Comme je l’ai écrit dans un précédent billet, sur lequel je ne reviendrai pas ici, les mesures annoncées par N. Sarkozy dans l’émission « Sarkozy face à la crise » me semblent classiques, cohérentes, mais insuffisantes.
Comme l’a redit fort justement (cf. Le Figaro) Villepin le 7/02/2009, après N. Sarkozy d’ailleurs, nous sommes face à « une crise sans précédent, d'une profondeur inouïe, qui va tout changer, en particulier la hiérarchie des Etats dans la nouvelle donne internationale». Il conviendrait donc, ajoute Villepin, d’inventer une véritable « rupture » par rapport aux mesures classiques envisagées.
Une relance par la consommation, avec les nouveaux moyens que je propose, dont l’instauration d’un Revenu Minimum de Dignité universel (625 euros mensuels pour chacun de nos compatriotes) me semble de fait de plus en plus indispensable.
Mais ce n’est pas sur ce point, abondamment commenté par ailleurs, en particulier sur le site « contre-feux » et sur mon blog personnel (http://eco-socio-techno.blogspot.com), que je voudrais revenir ici.
Je vais d’abord reprendre une des mesures les plus concrètes annoncée par N. Sarkozy lors de l’émission précitée, celle concernant la disparition de la Taxe professionnelle.
Taxe professionnelle et protectionnisme.
En fait, cette taxe, qui n’existe sous cette forme qu’en France, est presque une mesure protectionniste à l’envers, au sens où elle pénalise les entreprises françaises vis-à-vis de l’ensemble des entreprises européennes. L’Elysée estime ainsi que sur les 1000 euros de différences de coût entre une voiture produite en France et la même voiture produite en Europe de l’Est, un bon tiers est lié à cette taxe. Il est sûr que la disparition de cette taxe « anti-française » ne va pas faire plaisir à la Tchéquie ou à la Roumanie. Est-ce une mesure protectionniste parce qu’elle est anti-anti-protectionniste, et qu’elle gomme ainsi une différence qui nuisait évidemment à la compétitivité des entreprises françaises ? Je laisse au lecteur le soin de juger.
La seule chose évidente que l’on peut dire, c’est que la concurrence actuelle sera évidemment modifiée, au profit des entreprises françaises. Que ces 8 ou 18 milliards soient difficiles à remplacer, du point de vue des collectivités locales, est évident, mais en tant qu’économiste il me semble que la première question qu’il faudrait se poser est la suivante. Est-ce que la suppression de cette taxe professionnelle sera efficace, au sens où elle apporterait à la France, et pas seulement aux collectivités locales, plus de 8, ou 18 milliards d’euros ? Si oui, c’est une bonne mesure du point de vue de la compétitivité française, si non, c’est une mauvaise mesure. Mais, encore une fois, cela impacte les règles de la concurrence, donc des esprits chagrins pourraient se plaindre des effets protectionnistes de cette mesure.
Protectionnisme et concurrence.
Plus généralement, si l’on prend comme définition ‘large’ du protectionnisme toute mesure ou toute idée tendant à renforcer la compétitivité d’entreprises d’un pays donné, il est clair que toute tentative de relance ‘individuelle’, locale, nationale, de sortie de crise est protectionniste, puisqu’elle tend à modifier la place économique d’un pays dans le concert des nations.
D’un pur point de vue libéral, ce que je ne suis pas vraiment sur ce point, toute mesure ‘patriotique’ est condamnable, les libéraux et marxistes se retrouveraient d’ailleurs sur ce point, pour des raisons antagonistes.
Vive la libre entreprise diraient les premiers, et abolissons donc toutes les taxes particulières et toutes les frontières. Vive le libre travailleur diraient les seconds, et abolissons donc les frontières et toute différence de rémunération entre eux. Et ne parlons pas des consommateurs-citoyens, qui en tant que citoyens sont éminemment protectionnistes, pour sauver leurs emplois et donc leurs revenus, et en tant que consommateurs ne se privent pas d’acheter chinois.
Je propose donc ici une définition plus stricte, et donc plus opérationnelle, de la notion de protectionnisme, qui recouvre la notion de concurrence ‘éthique’. C’est une notion relative, hélas, car cette définition fait référence aux lois de la concurrence telles qu’elles sont couramment acceptées.
Protectionnisme éthique.
Lorsque le monde entier, mondialisation oblige, était en croissance, entre 2% pour la vieille Europe et 10% pour les pays émergents, on ne se posait pas vraiment la question d’une concurrence loyale ou éthique. Bien sûr, les conditions de travail dans ces différents pays, et l’environnement social chinois ou indien, n’étaient sûrement pas semblables à ceux de la vieille Europe, et encore moins à ceux de la France. On pouvait même se dire qu’il était ‘normal’, après plusieurs siècles de domination de l’occident (en rangeant le japon dans cette dénomination), que de nouveaux pays entrent en bonne place dans le concert des nations.
Leur développement extrêmement rapide pouvait inquiéter, et le déficit croissant de la balance commerciale française devenir de plus en plus préoccupant. Mais, après tout, c’était vivable.
Mais lorsque le taux de croissance de l’économie mondiale tend vers zéro, et lorsque celui de l’occident devient largement négatif (on parle de moins 2 à moins 3 % pour 2009, peut être pire par la suite), la donne change complètement. On veut bien stabiliser notre niveau de vie, mais assurément pas le diminuer, d’autant plus qu’il ne faut pas le nier, c’est sans doute les plus faibles qui seront touchés en premier.
Je ne suis pas sûr que la France, ou même l’Europe, soit en mesure d’exiger qu’on applique aux travailleurs chinois, indiens, mauritiens ou malgaches les mêmes normes de protection sociale qu’au travailleur européen moyen (sans même parler des fameuses 35 heures françaises). Mais j’avoue que je n’aurai aucun état d'âme ni souci, déontologique, éthique ou autre, si l’Europe en général, et la France en particulier, augmentait de façon drastique les taxes concernant tous les produits en provenance de pays « arriérés socialement ».
Si l’on considère en effet que la concurrence, pour être loyale, doit s’effectuer dans des conditions comparables, il est clair que la compétition actuelle n’est pas loyale. Prendre des mesures de protectionnisme social – qui ne doit être justifié que par des considérations sociales, certaines entreprises de pays émergents pouvant fort bien être plus efficaces que les nôtres, indépendamment de leurs conditions sociales – me semblerait donc tout à fait normal.
Les inconvénients d’un protectionnisme social.
Comme je l’ai dit plus haut, de nombreuses entreprise multinationales, en particulier celles qui ne pensent qu’à délocaliser et qui n’ont de ‘national’ que le nom, ou parfois que le siège social ne peuvent que s’opposer au protectionnisme, social ou non. Pour eux, un sou est un sou, qu’il soit chinois, européen ou américain.
Ce sont donc ces entreprises là qui hurleront le plus fort contre de telles mesures, car ce sont elles qui ont le plus à perdre, au moins sur le court terme. La mondialisation, telle qu’elle s’est développée depuis une dizaine d’années, n’est pas une mondialisation poussée par les états – à l’exception notable près de la Chine, ou d’autres pays pas vraiment démocratiques – mais bien par les entreprises, nolens volens, ainsi d’ailleurs que par les consommateurs de ces mêmes pays.
A ce sujet d’ailleurs, les consommateurs ne sont pas nécessairement prêts à accepter une TVA sociale qui augmenterait tellement les prix des biens de consommation courante (en particulier ceux du secteur textile et ceux du secteur jouets) en provenance de l’extrême orient que les produits européens, voire français, redeviendraient rentables.
C’est au bon sens de reprendre tous ses droits.
Mais si la crise peut avoir un côté positif, c’est bien celui d’avoir remis en exergue cette locution de bon sens : « on ne peut avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre », on ne peut vouloir à la fois acheter bon marché à l’étranger – du fait des bas salaires qui y sont pratiqués – et penser que cela n’aura aucune répercussion sur l’emploi et les salaires domestiques. Il est vrai que les tenants du commerce équitable et les promoteurs d’un développement durable avaient commencé à faire entendre, très timidement, leurs voix en ce domaine. Mais il fallait peut être une crise mondiale pour comprendre que le monde ne pouvait continuer ainsi, crise financière ou pas crise financière. Je n’irai cependant pas jusqu’à remercier les spéculateurs et leur avidité sans limites pour avoir été le détonateur de cette prise de conscience, les dizaines de millions de faibles et d’exclus ne me le pardonneraient pas, à juste titre d’ailleurs.
En résumé, sortir de la crise, c’est possible, avec des mesures de rupture, telles l’instauration du Revenu Minimum de Dignité (qui n’a rien à voir avec l’augmentation du SMIC, impossible à demander à la plupart de nos entreprises, déjà exsangues) et la mise en œuvre, à l’échelon européen si possible, d’un protectionnisme social. Nos gouvernants auront-ils la sagesse d’être ‘révolutionnaires’ dans leurs décisions, je ne peux que l’espérer.
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