dimanche 26 juillet 2009

Resterons nous longtemps encore des otages complaisants du système banco-financier actuel?

Faits, certitudes et interrogations sur la crise financière et bancaire actuelle.

A en croire nombre de débats ou commentaires qui fleurissent un peu partout, sur internet ou ailleurs, on peut se demander si des esprits malins ne cherchent pas à noyer le poisson, celui des véritables raisons de la crise actuelle. Peut-on si facilement passer sous silence le risque insensé pris par les banquiers U.S., puis internationaux (et certains emprunteurs) conduisant inéluctablement à la catastrophe finale.

De plus, même si on accepte de voir que la bulle des crédits et la bulle immobilière se sont auto-entretenus (avec la complaisance des "experts" finaciers et des agences de notation), sommes nous prêts à aller plus loin. En d'autres termes, resterons nous longtemps encore des otages complaisants?

Sans vouloir faire du Montaldo, dont je ne peux que conseiller la lecture du dernier ouvrage en particulier pour ceux qui voudraient mettre des têtes au bout de piques, je pense que le débat sur la création monétaire et sur le rôle des banques et des organismes de crédit s'apparente de plus en plus à une discussion byzantine, qui risque de nous écarter de l'essentiel, à savoir notre attitude future sur une réforme du système, et sur les acteurs de cette réforme.


Quelques faits et évidences.
 
Oui, les banques créent de la monnaie, à la différence des institutions financières. Oui, le plus souvent les crédits ne proviennent même pas d'un "pot commun", sorte de tonneau regroupant les DAV des particuliers (même si c'est parfois le cas) mais sont adossés à des actifs non monétaires, aux promesses de rendement futur plus ou moins mirobolantes.

Autre certitude: interroger les banquiers sur ces simples faits que tout étudiant en économie s'efforce d'oublier à peine acquis est pourtant totalement vain. La plupart des banquiers ne veulent pas le savoir et vous jureraient, la main sur le cœur (celui du portefeuille), que leur seul rôle est de faire circuler l'argent au mieux de l'intérêt de l'économie en général, et de leurs clients en particulier.

Pourquoi cette attitude me dira t-on? J'avancerai volontiers deux arguments, l'un pour les grands patrons, l'autre pour les simples collaborateurs.

Les grands patrons, pour pouvoir se regarder le matin dans la glace sans se trancher la gorge, les petits employés car tout est fait pour leur cacher cette réalité.

Seuls les "banquiers intermédiaires", ceux qui seraient à la fois honnêtes, intelligents, renseignés, et pas (trop) ambitieux, pourraient accepter de dire cette évidence. Le pouvoir monétaire des banques commerciales est important (pas infini, certes, mais qu'est ce qui est infini dans le monde, en dehors de la crédulité des gogos et de l'avidité des hommes), beaucoup plus important que ceux que le petit monde de la banque accepte de reconnaitre. Dans le cas contraire, d'ailleurs, pourquoi la presque totalité des plans de relance serait-elle consacrée au renflouement des banques, celles-là même par qui le scandale des « subprimes », « titrisations » et autres « subtilités » financières est arrivé.

Quelques chiffres, pour ceux qui douteraient encore du rôle "maléfique" des crédits accordés à tort et à travers sur des garanties "pipo" d'un monde où l'on raserait gratis, chiffres issus d'un opuscule du CEPREMAP d'André Orlean (mars 2009)«De l'euphorie à la panique », et qui concernent la crise financière qui a éclaté au grand jour mi-2007, mais que certains ont vu arriver dès 2002.
 
Ces chiffres sont d'autant plus intéressants qu'ils montrent, clairement d'après nous, que les deux bulles jumelles, celle du marché immobilier et celle du crédit immobilier, en dehors de s'auto-entretenir, ont laissé totalement de côté l'économie réelle. Je ne range pas ici dans l'économie réelle, du moins dans ce contexte, les investissements en logement, du seul fait qu'une croissance des prix de 9 à 12% par an ne correspond en rien, selon moi, à la valeur "réelle" des dits logements.
 
Dernière remarque préliminaire: plutôt que de reprendre le vieux thème ou la vulgate marxiste de lutte des classes - positionner tout événement dans le cadre d'une succession esclavage-servage-salariat ... ne me semblant pas vraiment explicatif du contexte actuel - je crois que la crise venue des états unis a redistribué assez nettement les cartes, au moins pour un temps.

Deux groupes, les profiteurs et les laissés pour compte.
D'un côté, celui des bénéficiaires (apparents), les locataires – parfois à la limite de la pauvreté - voulant devenir propriétaires et les banquiers: ce côté peut être caractérisé par une naïveté considérable et une avidité sans scrupule (même si on peut plus facilement "pardonner" aux prolétaires voulant se loger bien au delà de leurs possibilités qu'aux courtiers ou aux banquiers).
De l'autre côté, celui des perdants: on peut y ranger ensemble les entrepreneurs (en dehors du secteur immobilier) et les 'prolétaires' simples locataires. Quant aux rentiers, que l'on se doit d'euthanasier depuis Keynes, leur classement dans tel ou tel camp – les profiteurs sans (trop de) scrupules ou les « laissés pour compte » de la bulle financo-immobilière – dépend essentiellement de leur comportement en tant que boursicoteur ou simple épargnant. S'ils ont joué en bourse, ils ont été gagnants jusqu'en 2007. Dans le cas contraire …

En résumé, et si l'on veut reprendre à tout prix le concept de lutte, on a d'un côté une sphère « virtuelle » (mais gageant leurs achats réels sur leur richesse virtuelle) les 'investisseurs immobiliers', petits ou grands ainsi que les 'financiers', de l'autre la sphère "réelle". D'où ce que j'ai appelé par ailleurs la spoliation de la sphère réelle par la sphère virtuelle, de la sphère « productive » par la sphère « financière ».
 
Venons en maintenant aux chiffres.
A. Sur l'immobilier.
En 10 ans, le prix de l'immobilier a cru de 171% (donc a été multiplié par, 2,71= 1 + 1,71, précision qui ne sera utile qu'aux réfractaires aux pourcentages) aux USA, de 139% en France, de 189% en Espagne. Voilà pour les "actifs non monétaires" au rendement espéré (mais extravagant).
L'emprunteur "moyen" empruntant à 6% plus de 80% de la valeur du bien, tout emprunteur se croyait déjà millionnaire, pensant avoir tout compris de "l'effet de levier" cher aux théoriciens du MEDAF (modèle d'évaluation des actifs financiers) et maître d'un phénomène qui lui "assurait" un rendement de 20 à 25% (le temps que le boom durait, bien sûr).

B. Sur l'épargne, le taux moyen d'épargne des ménages américains est devenu négatif. En d'autres termes, ceux qui glosent à longueur de colonne sur l'épargne finançant les crédits vont devoir chercher une autre explication, au moins pour les USA (En France, le taux d'Epargne doit encore tourner autour de 15%)

C. Sur la bulle du Crédit immobilier.
Entre 2000 et 2006 l'encours US des crédits immobiliers est passé de 4800 milliards de dollars à près de 9800 milliards (130% de croissance) pour un PIB n'ayant cru "que" de 20%.
On pourrait faire le même raisonnement pour les indices boursiers (ainsi l'indice du CAC40 - pour la France - est passé sur cette période de l'indice 3200 à 6500 pour un taux de croissance du PIB de 12%, mais ce n'est pas notre propos ici, même si cela montre que les divers marchés 'pipo' ont beaucoup plus "prospéré" que les marchés des biens et services réels, d'où la catastrophe qui ne pouvait manquer de se produire, et dont on veut exonérer les véritables responsables.

Pour l'anecdote le pourcentage des prêts 'subprimes' (dont l'objectif "moral" affiché était de permettre aux "pauvres" de se loger - mais à prix d'or -, le remboursement étant remis aux calendes grecques, 20 ou 30 ans) est passé, entre 2000 et 2006, de moins de 5% des crédits immobiliers à plus de 50% des nouveaux crédits octroyés
 
On pourrait aussi parler du phénomène de la titrisation et plus généralement de tous les produits dérivés augmentant l'effet de levier de ces placements de plus en plus risqués, mais cela ne ferait que confirmer le phénomène rappelé ici. La sphère "non productive" a cru 2 à 4 fois plus vite que la sphère "réelle" (on pourrait relier cela aussi aux expansions différentes des divers agrégats monétaires, M1, M2, M3, mais par paresse et par manque de temps je n'ai pas recherché à l'appui de cette thèse davantage d'éléments factuels) la catastrophe ne pouvait qu'arriver.

Ce ne sont pas 50 milliards "à la Madoff" qui sont partis en fumée, mais plus de 5 ou 6 milliers de milliards de dollars US, bâtis sur du vent (un immobilier largement surestimé) qu'il faut "effacer". Comme les banquiers ne veulent pas être les seuls à payer - en fait ils ne veulent pas payer du tout- cette "surévaluation virtuelle" de 5000 milliards va sans doute coûter 3 à 4 fois plus. Voilà le marché - sans jeu de mots - que nous avons en mains.
 
 
Une double morale , et une question, à cette histoire:
1) je pense de plus en plus que la seule façon de faire une véritable réforme finano-monétaire aurait consisté à laisser se noyer les banques, et pas uniquement Lehman Brothers. Seule l'économie réelle aurait surnagé. Le "miracle allemand" de 1945 est-il si loin qu'on ait oublié l'état de la finance d'outre Rhin d'alors?
 
2)La thèse de André Orléan sur la non-efficience des marchés financiers, à savoir "la finance de marché ne favorise nullement ni l'estimationn juste ni l'esprit critique" me semble pleine de bon sens, m^me si l'on peut regretter qu'il n'ait pas pooussé son analyse plus loin, et s'il refuse explititement de parler de malhonneteté, pourtant avérée, de certains hauts responsables et dirigeants de tout bord. Cette non efficience, c'est ce que j'affirmais déjà en 1975, lors de mon bref passage à Harvard, contre Markovitz, Miller et Myers. Le fait d'avoir pour ma part raison, et eux tort, n'ont pas empêché ces derniers d'avoir tous les trois le prix Nobel. Cela pourrait être anecdotique sur un plan purement théorique et universitaire, mais je doute que cela le soit pour les dizaines de millions de personnes qui vont perdre leur emploi, ou qui l'ont déjà perdu, en conséquence plus ou moins directe de l'application des théories de ces grands noms de la finance de march.

Difficile en effet de considérer ces millions de pertes d'emploi comme de simples dommages collatéraux. A la limite, on pourrait cyniquement, et injustement je pense, considérer comme normales les explusions de ceux qui ont voulu acheter des logements clairement au dessus de leurs moyens.

Mais en quoi ceux qui perdent leur emploi dans l'industrie et les services peuvent-ils être jugés responsables de leur sort?

Faut-il, et est-il encore temps de, réagir?
La question, à laquelle j'ai partiellement répondu, est la suivante. Allons nous continuer à laisser l'économie réelle, et avec elle des millions et des millions d'emplois menacés, être l'otage de la sphère banco-financière?

N'est-il pas temps de remettre à plat l'ensemble du système monétaire, quitte à effacer toutes les dettes des ménages et des entreprises envers les banques, et à créer sinon une monnaie nouvelle, au moins un système monétaire complètement renouvelé, qui serait cette fois sous contrôle et au service de la collectivité? Est-il « raisonnable » d'accepter que plus de 90% des ressources des plans de relance aillent directement ou indirectement aux banques, au lieu d'aller vers les entreprises et les ménages?

mardi 7 juillet 2009

Les enjeux de la creation monetaire

Les enjeux de la création monétaire.

Il est de bon ton de nos jours de vilipender la monnaie et ses gestionnaires, et les raisons, souvent excellentes, de le faire, ne manquent pas.

Avant de prendre position sur ce point, il convient cependant de rappeler le rôle de cet argent-monnaie, en essayant de nous abstraire de toute idéologie ou de tout anathème initial.

Toute économie développée a besoin d'un moyen d'échange universel, l'une des premières propriétés de l'argent-monnaie.

Pour le démontrer, précisons tout d'abord que nous appellerons ici une économie développée toute économie qui possède deux propriétés. Elle doit avoir dépassé le stade de simple subsistance (ce qui signifie que tout ce qui est produit ne sert pas uniquement à la simple survie de la population concernée: il peut donc se constituer des stocks, de produits finis ou de produits intermédiaires, que ces produits soient des biens de consommation ou des équipements). Elle doit aussi correspondre à un travail spécialisé, au sens où la majorité de la population, sinon sa totalité, dépend aussi du travail d'autres personnes pour se procurer les biens nécessaires à sa consommation personnelle ou à ses propres travaux.

En résumé, la production d'une économie développée ne disparaît pas du jour au lendemain, ou d'une minute à l'autre, il y a une certaine durée, un certain laps de temps, nécessaire pour produire tel ou tel bien, tel ou tel service, et ces différents processus de production ont chacun une durée différente, et font appel à diverses spécialités.

La monnaie-argent doit donc servir de moyen d'échange universel – du moins à l'intérieur d'un périmètre ou d'une communauté économique donnés – et ce à la fois pour des échanges quasi-immédiats (je vends une côtelette, je récupère de l'argent, et je vais m'acheter du pain) et pour des échanges différés (je perçois un salaire pendant quelques mois, et je vais ensuite m'acheter une voiture). Une deuxième propriété de l'argent-monnaie intervient ainsi, celui de réserve de valeur.

Cela étant rappelé, on conçoit aisément que parmi tous les métiers qui peuvent exister, et plus particulièrement parmi tous les commerces que l'on peut imaginer, celui du commerce de l'argent a un rôle particulier, privilégié même.

Au niveau des temps modernes, on convient habituellement de situer au début du XVIIème siècle, du moins en Occident, la naissance des premiers commerces spécialisés dans cette manipulation de l'argent monnaie. On parle ainsi de la Banque d'Amsterdam, puis de la Banque d'Angleterre, mais ce n'est pas le plus important.

La question majeure consiste en la question suivante: comment fixer la valeur de cet étalon ou moyen d'échange universel, si nécessaire à toute économie développée?

Après des siècles de discussion, et des débats houleux entre spécialistes, la question, de nos jours,est plus ou moins enterrée, car elle n'a pas de réponse, ou du moins la seule réponse sensée est la suivante: la monnaie-argent n'a pas de valeur intrinsèque, sa valeur est relative, et parfois fluctuante.
En fait, on arrive à une véritable tautologie, ou lapalissade: la valeur de l'argent est ce que le système économique dans laquelle elle évolue lui reconnaît comme valeur. La valeur d'un euro est … un euro. Une fois que l'on a dit cela, on n'est pas beaucoup plus avancé, certes, sinon que l'on a compris que la valeur d'un euro était relative à l'ensemble de l'économie. Actuellement, un euro permet d'acheter dans mon village un peu plus qu'une baguette « normale », et un peu moins qu'une baguette de campagne, ou encore presque deux timbres « normaux »

Bien entendu, cette « vérité » n'est pas toujours bien reçue, et l'on a essayé pendant des années, voire des siècles, de lier la valeur d'une monnaie à quelque chose de stable, d'où les fantasmes de l'étalon-or. Un écu, ou un franc, ou un dollar, avaient une certaine valeur, fixe (ou que l'on cherchait à rendre stable) par rapport à une certaine quantité d'or. Bien entendu, c'était reculer pour mieux sauter, puisqu'on pouvait se demander ce qui fixait la valeur de l'or, et quel était le lien entre l'or et l'évolution de la production et de la prospérité de telle ou telle économie développée ou en développement.

Il n'empêche. Pour des raisons historiques, la plupart des stocks d'or se sont retrouvés, au cours du XVIII et du XIX ème siècle, dans les coffres des banques. Ces « dépôts » étaient privés, stockés par les commerçants-banquiers dans leurs coffres, ces banquiers délivrant en échange de ces dépôts des certificats de dépôts, ou certificats d'or, qui évitaient à leurs propriétaires de se balader avec des pièces d'or dans leurs poches ou dans leurs valises. Ils utilisaient ces certificats comme « preuve » de leur pouvoir d'achat, et ces certificats pouvaient ainsi circuler de mains en mains, ce fut les premiers billets de banque, billets 'privés' qui ne bénéficiaient que de la garantie plus ou moins grande de la banque (de dépôt) qui les avait émis.

On connaît la suite. Les commerçants-banquiers se sont vite aperçus (cela a pris aux plus raisonnables quelques décennies, à d'autres quelques années) qu'ils pouvaient émettre plus de certificats qu'ils n'avaient d'or en réserve. Après tout, il y avait peu de chance que tous les déposants viennent retirer leur argent en même temps. Et puis, pensaient les plus cyniques, après tout, ils faisaient œuvre de bienfaisance. Ils prétaient de l'argent (gagés sur du vide, ou du moins sur une quantité amoindrie d'or) à des entrepreneurs qui, grâce à ce prêt, allaient pouvoir enrichir l'ensemble de la communauté en fabriquant de nouveaux produits. Quel mal y avait-il à cela?

C'est ici qu'intervient le dernier phénomène lié à l'argent-monnaie, celui du prêt, non nécessairement couvert par une épargne préalable. Au lieu du simple commerce de l'argent (pas toujours 'honnête', puisque délivrer un certificat contre de l'or que l'on n'a plus n'est pas spécialement 'correct') nos commerçants-banquiers se sont mis à spéculer sur l'avenir, en avançant de l'argent-monnaie (dont ils étaient rarement propriétaires eux-même, quand ils ne le fabriquaient pas eux-même) à certaines personnes, en fonction de critères qui leur sont propres.

Bien entendu, le prêt n'a rien de répréhensible en soi, mais ce sont les critères qui permettent ou motivent ces prêts qui peuvent l'être bien davantage. Qui peut assurer que les prêts accordés par nos banquiers (privés, ou publics, ce n'est pas encore vraiment la question) le sont pour la meilleure cause, celui du bien-être de la collectivité dans son ensemble? Ne serait-ce pas ici le problème fondamental de nos économies contemporaines: faire en sorte que les prêts accordés à l'économie, que ce soit aux entrepreneurs ou aux consommateurs, soeint les plus efficaces possibles, au niveau de la richesse collective, de la protection de l'environnement, de la cohésion sociale, etc.

La crise financière actuelle a nettement montré que les critères d'émission monétaire et de prêts aux collectivités et aux particuliers doivent être revus de fond en comble.

Au lieu de cela, que voit-on dans les différents plans concoctés par les différents gouvernements du G7, du G8 ou du G20? Il s'agit le plus souvent de redonner des possibilités de prêt – sans le moindre contrôle supplémentaire – aux banques commerciales, le plus souvent privées – qui ont conduit l'économie mondiale au désastre, économie qui est passée, en un an, d'un taux de croissance moyen de 4% à un taux négatif. Les seules banques dont l'objectif – au moins officiel – est de venir en aide à la collectivité sont, au contraire, privées de tout moyen d'action – du moins en Europe. Elles n'ont aucun droit de créer de la monnaie (fiduciaire) sans autorisation expresse, alors que les banques privées, elles, peuvent continuer à émettre de la monnaie privée (scripturale).

Bien entendu, les banques centrales peuvent faire des erreurs, et elles en ont fait sûrement. Mais pourquoi ne pas faire en sorte que ce soit les élus de la nation, et les collectivités territoriales et locales, le plus au fait des besoins de la collectivité, qui décident de l'orientation des crédits à l'économie, plutôt que de laisser ce privilège exorbitant pour tout ou partie aux banques privées qui ont permis le scandale des subprimes et de l'affaire Madoff, quand elles ne les ont pas suscités.

jeudi 5 mars 2009

Etat et déficit public: un nouveau scandale Madoff

L'Etat et le système bancaire de création monétaire.
En creusant toujours un peu plus le mécanisme monétaire, et plus précisément les mécanismes 'légaux' de création monétaire, que constate t-on?
Pour des raisons difficiles à expliquer techniquement - et comme je ne veux pas faire d'idéologie ici, je laisse au lecteur le soin d'avancer sur les pistes de réflexion que ce constat lui suggèrera - la France a abandonné (en 1973) son privilège de 'battre monnaie' - en dehors de la monnaie fiduciaire, qui ne représente plus qu'environ 8% de la masse monétaire circulant en France.

Plus précisément, les seules organisations ayant ce privilège sont des banques (dits de deuxième rang, la Banque de France ayant gardé le titre honorifique de 'banque de premier rang'). Les banques, commerciales ou d'affaires, sont en effet les seules institutions à pouvoir créer ex nihilo de l'argent-monnaie. Il y a quelques contraintes, c'est vrai, mais cela ne change pas grand chose à ce constat : "les prêts (ou crédits) des banques font les dépôts", et donc ce sont les banques qui gèrent, plus ou moins bien, les variations de la masse monétaire.

Même si l'on pense, comme l'auteur de ce billet, que les entreprises privées sont souvent plus efficaces que le secteur public, il est difficile de ne pas imaginer que les entreprises - les banques - qui touchent automatiquement de l'argent (l'intérêt des prêts consentis) dès lors qu'elles prêtent un argent - qu'elles ne possèdent pas, puisqu'elles le créent - ne soient pas quelque peu tentées de prêter un maximum d'argent à un taux maximum.

Ce n'est pas le remboursement du principal qui les intéresse, mais simplement le fait que les emprunteurs leur rembourseront les intérêts, cette fois-ci en 'vraie valeur', gagée sur une production réelle de biens et services. Je veux bien croire que les banquiers sont au dessus de tout soupçon, voire de véritables saints laiques: mais pour résister à une telle tentation, il faut vraiment que ce soit des sur-hommes.

Un service public fondamental, celui de 'battre monnaie', sous-traité au secteur privé.
Ce n'est donc pas faire un procès aux banques de dire que ce privilège semble exorbitant, quels que soient les contrôles qui pourraient être - ou qui ont été - instaurés pour inciter les banquiers à 'rester dans les clous' du service public. La 'nationalisation des banques' décidée en 1981 n'était sans doute pas complètement stupide, même s'il y avait beaucoup plus simple: Redonner à la puissance publique le soin de 'battre monnaie'.

L'Etat se tire une balle dans le pied: à qui profite le crime.
Mieux encore, si l'on peut dire. Par un décret de 1976, R. Barre, le 'meilleur économiste de France' d'après le président de l'époque, V. Giscard d'Estaing, décide par ailleurs que l'Etat français remboursera ses emprunts au delà de leur seule valeur actualisée par l'inflation.

Dit autrement, cela signifie que R. Barre, qui cumulait les fonctions de premier ministre et de ministre de l'Economie et des Finances, prend la décision, jamais remise en question depuis, que l'Etat français, en plus de ne plus pouvoir battre monnaie, paiera un intérêt positif à ses créanciers.

Pour en finir avec le panorama du système financier, au moins en ce qui concerne son impact sur l'évolution de la masse monétaire, apportons encore deux précisions.

D'autres institutions financières, mais n'ayant pas le statut de banques, peuvent elles aussi prêter de l'argent, mais, dans ce contexte, ce sont les "dépôts" qui font les "prêts". On peut éventuellement discuter sur le montant des taux pratiqués, mais le principe en lui-même n'est pas critiquable.

Enfin, depuis le traité de Maastricht (et son article 104),l'Etat français a abandonné toute possibilité, au moins directe, d'avoir une politique monétaire indépendante. Que la théorie quantitative de la monnaie soit juste (ce que je crois pas, à moins de la considérer comme une simple tautologie, donc vide de sens: si l'on considère que la vitesse de circulation de la monnaie est une variable très fluctuante, sur laquelle l'Etat a fort peu d'influence, raisonner sur la quantité de monnaie émise n'a pas grand sens) ou non, l'Etat ne peut plus vraiment agir en ce domaine.

Certains hommes politiques, éminents en leur temps, et qui ont pourtant contribué à, ou accepté, cette démission, commencent enfin à dire 'mezzo voce' ce que l'homme de la rue, s'il était au courant, clamerait haut et fort. Ainsi Michel Rocard, à l'été 2008 (Université d'Eté du PS) :"Il ne peut y avoir de création de richesses sans anticipation monétaire", a dit l’ancien Premier ministre en substance, soulignant que les critères de Maastricht nous ont poussé vers une économie extrêmement malthusienne. "Nous n’aurions pas du céder nos instruments d’intervention dans l’économie,[...], nous n’aurions pas du céder sur la Banque de France qui permettait à l’Etat d’émettre du crédit, alors qu’aujourd’hui il est contraint de l’emprunter aux banques privées…" Dans son plan de relance et d'aide aux banques, l'Etat français emprunte à des banques (privées), ou sur le marché financier, pour re-prêter, éventuellement à ces mêmes banques, l'argent qu'elles ont partiellement créé. Du vrai Madoff...

La boucle est bouclée, Ubu est roi (ainsi que le secteur financier).
En poussant à peine un peu le raisonnement, on arriverait ainsi à la situation suivante.

Dans un contexte de stabilité des prix, et de croissance de la production, il faut une augmentation de la masse monétaire (ce que seuls les banques peuvent faire). Pour cela, il faut s'endetter auprès des banques. Si le taux d'emprunt est supérieur au taux de croissance anticipé (ce qui est généralement le cas, dans un facteur 2 pour les entreprises, de 3 à 4 pour les ménages, parfois plus encore pour les prêts à la consommation), l'argent créé ne suffira pas, puisqu'il faudra bien rembourser, en plus du principal, censé payer l'augmentation de la production, l'intérêt demandé.

D'où un surendettement continuel, avec une constatation évidente. La sphère bancaire s'enrichit aux dépens de la sphère réelle, l'argent va à l'argent, les revenus 'non gagnés' profitent plus de la croissance que les revenus 'gagnés' (ceux qui correspondent à l'économie réelle). L'endettement des ménages, mais aussi du déficit public, augmente en conséquence, et tout ceci sans nécessairement lié au fait que l'état serait un mauvais gestionnaire. On appellera cela l'effet Raymond Barre, ou, en évitant de personnaliser le problème, l'effet des taux d'intérêt.

Une seule loi en économie, celle des taux d'intérêt.
En fait, s'il y avait une seule loi en économie, pseudo-science qui essaye d'apparaître pour une science en se cachant derrière des raisonnement abscons, ce serait la suivante.
Tout taux d'intérêt supérieur au taux de croissance anticipé pour la croissance future de la production des biens et services - à l'inflation près - est une ponction opérée de la sphère financière sur la sphère réelle, productive.

En corollaire, l'endettement global de la sphère productive (dans laquelle je range l'Etat et ses services publics, même si leur efficacité n'est pas toujours au rendez-vous) ne peut jamais être totalement résorbé. C'est d'ailleurs ce qu'ont calculés A.-J. Holbecq et P. Derudder dans leur ouvrage "La dette publique, une affaire rentable".

Déficit et dette publics.
Dans cet ouvrage, après avoir précisé que si la dette publique par habitant était certes considérable (18 500 euros pour chacun d'entre nous, fin 200-), il fallait rapprocher cette dette des actifs correspondant (l'ensemble des infrastructures publiques), évaluée à 166 000 euros (cf. OCDE), les auteurs affirment ceci. Pour eux, la dette publique, qui est passée en 26 ans, de 1980 à 2006, de 229 milliards d'euros (évaluation en euros 2006) à 1142 milliards, serait nulle si l'Etat s'était contenté de rembourser le principal de sa dette, sans intérêt.

Ce calcul, que je n'ai pas vérifié en détail, paraît d'autant plus crédible que la France rembourse, bon an mal an, environ 40 milliards d'euros simplement en tant qu'intérêts dus, appelés pudiquement 'service de la dette'. Quarante milliards sur 26 ans, ce n'est pas loin, en effet - à une centaine de milliards près - des 1142 milliards de la dette cumulée de 2006.

Trois solutions pour sortir de la crise.
Que l'Etat français soit conscient, ou non, d'avoir un comportement à la Madoff n'est pas le plus important. Ce qui importe à chacun d'entre nous, ce sont bien sûr les moyens éventuels de remédier à la dégradation de la situation économique et sociale de notre pays.

1) En ce qui concerne le déficit public, une première solution serait de décréter que les emprunts faits auprès de créanciers français ne rapporteraient plus d'intérêt. Les sommes dues resteraient dues, mais sans intérêt supplémentaire autre que ce qui correspondrait à l'augmentation du coût de la vie, comme avant le décret R. Barre.

2) Les banques n'auraient plus le privilège de 'battre monnaie', elles redeviendraient de simples établissement financiers, qui ne peuvent prêter que ce dont elles disposent, la différence entre le taux auquel elles empruntent et le taux auquel elles prêtent ne pouvant dépasser le taux de croissance anticipé pour le PIB.

3) Un organisme financier, sous tutelle de l'état, rassemblant en son sein, à parité égale, les représentants des entreprises (non financières) et des consommateurs, aurait seul l'autorisation de créer "ex nihilo" de la monnaie. Le montant ainsi créé devrait correspondre aux anticipations et aux possibilités de croissance de la production, et serait réajusté tous les 15 jours; L'INSEE pourrait être associé à cet organisme, en tant que consultant technique.

Comme mesures complémentaires, on pourrait imaginer:
4) qu'une partie de cette monnaie, voire la totalité, soit émise en monnaie 'fondante', Geselienne, ce qui aurait deux avantages. Tout d'abord, une monnaie dont la perte de valeur, annoncée à l'avance, par exemple d'un demi-point par mois (6% par an) éviterait toute tentation de thésaurisation. Ensuite, une telle mesure ne pourrait pas attirer sur la France les foudres de Bruxelles, puisque cette monnaie parallèle pourrait être entièrement dissociée de l'euro, et donc des critères de Maastrich et des traités européens.
5) que cette monnaie puisse partiellement, ou totalement, permettre de financer le Revenu Minimum de Dignité, (625 euros, ou 625 euros 'parallèles', par mois) ce qui assurerait alors une véritable demande solvable de la part de ceux qui sont le plus dans le besoin.

lundi 2 mars 2009

Monnaie officielle et monnaies alternatives

Rôle et fonctionnalités de la monnaie.
Pour débuter ce billet, commençons donc par essayer de découvrir le rôle de base, fondamental, que devrait avoir toute monnaie, en essayant donc de dépouiller ce rôle de toute idéologie, consciente ou non. Cette découverte me semble essentielle, puisque, à en croire Thomas Jefferson: "Celui qui contrôle l'argent de la nation contrôle la nation".
De fait, même si ce n'est pas toujours ainsi que cela apparaît :"La Monnaie, ou l'Argent-monnaie, est un moyen d'échange, et rien d'autre". C'est du moins ainsi que la décrivait il y a près d'un siècle l'économiste proudhonien Silvio Gesell, et c'est sur cette fonctionnalité que nous bâtirons notre exposé.
On peut aussi s'appuyer sur la définition proposée par un spécialiste monétaire iconoclaste, B. Lietaer :"Money is an Agreement, within a Community, to use something as a Medium of Exchange", pour insister sur le côté conventionnel de l'Argent-Monnaie.

Nous essaierons de montrer que c'est en s'écartant de ce rôle que ceux qui créent la monnaie 'habituelle', directement ou indirectement empêchent ceux qui devraient l'utiliser comme moyen d'échange, producteurs comme consommateurs, de jouer correctement leur propre rôle économique.

Comment mesurer la qualité d'une monnaie?
En règle générale économistes et experts abordent la monnaie en s'interrogeant sur sa valeur, mot attrape-tout s'il en est: entre valeur d'usage, valeur d'échange, valeur refuge, valeur symbolique, on peut tout y mettre.

Il me semble de loin plus utile de m'interroger sur la qualité de la monnaie dans son rôle premier, celui de moyen d'échange. Sur ce point, je rejoins donc encore Silvio Gesell, dont Keynes disait que l'on avait beaucoup plus à apprendre que de Marx, Silvio Gesell qui écrivait:" Le degré de sécurité, de rapidité et de bon marché [B.L. cheapness] avec lequel les biens sont échangés est le test de l'utilité de la monnaie-argent".

Il est certain que si l'on analyse l'utilité actuelle de la monnaie telle qu'elle est utilisée actuellement en France et en Europe - monnaie libellée en Euros - ou dans le monde, on ne peut que constater que cette utilité est fortement compromise.

Trois critères pour juger de l'utilité et de la qualité d'une monnaie.
Citant une dernière fois Gesell et son oeuvre maîtresse, l'Ordre Economique Naturel - devenue introuvable en française, nous en déduisons trois critères, trois indicateurs, de bon fonctionnement de tout système monétaire (ma traduction 'libre' à partir d'une version anglaise, disponible sur internet]:
"[une 'bonne' monnaie devrait]
1. Sécuriser l'échange de biens et services [goods] - à évaluer à l'aulne de l'absence de dépressions commerciales, de crises et de chômage.
2. Permettre l'accélération des échanges - à évaluer à l'aulne de la diminution des stocks, d'un nombre croissant de marchands et de boutiques, ainsi qu'à l'augmentation concomitante des possessions ['storerooms'] des consommateurs
3. Diminuer le coût des échanges - à évaluer à l'aulne de la faible marge existant entre le prix [de production] du producteur [...et le transporteur] et le prix payé par le consommateur
."

Là encore, à l'heure actuelle, constatons que le critère 1, le premier indicateur de Gesell, montre que l'argent ne joue pas correctement son rôle, du fait même de l'existence de crises durables.
Le critère 2, qui voudrait que les vases communiquant entre les stocks des entreprises et les possessions des ménages joue en direction des consommateurs, et pas dans l'autre sens, n'est pas non plus vérifié: là encore la monnaie est défaillante, puisque les stocks d'invendus augmentent, et que les consommateurs n'ont plus les moyens d'acheter.
Le critère 3, sur les marges et les profits réalisés par les entrepreneurs au détriment des ménages, est plus difficile à vérifier - on l'a vu récemment en Guadeloupe - du fait d'un manque de transparence assez net. Je ne m'aventurerai donc pas trop sur ce point, ne voulant pas être taxé d'idéologue. Je reviendrai cependant partiellement sur ce dernier critère quand j'aborderai le problème des taux d'intérêt et des prêts.

Premier constat: notre système monétaire est défaillant.
Rappelons que sans parler ici des conditions ou du mode de production, capitaliste ou non, et sans même revenir sur la faillite du système financier et bancaire mondial, et ses milliers de milliards de 'valeurs' partis en fumée, nous avons constaté, comme tout un chacun - en dehors peut être des experts auto-proclamés ou des économistes aveuglés par leurs a-priori et leur idéologie - que la monnaie ne jouait pas son rôle premier celui de 'faciliter les échanges'.

Cette monnaie, la monnaie officielle, celle qui est évaluée en euros, en dollars ou en yuans, n'est donc pas au service de l'économie réelle, physique, celle qui se concrétise par un niveau de vie sinon correct pour tous, du moins en amélioration pour tous, avec un chômage sinon complètement disparu, du moins en diminution constante.

Bien au contraire, au lieu d'être à son service, elle apparaît comme l'une des causes majeures, sinon LA cause essentielle, du marasme actuel, et de la dépression qui s'annonce comme étant la plus grave depuis plusieurs générations.

Ce constat, difficile à réfuter étant fait, et avant d'y apporter des éléments de solution pour tenter de sortir de la crise actuelle (Revenu Minimum de Dignité -RMD - et monnaie alternative ou parallèle "au service réel de l'économie réelle"), je voudrai préciser ce que je pense être les causes essentielles de cette défaillance du système monétaire, en dehors de tout ce qui a été dit sur les 'responsabilités' et les 'responsables' de cette crise.

Pour moi, les causes de la crise - indépendamment, je le précise encore une fois du type de système plus ou moins 'libéral' dans lequel nous sommes (et qu'il est toujours loisible de critiquer, ou d'encenser, ce n'est pas ici le débat)- sont à chercher dans les autres rôles que l'argent a acquis au cours des âges.

De la valeur 'non économique' d'une monnaie.
Au delà de son rôle 'étalon de valeurs' , (cf l'école post-ricardienne de Sraffa), à partir du moment où la monnaie n'a plus été considérée essentiellement, comme par les physiocrates, comme un simple élément de lubrification des rouages de l'économie réelle, mais bien comme une marchandise particulière ayant une valeur intrinsèque en tant que telle, le ver était déjà dans le fruit. Comme nous le reverrons, la plupart des expériences monétaires alternatives porte sur le fait d'éviter toute thésaurisation de la monnaie-argent, sur le fait d'en faire, comme toute autre marchandise, une denrée 'périssable' - seul son temps de péremption varie suivant les auteurs.

Il serait évidemment stupide de nier, sous prétexte que ce sont des effets pervers, que la monnaie traditionnelle, censée être garantie par la collectivité - représentée par l'état ou d'autres autorités de tutelle - a de tout autre rôle que d'être un simple étalon servant à fluidifier les échanges et à éviter ainsi une économie qui se réduirait à une économie de troc. On peut cependant simplifier ces autres rôles en les ramenant à être de simples conséquences du rôle suivant: être une 'réserve' de valeur. D'où les fameux arguments de Keynes sur le concept de trappe à liquidités. Lorsque l'argent, censé fluidifier les échanges, ne circule plus, ou plus assez, les échanges eux-même sont perturbés.

L'inflation, comme moyen d'auto-régulation d'un système monétaire.
Bien entendu, à l'inverse, c'est à dire s'il y a 'trop de monnaie' - mais ce 'trop' doit toujours être évalué à l'aulne de la production réelle, ou potentielle, de biens et de marchandises - ou si cette monnaie circule 'trop vite', les prix des marchandises produites vont augmenter eux aussi, et la valeur intrinsèque de la monnaie en tant que 'réserve de valeur' diminuera. M. Allais soutenait à ce sujet que le seul taux 'raisonnable' d'inflation était de 2%, et rendait d'ailleurs responsable de l'inflation le système monétaire actuel.

Je pense bien sûr qu'il faut aller beaucoup plus loin, et ne pas compter sur une auto-régulation du système pour éviter soit les dépressions - pas assez de monnaie 'circulante' - soit l'inflation - trop de monnaie 'circulante' - soit la stagflation- monnaie mal répartie.

Le principe des monnaies alternatives et de l'argent sans intérêt.

Pour éviter la tentation de thésaurisation, nombre d'innovateurs monétaires ont suggéré, comme en 1931-1933 en Autriche, à Schwanenkirchen et à Worgl, comme dans les années 1950 en France, à Lignières en Brie ou à Maurans, une monnaie fondante, ou monnaie 'accélérée', que l'on n'aurait aucun intérêt - c'est le cas de le dire - à thésauriser. Une telle monnaie perdrait automatiquement de sa valeur chaque mois (1% pour le cas de Worgl), ou chaque trimestre. D'où la tentation évidente de la dépenser au plus vite, pour ne pas être sujet à cette décote. Ces expériences, certes locales, ont réussi, jusqu’à ce que le pouvoir central ne les interdise.

Un tel système monétaire pourrait être accompagné de prêts sans intérêt, ou d'intérêt minimal, inférieur dans tous les cas à 1%. Là encore, aucun prêteur n'aurait 'intérêt' à prêter de façon inconsidérée, puisque le montant gagné lors d'une telle opération ne serait pas vraiment incitatif.

On aurait ainsi un véritable 'service public', ou au moins un service 'collectif', les émetteurs de tels prêts - que ce soit en monnaie fondante ou non, étant obligés d'anticiper la richesse produite par ces prêts sans intérêt avant de pouvoir prêter. Au lieu de ne prêter qu'aux riches, on ne prêterait ainsi qu'à ceux qui auraient des idées 'crédibles', des projets 'viables', sans spéculer sur la hausse éventuelle de tel ou tel marché de valeurs, mobilières ou immobilières.

Qui pourrait émettre cette monnaie alternative?
J’ai mentionné plus haut le véritable rôle de ‘service public’, au sens de service destiné pour la collectivité, pour le bien être collectif, d’une monnaie qui aurait pour seul rôle d’être un instrument facilitant les échanges dans une économie industrialisée moderne.

Il se trouve que l’Etat français, qui a délégué par ailleurs à des banques privées, sans véritable contrôle, le soin de ‘battre monnaie’ – par le biais de crédits porteurs (pour la banque) d’intérêts sans lien réel avec le développement de l’économie, a failli dans cette tâche de service public.

Je suggère donc que ce soit la collectivité, peut être au niveau ‘prototypal’ d’une région – il ne manque pas de régions ‘socialistes’ en France – qui émette une monnaie ‘alternative’, le franc PACA, ou le franc ‘Midi-Pyrénées, ou tout autre franc régional, monnaie qui aurait pouvoir libératoire au niveau de la dite région.

On peut imaginer qu’au niveau de cette région, des représentants paritaires des entrepreneurs (côté Production ou ‘Offre’) et des consommateurs (côté Consommation ou ‘Demande’) décident tous les mois du montant de ‘franc régional’ à émettre, en fonction d’un côté de la situation des capacités de production non utilisées – et donc de l’emploi – de l’autre, des besoins les plus urgents et non satisfaits des consommateurs.

Cela aurait pu être imaginé au niveau des Antilles, si cette région n’était pas sous perfusion depuis des années, sans possibilité rapide d’arriver à un minimum d’autonomie économique.

RMD et monnaie alternative.
Toujours dans le scénario d’une monnaie alternative régionale, une des missions sociales de la région étant de distribuer les allocations de RMI, je suggère – je remercie à ce sujet un internaute pour cette idée - que la région concernée commence à instaurer de façon complémentaire le RMD (Revenu Minimum de Dignité) à l’ensemble de ses ressortissants, RMD qui pourrait être émis en monnaie franche régionale, tout en remplaçant le RMI. Bien entendu cette monnaie, pas nécessairement convertible en euro, devrait être rendu légale par l’autorité de tutelle, au moins au niveau de la région considérée.

L’Etat français est-il capable de déléguer cette création monétaire locale à une région, alors qu’elle l’a fait sans aucun remords, sur le plan national, et sans véritable contrôle, à des banques privées ? L’avenir, là encore, nous le dira.

La preuve par l'exemple, ou comment inciter l'Etat à bouger.
Pour décider l'Etat à bouger, ou en attendant qu'il bouge, on peut aussi utiliser le subterfuge allemand, pour pouvoir battre monnaie 'légalement'. Il suffit de créer une association rassemblant entreprises et ménages, comme dans l'expérience du Chiemgauer.
Dans le cadre de cette association vous échangez chaque euro contre une monnaie 'alternative' - le chiemgauer, ou le franc associatif tartempion - qui perd 2% de sa valeur par trimestre, mais chaque adhérent de l'association est incité à accepter ce franc associatif, et donc à le faire circuler le plus vite possible.

LA preuve par l'exemple, en quelque sorte. Tout vaut mieux que de se lamenter sur les 2% de décroissance qui attendent la France si l'on ne fait rien...

A suivre…

jeudi 26 février 2009

Entrepreneurs et consommateurs, meme combat pour sortir de la crise

Ce titre, Entrepreneurs et consommateurs, même combat, pourra sembler provocateur à certains, surtout pour les adeptes de la lutte de classes. Que nenni.

Ce billet a pour but de montrer que, dans un contexte où l'Offre comme la Demande sont en train de s'effondrer - on annonce un million de plus de chômeurs fin 2009 pour la France, le double ou le triple en Espagne ou en Italie, l'Allemagne semblant être dans un cas intermédiaire, même si leurs possibilités de rebond sont peut être plus grandes - les entreprises ont tout intérêt à coopérer avec leurs consommateurs potentiels, et vice versa.
Ce n'est pas en tout cas en attendant le secours de l'Etat que les entreprises - patrons comme salariés - pourront s'en sortir, mais bien en s'attaquant à bras le corps à leurs problèmes de débouchés, si l'Etat leur en laisse, ou s'ils en saisissent, l'opportunité.

Le problème de la demande solvable.
Keynes, en son temps, s'était déjà attaqué à ce même problème, celui d'une défaillance simultanée de l'Offre - capacités de production excédentaires - et de la Demande - insuffisance d'une consommation 'solvable'. Ce n'est évidemment pas un problème technique: les capacités de production et les besoins de consommation sont toujours là. Les vieilles recettes ont toutes été utilisées, sans beaucoup de succès en confortant ainsi le vieil adage de Jean Cocteau, cité dans le Point par C. Imbert :"Il n'y a pas de précurseurs, il n'existe que des retardataires". On a vraiment l'impression qu'en politique économique, c'est bien le cas. Le bon sens voudrait pourtant que si on peut produire, et si l'on veut acheter, on devrait bien trouver une solution. Les fameux 'grands travaux' de Keynes avaient cet objectif, même si d'autres solutions, sans doute plus iconoclastes, mais que je crois plus efficaces, auraient pu être envisagées, j'y reviendrai.

Où sont passés nos milliards?
De fait, si on regarde les choses en face, et si on laisse, là encore, parler le bon sens, en essayant de faire taire toute idéologie, la situation paraît assez simple.

La crise financière a détruit des milliards de valeurs, au sens où, par exemple, la valeur boursière de la plupart des banques a été divisé par 3 ou 4, certaines ayant même disparu. Sans entrer dans une querelle de chiffres, on peut estimer que les banques françaises ont vu ainsi leur valorisation diminuer de plusieurs centaines de milliards en 18 mois,(BNP-Paribas est ainsi passée d'une valorisation de 108 milliards de dollars à 32,5 milliards, début janvier 2009, la Société Générale de 80 à 26, le Crédit Agricole de 67 à 17) même chose pour les entreprises du CAC 40.Pour les banques américaines, c'est pire encore: les actifs toxiques qui leur restent encore - après les 500 milliards de perte déjà comptabilisés- non encore totalement évalués, sont estimés par McKinsey à plus de 2000 milliards (de dollars).

Est-ce pour cela que nos entreprises ont vu leur capacité de production diminuer dans les mêmes proportions? Évidemment non, même si, après quelques mois de chômage technique partiel, certaines capacités de production de certaines usines pourraient finir par se trouver amoindries. Que signifie donc cette perte de valeur boursière, d'abord pour un petit épargnant, puis pour les entreprises et les banques elles-même?

Valeurs immatérielles et cautions réelles.
En fait, pour celui qui a acheté une action 50 euros, et qui a vu cette action culminer à 100, pour tomber à 10, on peut évidemment dire qu'il a perdu 40, pas 90. Si d'ailleurs il n'avait pas vendu, on pourrait même dire qu'il n'aurait rien perdu.
Ces gains et ces pertes ne sont que potentielles
- évitons d'utiliser le mot 'virtuel', qui pourrait être compris différemment. Sauf bien sûr que cette richesse potentielle, de 100 euros ou de 50 euros, a pu permettre à notre petit épargnant de cautionner des dépenses qu'il n'aurait peut être pas pu faire autrement. On lui a fait confiance lorsqu'il pesait '100', s'il ne pèse plus que '10', il est regardé différemment.

Donc ces modifications 'potentielles' des cours boursiers, et donc de la valeur se son portefeuille, peuvent avoir un impact direct sur son comportement 'réel', dans la 'vraie vie'.

Si maintenant on regarde le point de vue de celui qui achète l'action, qui a valu 100 mais qui ne vaut plus que 10, la situation est différente. S'il achète 10, c'est parce qu'il pense que le cours va remonter. Mais, pour répondre à la question posée plus haut, les milliards qui ont disparu - même si ce n'était que des milliards potentiels - ne sont allés à personne.
Le monde, du moins celui des différentes bourses et marchés financiers de notre planète, 'anticipait' une certaine valeur, cette valeur est 2 à 3 fois moindre que précédemment, cela aurait pu s'arrêter là. Sauf que...

Le problème du surendettement gagé sur des valeurs mobilières.
Sans refaire l'historique des sub-primes, rappelons simplement que de nombreux américains se sont endetté de façon démesurée (on le savait a priori) et déraisonnable (on ne l'a constaté qu'après) pour acheter leur maison en tablant sur le fait que le marché immobilier allait continuer à croître plus vite que leur propres remboursement.
Ce n'est qu'à partir du moment où la tendance s'est retournée que des millions d'américains se sont aperçu du problème. Aucun arbre ne peut croître jusqu'au ciel: c'est vrai pour la bourse, mais c'est vrai aussi pour tout marché spéculatif, dont celui de l'immobilier.
Bien sûr, là encore, les maisons concernées n'ont pas perdu toute valeur, elles offrent encore un habitat - tant que leurs propriétaires potentiels n'ont pas été jetés dehors et remplacés par des squatters, qui n'apportent évidement pas le même soin à conserver en l'état le dit habitat.

Faillite et rachat menacent banques et grandes entreprises.
Les banques, dont la valeur boursière a chuté de 10 à 80%, ont deux gros problèmes. Elles peuvent être rachetés pour une 'bouchée de pain' - quelques dizaines de milliards quand même - d'où le malaise de leurs dirigeants, qui aimeraient bien rester maître chez eux - en plus de la rémunération 'pharaonique' dont ils disposaient souvent, et qu'un changement de 'gouvernance' risque de remettre en cause. Par ailleurs, du fait que certains de leurs actifs 'toxiques' ne valent quasiment plus rien, elles se retrouvent en fort mauvaise posture vis à vis des fameux ratios de liquidité et de solvabilité qu'elles ne respectent plus vraiment. Il est vrai que c'est ce qui les a sauvés, puisque pour éviter toute panique bancaire: 'les petits épargnants se précipitant en masse pour tenter de récupérer en liquide leurs économies' - l'Etat a décidé de garantir les fonds déposés jusqu'à concurrence de 70 à 100 000 euros par compte.
Pour les entreprises non financières du CAC40, même si la faillite est encore loin, des OPA hostiles ne seraient pas à écarter, d'où là encore l'engagement financier de l'Etat à leur égard.

On arrive ainsi à la situation ubuesque suivante. L'état va s'endetter encore plus - déjà 35 milliards pris auprès de prêteurs français ou étrangers - pour donner de l'argent (20 à 40 milliards, suivant les sources), et pour en garantir 10 fois plus (320 milliards), à des banques dont le métier de base est de faire marcher une économie, en crise profonde, alors même que ces banques ont oublié ce premier métier pour se lancer dans des opérations de plus en plus hasardeuses.
Face à cela, on ne constate quasiment aucune aide en destination des entreprises et des ménages, je veux parler plus particulièrement des PME et des ménages les plus modestes.

La boucle est ainsi bouclée. L'Etat français consacre de l'argent, de la monnaie 'étatique'- en s'endettant - pour compenser des pertes potentielles, immatérielles, correspondant à l'effondrement des cours de Bourse. Alors même que l'économie réelle, correspondant à des entreprises réelles, à des gens réels, producteurs comme consommateurs, est en train de s'effondrer. Cela ne semble pas gêner nos experts et nos gouvernants.

D'où le titre de mon billet. Puisque la monnaie 'officielle', l'argent 'étatique' ne va pas, ou quasiment pas, aux Entreprises et aux Ménages, pourquoi ne pas proposer, à ces mêmes Entreprises et Ménages, de s'entendre entre eux pour créer une monnaie alternative, qui, celle-ci, correspondrait vraiment aux possibilités et aux capacités de production des entreprises, et aux besoins des consommateurs. Les questions posées par l'instauration de cette monnaie, ou de ces monnaies, communautaires, territoriales, feront l'objet d'un prochain billet.

Transférons les garanties de l'Etat des banques aux PME.
Précisons enfin que, dans ce scénario, celui d'une entraide mutuelle entreprises et ménages - un scénario de "méga-coopératives" en fait - le seul effort demandé à l'état serait le suivant.
Que l'Etat , au lieu d'apporter sa garantie aux banques qui ont failli dans leur rôle premier, consente à transférer cette même garantie à toutes les PME dont le seul défaut est de compter sur leur banque pour les aider dans leurs problèmes de trésorerie et de financement: cela pourrait se concrétiser, ou s'accompagner, par un moratoire de 6 à 9 mois de toutes les dettes consacrées par les entreprises vis à vis des banques et de l'État lui-même. Cela économiserait par là-même les milliards supplémentaires consacrés par l'État à une prise de participation - complètement absurde dans mon scénario (et même dans d'autres)- de l'ensemble Caisse d'Epargne- Banques Populaires.

Pour éviter que cette garantie ne s'adresse aussi aux canards boiteux - il y en a aussi parmi les entreprises - on pourrait imaginer qu'au niveau de chaque région, ou de chaque bassin d'emploi - une structure rassemblant à proportion égale entrepreneurs et consommateurs soit créée, un éventuel médiateur, sans droit de véto, pouvant être choisi par les collectivités territoriales ou par l'état lui-même.

Mais le point important est le suivant: si les entreprises et les ménages ne prennent pas en mains leur propre destin, la crise dans laquelle est en train de s'enfoncer la France - et l'Europe - sera une crise comparable en intensité, en durée, et en 'dommages collatéraux', à celle de 1929: 160 millions de morts, dus au nazisme et au communisme - et à quelques autres idéologies totalitaires - ce n'est pas rien.

L'Etat doit savoir agir, mais aussi s'effacer parfois.
Nos gouvernants auront-ils la sagesse d'agir, et de laisser d'autres acteurs agir, en ce sens, rien n'est moins sûr. L'État a certes un grand rôle à jouer, ne serait-ce qu'en instaurant le RMD (Revenu Minimum de Dignité), mesure sociale s'il en est, tout en laissant aux acteurs économiques le rôle dans lesquels ces derniers sont compétents - mesure libérale celle-ci.

Il lui restera aussi le soin de réfléchir avec l'ensemble de nos concitoyens, à l'avenir et à la place du service public, vaste sujet lui aussi. Mais se contentera t-il de ce rôle, ou tel l'hydre mythologique aux multiples têtes, ne voudra t-il pas intervenir en tout et partout, à temps ou à contre-temps?

L'avenir nous le dira..., en sachant que le futur résultera aussi de ce que nous en ferons.

lundi 23 février 2009

RMD et monnaies communautaires: des pistes pour une sortie de crise?

Le RMD, monnaie de singe?
Parmi les pistes évoquées pour sortir de la crise economico-financière actuelle, celle de la relance de la consommation, en particulier par le biais de l'instauration d'une allocation universelle, de type du du RMD (Revenu Minimum de Dignité) a été parfois évoquée.

Un certain nombre de questions m'ont été posées à ce sujet, dont certaines concernaient son financement, et plus particulièrement le problème de création monétaire qui semblait sous-jacent. Dit autrement, serait-ce la planche à billets de l'Etat qui fonctionnerait ainsi, transformant peu à peu une belle et noble idée, celle du RMD, en vulgaire monnaie de singe?

Le RMD vu comme un crédit de l'Etat aux consommateurs.
Rappelons tout d'abord, sur le plan financier, ou comptable, que le RMD 'national' - qui peut varier d'un pays à un autre - correspondrait annuellement à un peu moins du 1/4 du PIB national, soit environ 400 milliards d'euros annuels. Rappelons pour mémoire que des Organismes internationaux comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International évaluent à quelques 4 à 5000 milliards d'euros la somme que les USA devront mobiliser pour tenter de sauver leur système banco-financier, montant plus important, en monnaie constante, à celui que ce même pays a consacré à ses efforts de guerre durant la deuxième guerre mondiale. Précisons aussi que pour garantir les actifs de leurs trois principales banques, l'Allemagne a déjà mobilisé l'équivalent 130% de son PIB(en lignes de crédit, certes, pas en 'cash', il n'empêche).

Pour finir de rassurer - ou d'inquiéter encore davantage le lecteur - je précise encore que les 400 milliards d'euros nécessaires pour financer annuellement le RMD français ne correspondent en fait qu'à un montant 'net' d'environ 110 milliards d'euros, puisque de nombreuses prestations sociales, dont l'allocation logement, l'allocation familles nombreuses, le RMI et le RSA, devraient être supprimés.
Ces 110 milliards d'euros, même si cela représente évidemment un montant très important, ne correspondent donc, en fait qu'à 6% du PIB annuel 'normal' de la France.
On passe ainsi d'un financement brut d'environ 30% du PIB (pour obtenir 23% alloué universellement)à un financement net - par l'impôt ou tout autre méthode à débattre - d'environ 9% du PIB, si on enlève les allocations sociales classiques dont il ne faut évidmment pas compter deux fois le financement.

Monnaie et Echanges "Etat to Consommateurs-citoyens".
Le financement a priori de ces 110 milliards 'nets' peut être considéré comme une avance sur consommation, un crédit fait par l'Etat, non aux banques, non aux entreprises, mais aux particuliers, aux 'ménages'.
C'est une 'avance', sans intérêt, qui sera financée par la collectivité nationale dans son ensemble, par un taux constant, unique, d'environ 23% (brut) sur tout ce qui sera produit, comme biens ou services, en France pendant l'année considérée. C'est une monnaie que l'on pourrait qualifier de monnaie "EtoC", Etat vers Consommateur-Citoyen, pour reprendre la terminologie utilisée habituellement pour les échanges sur internet ("B to C" pour Business to Consumer, "B to B" pour Business to Business).

Cette avance, pour être efficace, et pour ne pas correspondre à de la poudre aux yeux ou à de la monnaie de singe, repose sur une double condition.

Tout d'abord sur la confiance que la collectivité accorde à chacun de ses citoyens, au sens où cette collectivité imagine que, puisque le RMD est un pourcentage fixe d'une production variable, le PIB national, ceux qui le peuvent contribueront réellement à produire cette richesse collective, alors même que le RMD est accordé à tous, sans conditions.
Ensuite, le RMD, ou plus précisément son financement, repose sur une anticipation (de demande solvable aurait dit Keynes).
De fait, le RMD, dans sa grande majorité, servira à consommer des biens et services produits par le secteur privé, permettant à ce dernier, atteint d'un début de 'sinistrose' comme l'ensemble de nos concitoyens d'augmenter sa production, en réduisant par là-m^me le chomâge, partiel ou total.

D'autres types de création monétaire sont évidemment envisageables, comme je l'ai indiqué il y a quelque temps en rappelant la fable de la "Dame de Condé" ou du "sieur de Laroque". Cette fable illustrait un concept, celui d'une 'monnaie franche' BtoB, Business To Business, dont quelques exemples réels, certains très récents, ont été rappelés par l'économiste belge Bernard Lietaer, un des 'pères' de l'Euro.

C'est ainsi que dans un pays réputé sérieux, en particulier pour tout ce qui concerne l'argent, je veux parler de la Suisse, une monnaie non officielle circule pourtant, au vu et au su de l'état fédéral, depuis 75 ans, 1934. Il s'agit de la monnaie WIR, qu'utilise actuellement près de 60 000 PME helvétique, et qui correspond à un montant de 'crédits' - quasiment sans intérêt - d'environ 1 milliard et demi d'euros.

Une monnaie franche au secours des PME?
Le concept est des plus simples, comme dans l'histoire, imaginaire celle-là, de Condé. Reprenant les idées de Sylvio Gesel, certains esprits innovants ont voulu lutter contre l'effet nocif de thésaurisation de la monnaie (la 'trappe à liquidités' de Keynes).
Suivant le vieil adage 'la mauvaise monnaie chasse la bonne', une monnaie sans valeur intrinsèque autre qu'un instrument de compte est mise en circulation, en lieu et place de la 'vraie monnaie', mais, cette fois, ce vieil adage fonctionne de façon positive. La monnaie dite 'sans valeur' (c'est à dire non estampillée par un puissance tutélaire officielle) crée du mouvement.
C'est ainsi que dans l'expérience helvète "En 1934, devant la pénurie d’argent liquide, plusieurs petits patrons zurichois ont mis en place un système parallèle pour assurer leurs échanges commerciaux. Ces hommes s’inspiraient de plusieurs penseurs du libéralisme économique. De la théorie de la privatisation de la monnaie de Friedrich Von Hayek et de celle de l’argent neutre de Silvio Gesell notamment". Le plus remarquable, c'est que cette expérience a encore cours en ce moment, et est encore tolérée par l'état fédéral helvétique.

Une monnaie sans valeur intrinsèque.
L'argent, ou plus exactement la monnaie de type WIR, ne produit pas d'intérêt en elle-même. Certains utopistes pensent même qu'une véritable monnaie 'au service unique de l'économie' devrait être une monnaie 'fondante', un peu comme une marchandise périssable, afin qu'il n'y ait aucun intérêt à la thésauriser (ce fut d'ailleurs en général le rôle de l'inflation, comme l'a fort bien montré Maurice allais et d'autres économistes réputés libéraux). Keynes disait à ce sujet que l'inflation était l'euthanasie des rentiers.
Sans aller aussi loin, la "Banque WIR" prête, dans le cadre de sa sphère d'influence - essentiellement des PME - à moins de 1%, parfois à taux zéro, une monnaie particulière, le WIR. Ce n'est donc pas de la véritable monnaie, le franc suisse en l'occurrence. Cette monnaie repose essentiellement sur la confiance que les emprunteurs et les prêteurs s'accordent mutuellement. On retrouve bien ici l'éthymologie du mot 'crédit' - 'credo', 'je crois', 'je fais confiance' -.
Cette confiance repose en général sur des relations de proximité, liées à une anticipation de croissance de la production et de la consommation.

A côté donc du RMD, monnaie liée à la confiance que l'Etat se devrait de développer vis à vis de ses citoyens, on voit donc apparaître, dans un pays pas vraiment connu pour sa solidarité intrinsèque - peut être à tort - l'expérience d'une monnaie 'économique', officieuse, liée cette fois à la confiance que les entreprises se font entre elles. D'autres expériences liant d'autres groupes ou communautés pourraient donc aussi s'imaginer, et devraient sans doute l'être en tant que remèdes à la crise économique, financière et bancaire actuelle. On peut aussi se reporter à l'initiative contemporaine française de la Monnaie SOL.

Sur ce point, l'imagination ne demande qu'à être au pouvoir, d'autant plus que l'on retrouve en ce domaine des personnages aussi variés que l'utopiste Gesell et l'économiste libéral M. Allais, qui affirme son rejet viscéral de toute rémunération correspondant à des 'revenus non gagnés'. Et s'il y a bien ici un 'revenu non gagné' - qui ne mérite donc aucun 'profit' - c'est bien de l'argent qui n'aurait qu'un seul m"rite, celui d'exister. Dans un billet précédent, je souhaitais que le taux d'intérêt des banques envers les entreprises soit proche du taux de croissance de l'économie, et que le taux d'intérêt des prpets à la consommation ne dépasse pas 2 à 3 fois ce taux (au lieu des taux usuraires pratiqués couramment). Ici, on va encore plus loin, puisqu'en dehors d'un taux d'intérêt très minime - moins de 1% - la monnaie 'officieuse' ainsi prêtée ne donne lieu à aucun versement d'intérêt. Ce véritable 'service public' - qu'il survienne ou non entre des acteurs privés n'est pas la question - est donc gratuit.

Et l'Etat dans tout cela?
Si l'Etat était vraiment au service de ses citoyens, de nous tous en fait, de telles expériences auraient du rencontrer auprès de lui un véritable soutien. Une relance de l'économie sans subsides de l'Etat, donc sans creuser les déficits publics, le rêve...Il se trouve que, historiquement, de telles tentatives - à la seule exception de la Suisse - ont été combattues avec la plus extrême des vigueurs par les autorités publiques. Que l'on pense aux dollars émis par les colonies britanniques américaines au moment de la guerre d'indépendance, jusqu'à la république de Weimar dans les années 1930.
On peut en donner deux explications principales. Tout pouvoir central considère que le droit de 'battre monnaie' est un droit régalien - qui lui permet de plus de financer des dépenses que ce même pouvoir juge indispensables - sans qu'il ait parfois envie de demander à ce sujet l'avis du 'bon peuple'. Toute création de monnaie faite en dehors de son autorité est considérée comme un crime capital, passible naguère des galères ou de la déportation. Nous ne parlons pas ici de fausse monnaie: il ne s'agit nullement de contrefaire les billets officiels, euros, ou francs suisse. Ce pourrait être des billest d eMonopoly, ou des jetons de poker, ou des grains de sel, dont une certaine communauté accepterait l'usage. Cette 'monnaie officieuse' n'a donc nul besoin d'être 'convertible' en monnaie officielle pour être valable. Elle repose 'simplement' - si l'on peut dire - sur la confiance que les participants à cette communauté se font les uns envers les autres. On pourrait rapprocher cela de diverses expériences de type SEL (Systèmes d'Echanges Locaux), m^me si ces derniers sont plus 'localisés' (géographiquement: à l'échelle le plus souvent d'une simple commune, et sociologiquement: réunissant le plus souvent de simples particuliers échangeant des services de type bricolage ou aide à la personne).

Le deuxième écueil est celui d'échanges 'hors circuit économique' que l'on a vite fait d'assimiler à du travail gris ou noir. Il n'y a pas en effet de problèmes pour facturer des travaux en euros ou en dollars. Mais si l'on se met à facturer dans une monnaie sans existence légale, en WIR ou en grains de blé, comment taxer cet échange. Il y a bien sûr des solutions, on peut imaginer une conversion fiscale entre des WIRs et des francs suisses, afin de permettre à l'Etat de prendre sa part à des transactions dans lesquelles il n'a joué aucun rôle. Mais dans ce cadre le roi apparaît nu. a quoi sert l'Etat dans ce cas. De plus tout Etat, en particulier l'état français, est paranoïaque. Pour lui, tout citoyen est un fraudeur en puissance. Alors, des échanges monétaires sans l'Etat, vous n'y pensez pas. On préfère donner cette possibilité de création monétaire à des banques officielles, qui manient, elles, l'escroquerie à grande échelle. On peut toujours les re-nationaliser, après tout. Cela ne change évidemment pas le montant des escroqueries ou des erreurs de gestion, montant astronomique comme on l'a vu plus haut.

Affaire à suivre donc...

vendredi 20 février 2009

Face à la crise, un nouveau Grenelle est indispensable

La France, l'Europe, le Monde s'enfoncent dans la récession, la plus terrible depuis plusieurs générations, car elle est mondiale, aucun pays n'en réchappe vraiment.

On en a connu d'autres diront certains.
Ce n'est pas évident, en tout cas de mémoire d'homme. Un ou deux milliards au dessous du seuil de pauvreté absolue (2 ou 3 euros euros par jour), des millions de français au dessous du seuil de pauvreté relative (22 euros par jour), au moment même où la croissance démographique continue à exploser en Afrique, alors que l'on annonce une croissance zéro au niveau mondial.

On ne peut rien y faire diront d'autres.

D'autres enfin, de plus en plus nombreux, crient leur désespérance avec des slogans venus d'un autre âge, mais qui recueille de plus en plus d'échos. Il faut changer le système, mort aux patrons profiteurs, à bas le capitalisme avide.

Notre président se démène comme un beau diable, en annonçant jour après jour de nouvelles mesures. Il ne s'agit pas ici de critiquer son énergie, voire son activisme, et de donner de bons et mauvais points aux mesures proposées, ou aux éventuelles contre-mesures proposées, soit par l'autre extrémité de l'échiquier politique, soit par les syndicats qui clament le désespoir réel de leur base en continuant à répéter "le compte n'y est pas".

Une véritable 'rupture' s'impose.

Mon point est tout autre. Comme je l'ai déjà écrit ailleurs, ce ne sont pas des mesures classiques, aussi bienvenues soient-elles, qui feront sortir la France de sa dépression actuelle, dépression où se mêlent de nombreux aspects, économiques, sociaux, politiques, voire moraux. Je ne sais pas s'il faut 'repenser' entièrement le système, mais il faut pour le moins prendre des mesures radicales.

Nos entreprises sont en berne, notre pouvoir d'achat stagne, les services publics sont remis en cause, le système financier et bancaire est discrédité. Comment peut-on croire que des mesures 'classiques' peuvent nous tirer de ce marasme, comment peut-on croire qu'un seul homme, aussi compétent soit-il, qu'une seule équipe, aussi honnête soit-elle, puissent apporter des solutions, voire LA solution.

Je ne fais ici aucun procès d'intention, mon propos encore une fois n'est pas politique, on peut être ou non d'accord avec ce qui est annoncé, trouver que telle ou telle catégorie de français est plus ou moins avantagée par telle mesure.

Mais sans une vision et une réflexion d'ensemble, collectives, je crains, j'affirme même que tout cela ne servira à rien. Les Etats Unis ont mis 10 ans à sortir de la crise de 1929, beaucoup moins 'mondiale' que maintenant - et certains historiens prétendent même qu'il a fallu une guerre mondiale pour cela.. Je prétends de plus que la crise actuelle, si l'on se contente du saupoudrage actuel, risque de durer plus longtemps encore, le poids de la France dans le concert des nations étant sans doute inférieur à ce qu'était le poids des USA en 1929.

Chacun sent bien qu'il faut relancer la consommation, mais les divergences portent sur les moyens d'y parvenir.
Le patronat s'oppose à un relèvement des salaires et du SMIC - ce en quoi ils ont raison, la plupart des entreprises n'en ont pas les moyens.
Les syndicats et diverses associations demandent un relèvement du pouvoir d'achat - là encore à juste titre.
Le gouvernement, qui considère - à juste titre là aussi - que les entreprises hexagonales ne sont pas assez compétitives, se cramponne à une relance par l'investissement, qui n'est pas vraiment à l'ordre du jour, en cédant simplement sur quelques mesures sociales d'accompagnement.

De cette équation à plusieurs variables, que tire t-on? La baisse des charges sociales, en particulier patronales? Pourquoi ne pas appeler un chat, un chat. Si on réclame l'aide de la collectivité, de l'état, donc de nous tous, pourquoi faudrait-il nécessairement qu'il faille faire appel soit au système qui a failli - le système financier-bancaire - soit à des entreprises privées - aussi efficaces soient-elles - pour bénéficier ou répartir la 'manne' collective.

La seule façon efficace de relancer la consommation, c'est de permettre aux consommateurs potentiels de ... consommer, en utilisant pour cela les ressources de la collectivité.

Rappelons tout d'abord que le PIB français, en 2008 - j'oublie ici le problème du déficit commercial, qui a fait l'objet d'un autre billet - se décompose grosso modo en 75% de consommation 'privée' - biens et services fournies par les entreprises privées - et de 25% de consommation 'publique', pour un total de l'ordre de 1800 milliards (soit environ 1250 euros mensuels par habitant).

Faisons donc en sorte, sans nécessairement modifier a priori ces équilibres - qui devront faire l'objet d'une deuxième mesure, un Grenelle global, que je préciserai ci-dessous - qu'une partie non négligeable de la consommation future, celle de 2009, soit assurée par une demande solvable.
L'instauration du Revenu Minimum de Dignité, 625 euros mensuels par adulte, c'est à dire un peu moins du quart du PIB moyen, ferait en sorte d'assurer le financement automatique du tiers de la consommation privée, et sans doute beaucoup plus pour nos compatriotes les plus démunis. Pouvoir compter sur un revenu assuré de 625 euros par mois, que l'on ait ou non un travail, cela change la donne.

J'ai montré par ailleurs comment le financement de ce RMD pouvait être assuré en année pleine, tenant compte de toutes les prestations sociales qui disparaîtraient de ce fait.
Rappelons que l'on arrive à un financement nécessaire d'environ 10 milliards d'euros par mois. Rappelons aussi que cela correspond simplement à une création monétaire 'anticipant' la relance de la consommation. C'est donc plus un prêt et un pari sur l'avenir qu'une véritable dépense 'à fonds perdus'. Rappelons enfin que le RMD n'a rien à voir avec le SMIC, le RMI ou le RSA. Le RMI et le RSA devraient disparaître, quand à l'avenir du SMIC, ce sera aux divers partenaires sociaux d'en débattre, à l'occasion de ce fameux Grenelle dont je vais maintenant parler.

Un nouveau Grenelle, pourquoi et comment?
Les objectifs de ce Grenelle sont assez simples à préciser, même s'ils sont beaucoup plus difficiles à obtenir.
Il faut tout d'abord fixer un délai raisonnable à la tenue de ce Grenelle. Trois mois de réflexion et de débats contradictoires semblent raisonnables. Il semble en effet impossible de faire un travail sérieux plus rapidement, et l'ampleur de la crise ne peut permettre d'y consacrer beaucoup plus de temps, hélas.

En ce qui concerne les objectifs, l'objectif le plus important semble être celui-ci: celui de la 'composition' du gâteau national: quelle part pour la 'consommation privée', quelle part pour la 'consommation publique(santé, éducation, sécurité, justice, etc.), quelle part pour l'éventuel investissement.
Le deuxième objectif consiste à tenter d'évaluer l'efficacité de notre système productif, privé comme public, ce qui n'est sans doute pas une mince affaire. Pour le privé, le 'marché' semble un bon indicateur, même si en tant que consommateur chacun trouvera que l'on paye trop cher les produits ou les services proposés. Pour évaluer l'efficacité publique, il faudra cette fois se mettre d'accord sur des indicateurs de qualité et d'efficacité, même si, là encore, le contribuable moyen aura tendance à juger que les services publics sont trop chers pour les impôts qu'il paye.
Le troisième objectif consisterait à remettre à plat l'ensemble des réformes, annoncées ou en chantier, à la lumière de la crise actuelle et des problèmes actuels rencontrés par les français.

Un moratoire indispensable sur les réformes.
Continuer à décréter que les réformes devront continuer, pour la raison apparemment inattaquable que notre président en avait fait la promesse avant d'être élu, me semble surréaliste.
Le Titanic coule, mais on continue à astiquer le pont.
Qu'il faille réformer, certes, qu'il faille être courageux pour mettre en place les réformes annoncées, certes encore. Mais qu'il faille s'obstiner ne me semble pas être le meilleur moyen d'atteindre un consensus national, indispensable dans ce contexte de crise majeure.

De la nécessité d'un consensus national.
Les trois objectifs précités sont d'une telle importance que ce 'Grenelle' devra rassembler l'ensemble des acteurs de la vie politique, sociale et économique de notre pays.
Cette participation étendue devra donc concerner, sans vouloir être exhaustif, les entités et organisations suivantes, sans aucune exclusive ou anathème: Associations de Consommateurs et d'Usagers des services publics, patronats, syndicats, partis politiques de toute obédience, du Front National jusqu'au NPA, le rôle du gouvernement étant principalement d'alimenter les participants en informations sur les comptes et les dépenses publics, à charge pour les participants d'en demander et d'en vérifier la teneur.

Chacun semble réclamer transparence et sincérité, c'est donc le moment de s'y mettre. Il ne s'agit pas de jeter a priori le discrédit sur telle ou telle partie de la population, ou de décréter: il faut plus, ou moins, de fonctionnaires, une facilité plus ou moins grande de recruter ou de licencier, ou tout autre idée a priori portant sur la vie sociale et économique. Il s'agit essentiellement de vérifier la nécessité et la cohérence de l'ensemble des objectifs et des mesures associées. Ce n'est pas de politique politicienne ou partisane, ni d'idéologie rampante dont la France a besoin en ce moment.

Je pense que sur ce point on pourrait même réconcilier Proudhon et notre Prix Nobel d'Economie Maurice Allais sur la seule interrogation socio-économique qui vaille, comment améliorer le bien-être de nos concitoyens.

jeudi 19 février 2009

Liberalisme et services publics, Acte 2

De l'efficacité du service public, et de sa mesure.
J.M. Harribey, que je citais dans un précédent billet, ayant eu l'amabilité de me signaler deux imprécisions ou inexactitudes, je vais tout d'abord faire les rectifications qui s'imposent.
En croissance zéro (la reproduction simple dirait Marx), j'ai indiqué que l'usure des machines et des équipements devait être compensée par les amortissements, et qu'il n'y avait aucun investissement net. En d'autres termes, le PIB que j'ai indiqué n'intègre ni les variations de stocks, supposées nulles, ni un gain net en logements - supposés stables. Etant, par ailleurs, en économie 'fermée' (ou, plus exactement, dans un contexte où la balance commerciale et la balance financière seraient toutes deux à l'équilibre), je n'ai pas introduit de différence entre le PIB brut et net.

En croissance zéro, pas de surplus à distribuer.
J'en avais déduit que si les profits ('revenus non gagnés' par le travail) étaient destinés, comme l'idéologie dominante l'affirme, à financer des investissements, ils devraient être nuls, puisque n'ayant plus cettte justification.
Lorsque notre président, N. Sarkozy, parle de partager les surplus entre ce qui est destiné aux actionnaires, ce qui est destiné aux salariés, et enfin ce qui est destiné à l'investissement net, dans ce contexte la répartition est vite faite. En dehors des salaires 'normaux', contractuels, les 'revenus gagnés', il n'y a rien à distribuer.

Les trois aspects du PIB.
Plus précisément, le PIB est classiquement abordé sous trois aspects: celui de la production ou de la 'richesse produite' (Valeur ajoutée plus TVA), celui des revenus ('revenus gagnés', ou 'salaires', plus profits éventuels nuls si croissance zéro), enfin celui des utilisations de ces mêmes revenus, ou Demande (réduite à la Consommation 'marchande' plus les Dépenses de l'Etat, hors Investissement, supposé nul dans le cas présent).
C'est sur ce dernier point, et plus particulièrement sur les dépenses de l'Etat, que je dois apporter une modification à mon premier billet. Si l'action 'publique' conduit bien à 45% du PIB en ce qui concerne les 'prélèvements obligatoires', les dépenses consacrées à payer des 'agents de l'Etat' (les fonctionnaires) sont voisines de 25%.

Je corrige bien volontiers cette imprécision, d'autant plus que l'objet de mon billet n'est pas là, et ne repose pas vraiment sur ces chiffres, que tout internaute curieux peut trouver assez facilement.

Dépenses publiques et action publique.
En fait, en plus des prélèvements obligatoires, censés permettre les actions régaliennes de l'état (salaires des fonctionnaires et transferts sociaux), d'autres cotisations plus ou moins obligatoires, font monter les 'recettes publiques' à 51% du PIB, pour des dépenses publiques de l'ordre de 54%. On retrouve ainsi le déficit public de 3% en 2007, sûrement plus proche de 4% en 2008. Mais, encore une fois, ce n'est pas le poids des dépenses publiques, qu'il soit trop ou pas assez important, que je veux questionner ici, mais leur efficacité.

Pour ce faire, je vais donc m'intéresser prioritairement à l'aspect 'Dépenses' du PIB, c'est à dire à l'utilisation du PIB (supposé produit, ou mieux 'anticipé' aurait pu dire Keynes). Dans un contexte de croissance zéro, on ne doit donc anticiper que la seule 'Consommation' - pas d'Investissement net.

Le PIB en tant que 'Consommation'.
Cette consommation se décompose en deux parties: la Consommation 'marchande', consacrée 'individuellement' à acheter des biens et services fournies par le secteur privé (là encore, je simplifie), et la Consommation 'collective', qui correspond donc, 'collectivement', à l'utilisation des biens et services fournies par le secteur public. Si je reprends des chiffres voisins de ceux indiqués par J.M. Harribey, et qui ont le mérite d'être simples, on arrive à 75% de 'consommation marchande', et 25% de consommation 'publique'.

Dit autrement, si on représente le PIB comme un gâteau destiné à être entièrement consommé dans l'année, les 3/4 de ce gâteau sont 'choisis' par le consommateur 'individuel', et le dernier quart correspond à une part décidée par la collectivité. Le fait qu'il n'y ait pas d'investissement net signifie, dans cette métaphore, qu'on n'épargne ni gâteau (pas de variation de stock) ni farine ou autres ingrédients. La croissance zéro permet de maintenir les mêmes habitudes de consommation et le même pouvoir d'achat pour chacun, en supposant que la répartition du gâteau ne change pas, bien sûr.

Cette production du gâteau national étant supposée réalisée, plusieurs questions se posent, bien sûr. Tout d'abord, comment la répartition 'marchande/publique' est-elle décidée? Ensuite, comment fait-on pour financer 'judicieusement' ces achats, en s'arrangeant donc pour que les demandes solvables individuelles correspondent aux consommations individuelles envisagées. Dans une troisième étape, nous poserons enfin la question de l'éventuelle relance de la croissance, c'est à dire de l'augmentation du gâteau national.

La question de la 'répartition optimale', consommation privée, services publics.
Peu d'économistes ont posé la question sous cette forme, la plupart d'entre eux pensant sans doute que cette question, soit ne pouvait avoir de réponse, soit avait une réponse fournie par leur propre idéologie. Ce pouvait pour certains être le marché, somme des égoïsmes aveugles, conduisant à l'optimum si on le laissait faire: d'où la restriction de la 'consommation collective' à sa portion congrue, voire même à sa disparition.
Pour d'autres, la répartition optimale devrait être le fait d'autorités planificatrices, qui, dans leur immense sagesse, savaient ce qui était bon pour le peuple.Là encore, la question de la répartition optimale était réglée: plus de consommation 'marchande', seule la consommation décidée 'collectivement' devait avoir droit de cité.

Entre 'tout marché' et 'tout état', on comprend bien que le choix n'est pas aussi binaire. On revient donc à ma question originelle: comment décider de cette répartition, et qui doit en décider? Les patrons, les syndicats, l'état, les ONG, un mix de tout cela, peut être aussi le citoyen-consommateur, rarement invité lorsqu'il ne manifeste pas violemment, hélas?.

Je n'ai malheureusement pas de réponse définitive sur ce sujet, mais je vais simplement tenter d'indiquer quelques pistes.

Ne faisons pas du passé table rase.
Même si je considère qu'il faut aborder la crise économique d'un point de vue résolument novateur, et donc en rupture complète avec les mesures classiques annoncées ici ou là dans la plupart des pays du G20, cela ne signifie nullement qu'il faille tirer un trait sur le passé, et oublier la situation dans laquelle nous sommes.
Il ne s'agit pas, ou plus, ou pas encore, de chercher des responsables à la crise, ou de décréter, à tort ou à raison, que c'est la faute du système, quelle que soit la terminologie utilisée. Face à une situation donnée, que l'on peut synthétiser par une croissance française nulle en 2008, annoncée fortement négative en 2009, que peut-on faire pour améliorer la situation?
Grèves et manifestations de plus en plus violentes montrent l'étendue du problème, et la perte de confiance de nos concitoyens vis à vis du 'système', vis à vis de nos gouvernants, vis à vis d'eux-même parfois. Mais il n'en survient aucune solution.

Il faut donc partir de l'existant, aussi insatisfaisant soit-il, pour montrer comment on peut arriver à une situation globale préférable, sans se réfugier derrière nos idéologies plus ou moins implicites, ou derrière nos revendications, aussi légitimes soient-elles. Nous sommes dans une économie mixte, avec un secteur privé et un secteur public, c'est à chaque citoyen de prendre conscience de la situation, et de demander à leurs divers représentants d'en débattre de façon transparente, en prenant le temps de l'écoute et de la compréhension mutuelles.

Je propose donc deux démarches simultanées, qui me semblent avoir le mérite de permettre de réfléchir non seulement à la première question, sur le choix de la répartition 'optimale', mais aussi aux deux autres, celui de la solvabilité de la demande, et celui de la relance de la croissance.

Première démarche, une table ronde sur l'existant.
Je propose donc un nouveau Grenelle de réflexion nationale. Ce n'est pas remettre en question la personnalité de notre président, avec ses défauts et ses qualités, que d'affirmer qu'aucune personnalité, aussi active soit-elle, ne peut prétendre à elle seule assurer la rupture nécessaire. La crise actuelle est beaucoup trop profonde.

Mais il faudra fixer un délai raisonnable à ce Grenelle, 3 mois, un objectif partagé par tous, 'le problème de la répartition', et une participation étendue représentant l'ensemble des parties concernées: Associations de Consommateurs et d'Usagers des services publics, patronats, syndicats, partis politiques de toute obédience, du Front National jusqu'au NPA, le rôle du gouvernement étant d'alimenter les participants en informations sur les comptes et les dépenses publics, à charge pour les participants d'en demander et d'en vérifier la teneur. Chacun semble réclamer transparence et sincérité, c'est donc le moment de s'y mettre. Il ne s'agit pas de jeter a priori le discrédit sur telle ou telle partie de la population, ou de décréter: il faut plus, ou moins, de fonctionnaires, mais d'en vérifier les besoins, et les possibilités de financement.

Un moratoire nécessaire sur les réformes.
Ceci impose aussi, bien sûr, un moratoire de quelques mois au moins, sur les décisions de ne pas remplacer la moitié des fonctionnaires partant à la retraite, et, plus généralement, sur l'ensemble des réformes envisagées, aussi nécessaires soient-elles pour certaines. Il en va de la crédibilité de l'esprit d'ouverture de nos gouvernants, et en particulier de notre président. La situation est trop grave pour que l'on se cramponne à une feuille de route annoncée avant que l'ampleur de la crise ne se révèle à tous.

Deuxième démarche, l'instauration progressive du RMD.
Dans l'attente des conclusions de ce Grenelle, qui abordera en particulier la question du service public, et de son efficacité dans ses principaux secteurs: santé, éducation, sécurité, justice, etc., je propose l'instauration du RMD (Revenu Minimum de dignité)de façon progressive, 625 euros mensuels pour chaque adulte, la moitié en moyenne pour chaque enfant, ceci s'appliquant à 10 millions de nos concitoyens, soit 15% des plus modestes ou des plus fragiles d'entre nous, l'objectif étant d'instaurer d'ici trois ans le RMD à l'ensemble de la population française. Rappelons ici, à nouveau, qu'il ne s'agit pas d'augmenter les salaires, encore moins le SMIC, la majorité de nos entreprises étant déjà exsangues, mais de permettre une relance de la consommation, à prix stables.

En ce qui concerne, enfin, le problème de la croissance, je prétends que, contrairement aux prévisions pessimistes de la majorité des experts, le gâteau national' peut être augmenté en 2009, dès lors qu'une plus grande compréhension et un meilleur accord sur la répartition de ce gâteau pourront être établis. Les capacités de production des entreprises françaises sont très loin d'être saturées, à en juger par les mesures de chômage technique annoncées un peu partout. L'État, c'est à dire nous, doit permettre l'anticipation de cette relance grâce à une création monétaire intégrant ces mêmes anticipations, et sur les possibilités réelles, physiques, des entreprises françaises. Il s'agit tout simplement d'associer à la demande anticipée les revenus correspondant, pour en faire une véritable demande solvable.

En résumé, ce n'est qu'en partant du résultat espéré, et attendu, en inversant en quelque sorte le problème de la répartition du gâteau national avant d'en décider la production que nous pourrons sortir de la crise. C'est le premier et le plus important 'service public' que l'on peut demander, voire exiger.

mercredi 18 février 2009

Liberalisme et services publics, Acte 1

En réfléchissant sur le financement du RMD (Revenu Minimum de Dignité, 625 euros mensuels) que je pense encore et toujours être indispensable à une sortie de crise, et donc sur le rôle 'social' de l'Etat - service public s'il en est - j'en suis arrivé me poser une question tellement évidente qu'on l'oublie trop souvent.

La question fondamentale du PIB.
Que représente vraiment le PIB, question centrale bien sûr, puisque c'est de sa répartition - et de sa production- qu'il s'agit, plus particulièrement en ce temps de crise? Distribuer 25% de ce PIB, sans contre-partie, à l'ensemble des adultes (un peu moins en fait si l'on tient compte du 'RMD enfant'): une chimère, ou une nécessité? Pour répondre, faut-il encore comprendre à quoi tout cela correspond.

Le PIB, pour faire simple, et en oubliant pour le moment le problème du Commerce International - qui compliquerait inutilement l'exposé - est composé de deux parties: le PIB 'marchand' et le PIB 'non marchand'.
Le PIB marchand correspond pour sa plus grande part à ce qui est produit par le secteur privé - par les 'salariés' - et le PIB non marchand correspond à ce qui est produit par les administrations - par les fonctionnaires pour faire bref.

Dernière distinction fondamentale, le PIB marchand est 'valorisé' sur le marché, et, en supposant qu'il soit entièrement vendu, cette valorisation correspondra à la somme des salaires et des profits correspondant.

Pour le PIB 'non marchand' - les biens et services fournis par le 'Secteur Public' (là encore, c'est une simplification, il n'y a pas de raison 'technique' pour que les services publics soient fournis uniquement par le secteur public) sont valorisés plus simplement encore, ils correspondent aux salaires perçus par les fonctionnaires.

Toujours et encore pour simplifier, je me suis placé ici en 'croissance zéro', à la fois pour la démographie et pour l'économie: pouvoir d'achat stable (si la répartition du PIB ne change pas), pas de progrès technique, ce que Marx appelait 'reproduction simple' dans le livre II, posthume, du Capital. L'usure des machines est simplement compensée par l'amortissement, il n'y a pas d'investissement net.

Profits, rentabilité et taux de croissance.
Remarquons tout d'abord que dans le cas de figure précité, croissance zéro (les 'experts' - ou affichés tels - annoncent pour 2009 une croissance négative, c'est à dire une récession, de 1à 2% pour la France), les profits n'existent que dans la sphère privée. S'ils sont censés financer les investissements, on se demande pourquoi ils existent, puisqu'il n'y a pas d'investissement net.

Je distingue ici, comme le ferait notre seul Prix Nobel d'économie, M. Allais, les revenus 'gagnés' des revenus 'non gagnés'. Les patrons et les entrepreneurs peuvent travailler, et leur 'juste rémunération' correspond à des salaires, qui leur permet de consommer - mais pas d'investir puisqu'il n'y a pas d'investissement net, rappelons le. Tout ce qui n'est pas lié à leur travail - 'revenus non gagnés' - devrait disparaître, ou être reversé à la collectivité. Je me répète, mais aussi curieux que cela puisse être aux économistes et politiques de tout bord, le libéral M. Allais est aussi de cet avis.

Donc, pas de 'profits', même dans le secteur privé, marchand, s'il n'y a pas de croissance. L'économie est juste à l'équilibre. On retrouve en fait la seule loi qui devrait être 'LA' loi de l'économie - très loin d'être une science, même si peu d'économistes osent l'avouer. Le taux d'intérêt - le taux de rentabilité 'sans risque' - devrait être égal au taux de croissance (à l'inflation près). Si pas de croissance, pas de profits...

Une croissance zéro ne signifie pas une efficacité nulle.
Même si je pense que les lignes précédentes ne déplairont sans doute pas aux anti-capitalistes de toute obédience, cela ne signifie pas qu'un système économique ne doit pas se soucier de l'efficacité de ses entreprises ou administrations. Même si trop souvent 'efficacité' est associée à 'rentabilité' et donc à 'profits', attention aux conclusions hâtives. Pour un travail ou une mission donnés, on peut être plus ou moins efficace.

En France, pour 25 millions d'actifs, on a un PIB global, marchand ou non marchand, de 1800 milliards d'euros. Dans d'autres conditions d'efficacité, ce PIB aurait pu être de 1500 milliards, ou de 2000 milliards, pour une composition analogue (même pourcentage de tomates, de carottes, de voitures, de lignes de chemins de fer, d'actes médicaux, sans même remettre en cause le contenu de ce PIB, en raisonnant donc simplement 'par homothétie' diraient les matheux).

La question de l'efficacité du secteur public.
Autant je ne peux être que d'accord avec mon collègue de Bordeaux, accessoirement co-président d'Attac France, J.M. Harribey, lorsqu'il démontre fort joliment que les a-priori contre les fonctionnaires en général et les enseignants en particulier sont purement idéologiques, autant je refuse de faire l'impasse sur la question de l'efficacité du secteur public.

Je ne suis pas sûr que les entreprises privées soient toutes aussi efficaces qu'elles devraient l'être, même si elles ont une puissante motivation: sinon une forte rentabilité, au moins la survie, en particulier dans le cadre des P.M.E. Je n'irais donc pas jusqu'à prétendre comme de nombreux 'libéraux', depuis la fable des abeilles de Mandeville (1705), suivie par la Richesse des Nations d'A. Smith, que les "vices cachés font les vertus publiques", ou que les égoïsmes individuels contribuent nécessairement à la richesse des nations.

Mais, à l'inverse, prétendre comme la plupart des politiques idéologiquement marqués à gauche, soit que les fonctionnaires sont nécessairement garants de la qualité du bien et du service public, soit que le secteur public n'a pas à se soucier d'efficacité (là encore en jouant sur les mots et en confondant, volontairement ou non, efficacité et rentabilité) est plus qu'une erreur, c'est une faute aurait dit Talleyrand.
La question qu'il faut se poser, et qu'il faut tenter de résoudre, est donc la suivante. Comment juger de la qualité du service public, et qui doit en juger?

C'est à ce problème que je m'attellerai dans mon prochain billet, sachant que bon an mal an le PIB non marchand correspond à environ 45% du PIB global. Si le secteur public est plus efficace que le secteur privé, cela signifierait que, à qualifications égales, les fonctionnaires devraient être mieux payés que dans le privé. Dans le cas contraire, bien sûr, ils devraient être moins payés. Mais affirmer qu'il faut réduire, ou augmenter, le nombre de fonctionnaires, sans que nul ne semble se préoccuper de mesurer son efficacité, me semble relever, là encore, de la pure idéologie.