mardi 28 octobre 2008

Du role des banques a celui de la monnaie

Tout système économique repose sur la confiance, 'administrée' ou non, qui relie ses différents acteurs, comme la fable de la "Dame de Condé" l'illustre abondamment.
Dans cette fable, 5 artisans ou entrepreneurs individuels se doivent l'un à l'autre 100 euros, mais, problème de liquidité, aucun artisan ne dispose de cette somme.
Il faut alors un évènement extérieur, une "Dame de petite vertu" - tout rapprochement avec une banque existante serait évidemment infondé - qui vient retenir une chambre pour 100 euros auprès d'un de ces artisans, un aubergiste, pour que le cycle des dettes successives - des crédits fournisseurs en fait- se dénoue. L'aubergiste paye l'artisan n°2, qui lui même paye l'entrepreneur n°3, qui paye le numéro 4, qui paye lui-même le n°5, qui lui-même peut enfin rembourser l'aubergiste, le n°1, à qui il devait 100 euros.

De la création à la destruction de monnaie.
L'apport de monnaie - que l'on peut assimiler à de la création de monnaie 'ex nihilo' (dans l'histoire on apprend que la Dame avait utilisé un faux billet, ce qui n'a pas véritablement d'importance) - de 100 euros a permis d'éteindre 500 euros de dettes mutuelles.
On peut alors supprimer ce billet de 100 euros: la Dame de Condé le brûle en affirmant qu'il est faux - ce que les banquiers appellent 'destruction de monnaie', que cette monnaie ait été réelle ou 'virtuelle' - pour appuyer le trait.
La confiance, même provisoire, que les différents artisans ont mis dans le billet de 100 euros qui 'circulait' ainsi de mains en mains, a permis d'éteindre les dettes mutuelles.
On pourrait rapprocher cette fable de la garantie bancaire que le gouvernement français a accordé aux différentes banques de notre pays, la 'petite' différence étant qu'apparemment ces banques se font moins confiance entre elles que les artisans-entrepreneurs de notre fable.

Liquidité et solvabilité.
Des esprits chagrins, au vu de cette fable, pourraient critiquer la morale sous-jacente en disant que la circulation de ce billet supplémentaire n'a en rien amélioré la situation économique des artisans de Condé. Aucun bien ou service supplémentaire n'a été produit ou délivré, les artisans ont simplement éteint une dette - crédit fournisseur - qui était comptablement équilibrée par un actif - compte client.
Celui qui n'a jamais travaillé en entreprise et qui n'a jamais été confronté à des problèmes de trésorerie pensera peut être que dès lors qu'un bilan est équilibré (c'est évidemment toujours le cas, par construction), il n'est pas très important d'avoir un crédit fournisseur important, dès lors que les créances client le compensent.
Dans la vie réelle, il en va cependant très différemment. Il suffit de penser aux actifs 'toxiques' des banques, évalués à plusieurs milliards de dollars, et qui ne valent plus, après la chute des marchés de l'immobilier, que 30 à 40% de leur valeur anticipée, pour comprendre que ce n'est pas la même chose.
Peu importe cependant, acceptons cette critique qui assimilerait la fable de la Dame de Condé à un simple jeu d'écriture (ce qui est en fait le fondement de la création monétaire) et transformons cette fable en y introduisant une véritable production.
Il aurait pu suffire pour cela de changer les données de la 'Dame de Condé' en supposant qu'au lieu de dettes de 100 euros, chaque artisan allait entreprendre une production évaluée chacune à 100 euros. Voulant être créatif, nous allons cependant inventer une autre petite histoire, et nous appellerons cette fable le 'Sieur de Laroque'.

Le sieur de Laroque.
Dans un petit bourg, Laroque des Albères, un Hollandais inconnu, M. Batave, se présente auprès d'un entrepreneur, M. Gazzoli, et lui commande la construction d'un mas évalué à 200 000 euros. M. Gazzoli va faire appel à un certain nombre de corps de métier, en supposant ici qu'aucun artisan concerné ne va faire de marge, mais va travailler 'à prix coûtant', pour simplifier l'historiette.
M. Gazzoli va ainsi acheter pour 100 000 euros de matériaux à M. Materiel, et va recruter 5 compagnons, pour la durée du chantier, qu'il va payer chacun 20 000 euros.Ces cinq compagnons vont eux même chacun acheter une voiture, une Logan, pour 10 000 euros, le reste des 10000 euros finissant dans les caisses du supermarché local.Le concessionnaire automobile, M. Garage, va lui-même transformer ces 50000 euros en extension de son garage, 30 000 euros pour M. Gazzoli, et 20 000 euros pour M.Materiel, qui va cette fois dépenser cette somme au supermarché local
Ainsi, les 200 000 euros initiaux ont fait des petits, 100 000 euros pour M. Materiel (on suppose que cet argent n'est pas dépensé, mais on aurait pu continuer l'histoire ad infinitum) plus 70 000 euros (50 000 + 20 000) pour M. Supermarché, plus 30 000 euros à nouveau pour M. Gazzoli, plus enfin 20 000 euros pour M. Materiel, soit 280 000 euros.
En ce qui concerne la circulation monétaire, plus d'argent encore a circulé, si l'on prend en compte toutes les occasions où de l'argent, virtuel ou réel, a changé de main (la somme des flux se monte ici à 370000 euros)

D'où vient l'argent?
Supposons que notre hollandais ait eu 200 000 euros d'épargne. Cette épargne s'est transformée en un actif immobilier estimé lui aussi (prix coûtant) à 200 000 euros.
La richesse de M. Batave n'a donc pas changé,(elle est simplement moins 'liquide') mais son investissement a augmenté le PIB de Laroque de l'équivalent de 5 voitures (50 000 euros), 130 000 euros d'épargne (M. Materiel et M. Gazzoli), une extension de garage (30 000 euros) et enfin d'une consommation de 70 000 euros (M. Supermarché), soit un total de : 280 000 euros.
Si M. Batave av ait du emprunter ces 200 000 euros auprès d'une banque, sans intérêt, et sans garantie, la banque aurait injecté 200 000 euros dans l'économie locale de Laroque, ce qui aurait contribué à une augmentation nette du PIB de 280 000 euros, plus les 200 000 euros du mas de M. Batave, qu'elle aurait pu garder en garantie si M. Batave n'avait pu rembourser son prêt. Si un certain taux, 10% avait du être prélevé, on peut penser que la municipalité de Laroque aurait volontiers remboursé les 5% de 200 000 euros, soit 10 000 euros, son PIB local ayant augmenté de 280000 euros.
En d'autres termes, la simple injection - création monétaire réelle, ou simple transfert d'épargne - d'une somme de 200 000 euros apermis à notre village de faire fonctionner sans problème son économie réelle.

Economie monétaire ou économie de troc.
Les deux histoires précédentes montrent à l'évidence que ce n'est pas la banque le plus important, mais la monnaie, ou plus exactement le rôle de moyen de paiement qui est associé à la monnaie. Devant une liasse de billets - liasse virtuelle ou réelle - du seul fait que les différents acteurs jugent crédible sa valeur, le circuit économique fonctionnera nécessairement. Nul n'est besoin d'une banque pour cela, la garantie d'une autorité tutélaire suffit pour cela.

Peut-on aller plus loin, et se passer de monnaie 'tutélaire'. Dans certains cas, des traites entre fournisseurs peuvent suffire. C'est ainsi qu'à Condé, les différents artisans auraient pu s'échanger leurs créances et éteindre ainsi leurs dettes. Mais c'est évidemment moins commode que d'échanger des billets ou des chèques, les compensations entre dettes se faisant plus vite et plus élégamment, sans avoir besoin de rechercher l'artisan qui a exactement la dette qui couvre rigoureusement votre propre crédit, et inversement. C'est pour cela que, même sans banque, la monnaie est indispensable, et qu'une économie de troc sera toujours moins efficace. Cela ne signifie nullement, bien sûr, que ce doive être l'état, ou l'europe, qui gère cette monnaie 'fiduciaire', c'est à dire une monnaie en laquelle on peut avoir confiance. Mais ceci est une autre histoire.

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