, même si elles ont une puissante motivation: sinon une forte rentabilité, au moins la survie, en particulier dans le cadre des P.M.E. Je n'irais donc pas jusqu'à prétendre comme de nombreux 'libéraux', depuis la fable des abeilles de Mandeville (1705), suivie par la Richesse des Nations d'A. Smith, que les "vices cachés font les vertus publiques", ou que les égoïsmes individuels contribuent nécessairement à la richesse des nations.

Mais, à l'inverse, prétendre comme la plupart des politiques idéologiquement marqués à gauche, soit que les fonctionnaires sont nécessairement garants de la qualité du bien et du service public, soit que le secteur public n'a pas à se soucier d'efficacité (là encore en jouant sur les mots et en confondant, volontairement ou non, efficacité et rentabilité) est plus qu'une erreur, c'est une faute aurait dit Talleyrand.
La question qu'il faut se poser, et qu'il faut tenter de résoudre, est donc la suivante. Comment juger de la qualité du service public, et qui doit en juger?

C'est à ce problème que je m'attellerai dans mon prochain billet, sachant que bon an mal an le PIB non marchand correspond à environ 45% du PIB global. Si le secteur public est plus efficace que le secteur privé, cela signifierait que, à qualifications égales, les fonctionnaires devraient être mieux payés que dans le privé. Dans le cas contraire, bien sûr, ils devraient être moins payés. Mais affirmer qu'il faut réduire, ou augmenter, le nombre de fonctionnaires, sans que nul ne semble se préoccuper de mesurer son efficacité, me semble relever, là encore, de la pure idéologie.

samedi 7 février 2009

crise economique et protectionnisme

Comme je l’ai écrit dans un précédent billet, sur lequel je ne reviendrai pas ici, les mesures annoncées par N. Sarkozy dans l’émission « Sarkozy face à la crise » me semblent classiques, cohérentes, mais insuffisantes.
Comme l’a redit fort justement (cf. Le Figaro) Villepin le 7/02/2009, après N. Sarkozy d’ailleurs, nous sommes face à « une crise sans précédent, d'une profondeur inouïe, qui va tout changer, en particulier la hiérarchie des Etats dans la nouvelle donne internationale». Il conviendrait donc, ajoute Villepin, d’inventer une véritable « rupture » par rapport aux mesures classiques envisagées.

Une relance par la consommation, avec les nouveaux moyens que je propose, dont l’instauration d’un Revenu Minimum de Dignité universel (625 euros mensuels pour chacun de nos compatriotes) me semble de fait de plus en plus indispensable.

Mais ce n’est pas sur ce point, abondamment commenté par ailleurs, en particulier sur le site « contre-feux » et sur mon blog personnel (http://eco-socio-techno.blogspot.com), que je voudrais revenir ici.

Je vais d’abord reprendre une des mesures les plus concrètes annoncée par N. Sarkozy lors de l’émission précitée, celle concernant la disparition de la Taxe professionnelle.

Taxe professionnelle et protectionnisme.
En fait, cette taxe, qui n’existe sous cette forme qu’en France, est presque une mesure protectionniste à l’envers, au sens où elle pénalise les entreprises françaises vis-à-vis de l’ensemble des entreprises européennes. L’Elysée estime ainsi que sur les 1000 euros de différences de coût entre une voiture produite en France et la même voiture produite en Europe de l’Est, un bon tiers est lié à cette taxe. Il est sûr que la disparition de cette taxe « anti-française » ne va pas faire plaisir à la Tchéquie ou à la Roumanie. Est-ce une mesure protectionniste parce qu’elle est anti-anti-protectionniste, et qu’elle gomme ainsi une différence qui nuisait évidemment à la compétitivité des entreprises françaises ? Je laisse au lecteur le soin de juger.

La seule chose évidente que l’on peut dire, c’est que la concurrence actuelle sera évidemment modifiée, au profit des entreprises françaises. Que ces 8 ou 18 milliards soient difficiles à remplacer, du point de vue des collectivités locales, est évident, mais en tant qu’économiste il me semble que la première question qu’il faudrait se poser est la suivante. Est-ce que la suppression de cette taxe professionnelle sera efficace, au sens où elle apporterait à la France, et pas seulement aux collectivités locales, plus de 8, ou 18 milliards d’euros ? Si oui, c’est une bonne mesure du point de vue de la compétitivité française, si non, c’est une mauvaise mesure. Mais, encore une fois, cela impacte les règles de la concurrence, donc des esprits chagrins pourraient se plaindre des effets protectionnistes de cette mesure.

Protectionnisme et concurrence.
Plus généralement, si l’on prend comme définition ‘large’ du protectionnisme toute mesure ou toute idée tendant à renforcer la compétitivité d’entreprises d’un pays donné, il est clair que toute tentative de relance ‘individuelle’, locale, nationale, de sortie de crise est protectionniste, puisqu’elle tend à modifier la place économique d’un pays dans le concert des nations.

D’un pur point de vue libéral, ce que je ne suis pas vraiment sur ce point, toute mesure ‘patriotique’ est condamnable, les libéraux et marxistes se retrouveraient d’ailleurs sur ce point, pour des raisons antagonistes.

Vive la libre entreprise diraient les premiers, et abolissons donc toutes les taxes particulières et toutes les frontières. Vive le libre travailleur diraient les seconds, et abolissons donc les frontières et toute différence de rémunération entre eux. Et ne parlons pas des consommateurs-citoyens, qui en tant que citoyens sont éminemment protectionnistes, pour sauver leurs emplois et donc leurs revenus, et en tant que consommateurs ne se privent pas d’acheter chinois.

Je propose donc ici une définition plus stricte, et donc plus opérationnelle, de la notion de protectionnisme, qui recouvre la notion de concurrence ‘éthique’. C’est une notion relative, hélas, car cette définition fait référence aux lois de la concurrence telles qu’elles sont couramment acceptées.

Protectionnisme éthique.
Lorsque le monde entier, mondialisation oblige, était en croissance, entre 2% pour la vieille Europe et 10% pour les pays émergents, on ne se posait pas vraiment la question d’une concurrence loyale ou éthique. Bien sûr, les conditions de travail dans ces différents pays, et l’environnement social chinois ou indien, n’étaient sûrement pas semblables à ceux de la vieille Europe, et encore moins à ceux de la France. On pouvait même se dire qu’il était ‘normal’, après plusieurs siècles de domination de l’occident (en rangeant le japon dans cette dénomination), que de nouveaux pays entrent en bonne place dans le concert des nations.
Leur développement extrêmement rapide pouvait inquiéter, et le déficit croissant de la balance commerciale française devenir de plus en plus préoccupant. Mais, après tout, c’était vivable.

Mais lorsque le taux de croissance de l’économie mondiale tend vers zéro, et lorsque celui de l’occident devient largement négatif (on parle de moins 2 à moins 3 % pour 2009, peut être pire par la suite), la donne change complètement. On veut bien stabiliser notre niveau de vie, mais assurément pas le diminuer, d’autant plus qu’il ne faut pas le nier, c’est sans doute les plus faibles qui seront touchés en premier.

Je ne suis pas sûr que la France, ou même l’Europe, soit en mesure d’exiger qu’on applique aux travailleurs chinois, indiens, mauritiens ou malgaches les mêmes normes de protection sociale qu’au travailleur européen moyen (sans même parler des fameuses 35 heures françaises). Mais j’avoue que je n’aurai aucun état d'âme ni souci, déontologique, éthique ou autre, si l’Europe en général, et la France en particulier, augmentait de façon drastique les taxes concernant tous les produits en provenance de pays « arriérés socialement ».

Si l’on considère en effet que la concurrence, pour être loyale, doit s’effectuer dans des conditions comparables, il est clair que la compétition actuelle n’est pas loyale. Prendre des mesures de protectionnisme social – qui ne doit être justifié que par des considérations sociales, certaines entreprises de pays émergents pouvant fort bien être plus efficaces que les nôtres, indépendamment de leurs conditions sociales – me semblerait donc tout à fait normal.

Les inconvénients d’un protectionnisme social.
Comme je l’ai dit plus haut, de nombreuses entreprise multinationales, en particulier celles qui ne pensent qu’à délocaliser et qui n’ont de ‘national’ que le nom, ou parfois que le siège social ne peuvent que s’opposer au protectionnisme, social ou non. Pour eux, un sou est un sou, qu’il soit chinois, européen ou américain.

Ce sont donc ces entreprises là qui hurleront le plus fort contre de telles mesures, car ce sont elles qui ont le plus à perdre, au moins sur le court terme. La mondialisation, telle qu’elle s’est développée depuis une dizaine d’années, n’est pas une mondialisation poussée par les états – à l’exception notable près de la Chine, ou d’autres pays pas vraiment démocratiques – mais bien par les entreprises, nolens volens, ainsi d’ailleurs que par les consommateurs de ces mêmes pays.

A ce sujet d’ailleurs, les consommateurs ne sont pas nécessairement prêts à accepter une TVA sociale qui augmenterait tellement les prix des biens de consommation courante (en particulier ceux du secteur textile et ceux du secteur jouets) en provenance de l’extrême orient que les produits européens, voire français, redeviendraient rentables.

C’est au bon sens de reprendre tous ses droits.
Mais si la crise peut avoir un côté positif, c’est bien celui d’avoir remis en exergue cette locution de bon sens : « on ne peut avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre », on ne peut vouloir à la fois acheter bon marché à l’étranger – du fait des bas salaires qui y sont pratiqués – et penser que cela n’aura aucune répercussion sur l’emploi et les salaires domestiques. Il est vrai que les tenants du commerce équitable et les promoteurs d’un développement durable avaient commencé à faire entendre, très timidement, leurs voix en ce domaine. Mais il fallait peut être une crise mondiale pour comprendre que le monde ne pouvait continuer ainsi, crise financière ou pas crise financière. Je n’irai cependant pas jusqu’à remercier les spéculateurs et leur avidité sans limites pour avoir été le détonateur de cette prise de conscience, les dizaines de millions de faibles et d’exclus ne me le pardonneraient pas, à juste titre d’ailleurs.

En résumé, sortir de la crise, c’est possible, avec des mesures de rupture, telles l’instauration du Revenu Minimum de Dignité (qui n’a rien à voir avec l’augmentation du SMIC, impossible à demander à la plupart de nos entreprises, déjà exsangues) et la mise en œuvre, à l’échelon européen si possible, d’un protectionnisme social. Nos gouvernants auront-ils la sagesse d’être ‘révolutionnaires’ dans leurs décisions, je ne peux que l’espérer.

vendredi 6 février 2009

N. Sarkozy face à la crise... trop classique

La relance Sarkozy, classique, cohérente, mais insuffisante.
Ayant écouté avec attention, comme des millions de français, l’émission « N. Sarkozy face à la crise », les mesures annoncées m’ont paru cohérentes, innovantes parfois, mais imaginées dans un cadre trop classique, une relance par l’investissement, associée à des mesures sociales relativement importantes.
N’étant ni extrémiste ni idéologue (du moins, je l’espère), je souhaiterai évidemment que ces mesures suffisent pour arrêter la spirale dépressive de l’économie française – et des français – mais je crains fort que ce ne soit pas le cas.

Loin de moi l’idée de prêter des arrière-pensées aux initiateurs de ce plan. Ce sont sûrement des gens compétents, et je n’ai aucune raison de mettre en doute leur honnêteté, ou leur désir sincère de venir en aide à nos compatriotes, et en particulier aux plus faibles d’entre eux. Les mesures prises en direction du chômage partiel, ou des jeunes jamais encore employés, ont évidemment une portée sociale indiscutable.

Face à une crise mondiale, il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin.
La plupart des commentateurs et experts économiques comparent, au mieux, la crise actuelle à la crise de 1929, situation aggravée par le phénomène de la mondialisation, le monde entier étant touché par ces mouvements de récession. Les mesures ‘classiques’ à l’époque avaient mis une dizaine d’années – et encore – pour remettre le système sur ses rails. Certains historiens pensent d’ailleurs que la guerre de 1939-1945 en était une des conséquences, quelle que soit la folie d’Hitler et la mégalomanie de Staline.

Les interrogations et les querelles d’experts actuelles reposant sur le même débat ‘classique’ « Consommation vs Production », ou « Offre vs Demande », je crains donc que la sortie de crise risque d’être aussi douloureuse que celle de 1929, même si on peut espérer que nos gouvernants et nos experts soient plus attentifs qu’alors à l’impact des mesures proposées, et plus susceptibles de s’ajuster plus rapidement aux aléas de la conjoncture, du fait aussi des moyens d’information mis à leur disposition.

Du pain pour tous …
Comme vu dans un précédent billet, la CGT réclamait du pain et du travail pour tous. Le travail, je ne sais pas si c’est vraiment possible, mais du pain (et un toit) pour chacun, et des activités pour tous, activités marchandes ou non marchandes, ce n’est pas seulement souhaitable, c’est impératif. Dans un pays comme la France, il serait scandaleux qu’il en soit autrement.

Consommer plus pour produire plus.
La première conséquence économique du RMD (Revenu Minimum de Dignité) est d’assurer une stabilité minimale – que certains jugeront insuffisante – à la ‘demande solvable’ de chacun de nos concitoyens : 1250 euros pour un couple sans enfants, la même chose pour une femme seule avec deux enfants, s’ils sont garantis à vie, cela peut changer quelque peu la donne.

Je ne suis pas contre la formule « travailler plus pour gagner plus », même si je préfère la formule « travailler mieux pour produire mieux », mais dans ces temps de récession, il me semble que le cycle infernal, défiance-baisse de la consommation-baisse de la production-crise doit à tout prix être brisé. Lorsque l’on a peur, on ne se rue pas dans les magasins pour acheter, on essaye de survivre, quitte même à épargner, lorsqu’on le peut encore, en vue d’un contexte futur que l’on peut craindre encore plus difficile. Lorsque la production industrielle s’effondre de 10%, lorsque le chômage s’aggrave de 220 000 personnes en 4 mois – en dépit des mesures de chômage partiel, et même si c’est pire en Espagne ou en Italie – il n’y a vraiment pas de quoi faire la fête. Les dépenses d’impulsion chères à nos ‘marketteurs’ ne sont plus d’actualité.

Pour une relance ‘révolutionnaire’ de la consommation.

La relance de la consommation, mais une relance ‘révolutionnaire’, pas à l’ancienne, une relance garantie par un pouvoir d’achat minimal stable me semble donc, encore et toujours, indispensable.
Il s’agit non seulement d’anticiper sur la sortie de crise, mais de la susciter, en donnant de l’argent – la création monétaire, si elle est raisonnée, et donc raisonnable, c’est fait pour anticiper sur une croissance future – à ceux qui sont le plus susceptibles non seulement d’en avoir un besoin impératif mais aussi de l’utiliser très rapidement. C’est l’objectif du RMD, qui en période pleine devrait concerner l’ensemble de la population française, mais qui dans une période transitoire pourrait être affecté en premier aux plus faibles et aux plus démunis.
Si la consommation augmente, certaines chaînes de production vont être relancées, le chômage partiel diminuera, certains emplois pourront même être recréés, même si je ne crois pas vraiment à un chômage à taux zéro dans un avenir prévisible, d’où mon bémol au slogan de la CGT.

N’étant pas totalement candide, je ne suis pas sans savoir qu’une telle mesure – permanente et non transitoire, cette permanence est indispensable si l’on veut restaurer la confiance, indispensable pur le bon fonctionnement de tout système socio-économique – va attirer de multiples critiques, concernant en particulier le déficit commercial et le déficit budgétaire.

Quid des déficits ?
En dépit d’une croissance encore faiblement positive, le déficit commercial s’est encore accru en 2008 de 15 milliards d’euros, pour atteindre près de 56 milliards. Certains bons esprits affirment, données économétriques à l’appui, que toute consommation supplémentaire irait pour les 2/3 à l’étranger, contre seulement 1/3 pour les entreprises françaises. Les statistiques servent peut être à éclairer le passé, surtout lorsque celui-ci est stable, mais pour prévoir l’avenir, il en va tout autrement.

Raisonnons donc par l’absurde. L’avenir sera pour partie ce que nous déciderons collectivement d’en faire. C’est vrai pour le réchauffement climatique, c’est vrai pour le développement durable, c’est aussi vrai, partiellement du moins, pour la situation économique de notre pays, cinquième puissance mondiale selon notre président lui-même.

Le RMD étant adossé sur le PIB, et donc, rapidement dit, sur la production des entreprises françaises, chacun comprendra que c’est cette production française qu’il faut privilégier, si l’on veut pérenniser le niveau proposé du RMD (25% du PIB moyen). Est-ce que cela changera la donne ? Nul ne peut le dire avec certitude, on peut seulement l’espérer. Mais vu que le déficit commercial se creuse depuis 4 ans, en période de vaches de moins en moins grasses comme en période de vaches maigres, autant essayer des mesures vraiment nouvelles et originales, surtout lorsqu’elles ont pour objectif premier de redonner Dignité et Espérance aux millions d’exclus.

Le déficit budgétaire de la France, s’il sera impacté initialement par l’instauration du RMD, puisqu’il faudra trouver initialement 100 à 200 milliards d’euros, ne devrait pas augmenter à moyen terme.
De fait, le financement demandé correspond à une simple avance, puisque le RMD sera, en année pleine, financé entièrement par un prélèvement de 30 à 33% sur les ‘revenus gagnés’, dans un contexte, espérons le, de croissance retrouvée. Précisons encore que si l’on passe d’une récession de 2% à une croissance de 2%, sur les trois prochaines années (c’est mon estimation optimiste de la durée ‘normale’ de la crise, si l’on se contente des solutions ‘classiques’), on gagne ainsi 4 points en moyenne de PIB, soit 72 milliards par an sur 3 ans.

Sortir de la crise, c’est donc possible. Nos gouvernants auront-ils la sagesse d’être ‘révolutionnaires’ dans leurs décisions, je ne peux que l’espérer.

lundi 2 février 2009

Une relance étatique peut-elle etre libérale

L'ampleur des grèves du 29/09/2009, et en particulier l'adhésion globale qu'elles semblent recueillir, montre que le malaise socio-économique, voire politique, est profond.
Certains bons esprits continuent encore à réfléchir doctement sur le rôle de l'état. Ne serait-il pas contradictoire, pour un état dont les gouvernants se disent libéraux, d'aider plus ou moins directement les entreprises, quelque soit le moyen employé (baisse de charge, aide aux investissements), etc.
D'autres encore, ce sont parfois les mêmes, sont près à s'écharper sur l'influence respective de l'Offre et de la Demande dans une économie moderne, plus ou moins bien régulée par le marché.
Cette situation ubuesque, alors qu'il y a "le feu dans le lac", n'est pas loin de rappeler les histoires fameuses sur la meilleure disposition possible des chaises longues sur le Titanic en train de couler.

Laissons parler le bon sens.
Les experts en général, et les économistes en particulier, détestent faire appel au bon sens, surtout 'populaire', car ils préfèrent souvent utiliser un langage abscons, si possible compréhensible par le moins de monde possible, cela leur semble sans doute justifier leurs longues et parfois difficiles études: comment peut-on oser s'exprimer en public si l'on n'est pas au moins BAC plus 8, voire plus 10 ou 11.

Ayant eu la chance professionnellement de fréquenter personnellement toutes sortes de personnes, allant de Bac moins 5 à Bac plus 10, j'ai constaté que les réflexions de bon sens, souvent pertinentes, n'étaient pas l'apanage de nos élites, bien au contraire. Et plutôt que d'écouter respectueusement les débats qui s'égrennent à longueur de journées sur nos radios et nos télévisions, entre les m^mes interlocuteurs, bardés non seulement de diplômes mais de certitudes, je pense que l'écoute des gens, ceux qui souffrent directement de la crise, non parce qu'ils ont perdu tous leurs investissement plsu ou moins spéculatifs mais parce que leur emploi est menaçé, ou parce qu'ils n'ont encore jamais eu accès à un véritable emploi