mercredi 18 février 2009

Liberalisme et services publics, Acte 1

En réfléchissant sur le financement du RMD (Revenu Minimum de Dignité, 625 euros mensuels) que je pense encore et toujours être indispensable à une sortie de crise, et donc sur le rôle 'social' de l'Etat - service public s'il en est - j'en suis arrivé me poser une question tellement évidente qu'on l'oublie trop souvent.

La question fondamentale du PIB.
Que représente vraiment le PIB, question centrale bien sûr, puisque c'est de sa répartition - et de sa production- qu'il s'agit, plus particulièrement en ce temps de crise? Distribuer 25% de ce PIB, sans contre-partie, à l'ensemble des adultes (un peu moins en fait si l'on tient compte du 'RMD enfant'): une chimère, ou une nécessité? Pour répondre, faut-il encore comprendre à quoi tout cela correspond.

Le PIB, pour faire simple, et en oubliant pour le moment le problème du Commerce International - qui compliquerait inutilement l'exposé - est composé de deux parties: le PIB 'marchand' et le PIB 'non marchand'.
Le PIB marchand correspond pour sa plus grande part à ce qui est produit par le secteur privé - par les 'salariés' - et le PIB non marchand correspond à ce qui est produit par les administrations - par les fonctionnaires pour faire bref.

Dernière distinction fondamentale, le PIB marchand est 'valorisé' sur le marché, et, en supposant qu'il soit entièrement vendu, cette valorisation correspondra à la somme des salaires et des profits correspondant.

Pour le PIB 'non marchand' - les biens et services fournis par le 'Secteur Public' (là encore, c'est une simplification, il n'y a pas de raison 'technique' pour que les services publics soient fournis uniquement par le secteur public) sont valorisés plus simplement encore, ils correspondent aux salaires perçus par les fonctionnaires.

Toujours et encore pour simplifier, je me suis placé ici en 'croissance zéro', à la fois pour la démographie et pour l'économie: pouvoir d'achat stable (si la répartition du PIB ne change pas), pas de progrès technique, ce que Marx appelait 'reproduction simple' dans le livre II, posthume, du Capital. L'usure des machines est simplement compensée par l'amortissement, il n'y a pas d'investissement net.

Profits, rentabilité et taux de croissance.
Remarquons tout d'abord que dans le cas de figure précité, croissance zéro (les 'experts' - ou affichés tels - annoncent pour 2009 une croissance négative, c'est à dire une récession, de 1à 2% pour la France), les profits n'existent que dans la sphère privée. S'ils sont censés financer les investissements, on se demande pourquoi ils existent, puisqu'il n'y a pas d'investissement net.

Je distingue ici, comme le ferait notre seul Prix Nobel d'économie, M. Allais, les revenus 'gagnés' des revenus 'non gagnés'. Les patrons et les entrepreneurs peuvent travailler, et leur 'juste rémunération' correspond à des salaires, qui leur permet de consommer - mais pas d'investir puisqu'il n'y a pas d'investissement net, rappelons le. Tout ce qui n'est pas lié à leur travail - 'revenus non gagnés' - devrait disparaître, ou être reversé à la collectivité. Je me répète, mais aussi curieux que cela puisse être aux économistes et politiques de tout bord, le libéral M. Allais est aussi de cet avis.

Donc, pas de 'profits', même dans le secteur privé, marchand, s'il n'y a pas de croissance. L'économie est juste à l'équilibre. On retrouve en fait la seule loi qui devrait être 'LA' loi de l'économie - très loin d'être une science, même si peu d'économistes osent l'avouer. Le taux d'intérêt - le taux de rentabilité 'sans risque' - devrait être égal au taux de croissance (à l'inflation près). Si pas de croissance, pas de profits...

Une croissance zéro ne signifie pas une efficacité nulle.
Même si je pense que les lignes précédentes ne déplairont sans doute pas aux anti-capitalistes de toute obédience, cela ne signifie pas qu'un système économique ne doit pas se soucier de l'efficacité de ses entreprises ou administrations. Même si trop souvent 'efficacité' est associée à 'rentabilité' et donc à 'profits', attention aux conclusions hâtives. Pour un travail ou une mission donnés, on peut être plus ou moins efficace.

En France, pour 25 millions d'actifs, on a un PIB global, marchand ou non marchand, de 1800 milliards d'euros. Dans d'autres conditions d'efficacité, ce PIB aurait pu être de 1500 milliards, ou de 2000 milliards, pour une composition analogue (même pourcentage de tomates, de carottes, de voitures, de lignes de chemins de fer, d'actes médicaux, sans même remettre en cause le contenu de ce PIB, en raisonnant donc simplement 'par homothétie' diraient les matheux).

La question de l'efficacité du secteur public.
Autant je ne peux être que d'accord avec mon collègue de Bordeaux, accessoirement co-président d'Attac France, J.M. Harribey, lorsqu'il démontre fort joliment que les a-priori contre les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier sont purement idéologiques, autant je refuse de faire l'impasse sur la question de l'efficacité du secteur public.

Je ne suis pas sûr que les entreprises privées soient toutes aussi efficaces qu'elles devraient l'être, même si elles ont une puissante motivation: sinon une forte rentabilité, au moins la survie, en particulier dans le cadre des P.M.E. Je n'irais donc pas jusqu'à prétendre comme de nombreux 'libéraux', depuis la fable des abeilles de Mandeville (1705), suivie par la Richesse des Nations d'A. Smith, que les "vices cachés font les vertus publiques", ou que les égoïsmes individuels contribuent nécessairement à la richesse des nations.

Mais, à l'inverse, prétendre comme la plupart des politiques idéologiquement marqués à gauche, soit que les fonctionnaires sont nécessairement garants de la qualité du bien et du service public, soit que le secteur public n'a pas à se soucier d'efficacité (là encore en jouant sur les mots et en confondant, volontairement ou non, efficacité et rentabilité) est plus qu'une erreur, c'est une faute aurait dit Talleyrand.
La question qu'il faut se poser, et qu'il faut tenter de résoudre, est donc la suivante. Comment juger de la qualité du service public, et qui doit en juger?

C'est à ce problème que je m'attellerai dans mon prochain billet, sachant que bon an mal an le PIB non marchand correspond à environ 45% du PIB global. Si le secteur public est plus efficace que le secteur privé, cela signifierait que, à qualifications égales, les fonctionnaires devraient être mieux payés que dans le privé. Dans le cas contraire, bien sûr, ils devraient être moins payés. Mais affirmer qu'il faut réduire, ou augmenter, le nombre de fonctionnaires, sans que nul ne semble se préoccuper de mesurer son efficacité, me semble relever, là encore, de la pure idéologie.

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