jeudi 5 mars 2009

Etat et déficit public: un nouveau scandale Madoff

L'Etat et le système bancaire de création monétaire.
En creusant toujours un peu plus le mécanisme monétaire, et plus précisément les mécanismes 'légaux' de création monétaire, que constate t-on?
Pour des raisons difficiles à expliquer techniquement - et comme je ne veux pas faire d'idéologie ici, je laisse au lecteur le soin d'avancer sur les pistes de réflexion que ce constat lui suggèrera - la France a abandonné (en 1973) son privilège de 'battre monnaie' - en dehors de la monnaie fiduciaire, qui ne représente plus qu'environ 8% de la masse monétaire circulant en France.

Plus précisément, les seules organisations ayant ce privilège sont des banques (dits de deuxième rang, la Banque de France ayant gardé le titre honorifique de 'banque de premier rang'). Les banques, commerciales ou d'affaires, sont en effet les seules institutions à pouvoir créer ex nihilo de l'argent-monnaie. Il y a quelques contraintes, c'est vrai, mais cela ne change pas grand chose à ce constat : "les prêts (ou crédits) des banques font les dépôts", et donc ce sont les banques qui gèrent, plus ou moins bien, les variations de la masse monétaire.

Même si l'on pense, comme l'auteur de ce billet, que les entreprises privées sont souvent plus efficaces que le secteur public, il est difficile de ne pas imaginer que les entreprises - les banques - qui touchent automatiquement de l'argent (l'intérêt des prêts consentis) dès lors qu'elles prêtent un argent - qu'elles ne possèdent pas, puisqu'elles le créent - ne soient pas quelque peu tentées de prêter un maximum d'argent à un taux maximum.

Ce n'est pas le remboursement du principal qui les intéresse, mais simplement le fait que les emprunteurs leur rembourseront les intérêts, cette fois-ci en 'vraie valeur', gagée sur une production réelle de biens et services. Je veux bien croire que les banquiers sont au dessus de tout soupçon, voire de véritables saints laiques: mais pour résister à une telle tentation, il faut vraiment que ce soit des sur-hommes.

Un service public fondamental, celui de 'battre monnaie', sous-traité au secteur privé.
Ce n'est donc pas faire un procès aux banques de dire que ce privilège semble exorbitant, quels que soient les contrôles qui pourraient être - ou qui ont été - instaurés pour inciter les banquiers à 'rester dans les clous' du service public. La 'nationalisation des banques' décidée en 1981 n'était sans doute pas complètement stupide, même s'il y avait beaucoup plus simple: Redonner à la puissance publique le soin de 'battre monnaie'.

L'Etat se tire une balle dans le pied: à qui profite le crime.
Mieux encore, si l'on peut dire. Par un décret de 1976, R. Barre, le 'meilleur économiste de France' d'après le président de l'époque, V. Giscard d'Estaing, décide par ailleurs que l'Etat français remboursera ses emprunts au delà de leur seule valeur actualisée par l'inflation.

Dit autrement, cela signifie que R. Barre, qui cumulait les fonctions de premier ministre et de ministre de l'Economie et des Finances, prend la décision, jamais remise en question depuis, que l'Etat français, en plus de ne plus pouvoir battre monnaie, paiera un intérêt positif à ses créanciers.

Pour en finir avec le panorama du système financier, au moins en ce qui concerne son impact sur l'évolution de la masse monétaire, apportons encore deux précisions.

D'autres institutions financières, mais n'ayant pas le statut de banques, peuvent elles aussi prêter de l'argent, mais, dans ce contexte, ce sont les "dépôts" qui font les "prêts". On peut éventuellement discuter sur le montant des taux pratiqués, mais le principe en lui-même n'est pas critiquable.

Enfin, depuis le traité de Maastricht (et son article 104),l'Etat français a abandonné toute possibilité, au moins directe, d'avoir une politique monétaire indépendante. Que la théorie quantitative de la monnaie soit juste (ce que je crois pas, à moins de la considérer comme une simple tautologie, donc vide de sens: si l'on considère que la vitesse de circulation de la monnaie est une variable très fluctuante, sur laquelle l'Etat a fort peu d'influence, raisonner sur la quantité de monnaie émise n'a pas grand sens) ou non, l'Etat ne peut plus vraiment agir en ce domaine.

Certains hommes politiques, éminents en leur temps, et qui ont pourtant contribué à, ou accepté, cette démission, commencent enfin à dire 'mezzo voce' ce que l'homme de la rue, s'il était au courant, clamerait haut et fort. Ainsi Michel Rocard, à l'été 2008 (Université d'Eté du PS) :"Il ne peut y avoir de création de richesses sans anticipation monétaire", a dit l’ancien Premier ministre en substance, soulignant que les critères de Maastricht nous ont poussé vers une économie extrêmement malthusienne. "Nous n’aurions pas du céder nos instruments d’intervention dans l’économie,[...], nous n’aurions pas du céder sur la Banque de France qui permettait à l’Etat d’émettre du crédit, alors qu’aujourd’hui il est contraint de l’emprunter aux banques privées…" Dans son plan de relance et d'aide aux banques, l'Etat français emprunte à des banques (privées), ou sur le marché financier, pour re-prêter, éventuellement à ces mêmes banques, l'argent qu'elles ont partiellement créé. Du vrai Madoff...

La boucle est bouclée, Ubu est roi (ainsi que le secteur financier).
En poussant à peine un peu le raisonnement, on arriverait ainsi à la situation suivante.

Dans un contexte de stabilité des prix, et de croissance de la production, il faut une augmentation de la masse monétaire (ce que seuls les banques peuvent faire). Pour cela, il faut s'endetter auprès des banques. Si le taux d'emprunt est supérieur au taux de croissance anticipé (ce qui est généralement le cas, dans un facteur 2 pour les entreprises, de 3 à 4 pour les ménages, parfois plus encore pour les prêts à la consommation), l'argent créé ne suffira pas, puisqu'il faudra bien rembourser, en plus du principal, censé payer l'augmentation de la production, l'intérêt demandé.

D'où un surendettement continuel, avec une constatation évidente. La sphère bancaire s'enrichit aux dépens de la sphère réelle, l'argent va à l'argent, les revenus 'non gagnés' profitent plus de la croissance que les revenus 'gagnés' (ceux qui correspondent à l'économie réelle). L'endettement des ménages, mais aussi du déficit public, augmente en conséquence, et tout ceci sans nécessairement lié au fait que l'état serait un mauvais gestionnaire. On appellera cela l'effet Raymond Barre, ou, en évitant de personnaliser le problème, l'effet des taux d'intérêt.

Une seule loi en économie, celle des taux d'intérêt.
En fait, s'il y avait une seule loi en économie, pseudo-science qui essaye d'apparaître pour une science en se cachant derrière des raisonnement abscons, ce serait la suivante.
Tout taux d'intérêt supérieur au taux de croissance anticipé pour la croissance future de la production des biens et services - à l'inflation près - est une ponction opérée de la sphère financière sur la sphère réelle, productive.

En corollaire, l'endettement global de la sphère productive (dans laquelle je range l'Etat et ses services publics, même si leur efficacité n'est pas toujours au rendez-vous) ne peut jamais être totalement résorbé. C'est d'ailleurs ce qu'ont calculés A.-J. Holbecq et P. Derudder dans leur ouvrage "La dette publique, une affaire rentable".

Déficit et dette publics.
Dans cet ouvrage, après avoir précisé que si la dette publique par habitant était certes considérable (18 500 euros pour chacun d'entre nous, fin 200-), il fallait rapprocher cette dette des actifs correspondant (l'ensemble des infrastructures publiques), évaluée à 166 000 euros (cf. OCDE), les auteurs affirment ceci. Pour eux, la dette publique, qui est passée en 26 ans, de 1980 à 2006, de 229 milliards d'euros (évaluation en euros 2006) à 1142 milliards, serait nulle si l'Etat s'était contenté de rembourser le principal de sa dette, sans intérêt.

Ce calcul, que je n'ai pas vérifié en détail, paraît d'autant plus crédible que la France rembourse, bon an mal an, environ 40 milliards d'euros simplement en tant qu'intérêts dus, appelés pudiquement 'service de la dette'. Quarante milliards sur 26 ans, ce n'est pas loin, en effet - à une centaine de milliards près - des 1142 milliards de la dette cumulée de 2006.

Trois solutions pour sortir de la crise.
Que l'Etat français soit conscient, ou non, d'avoir un comportement à la Madoff n'est pas le plus important. Ce qui importe à chacun d'entre nous, ce sont bien sûr les moyens éventuels de remédier à la dégradation de la situation économique et sociale de notre pays.

1) En ce qui concerne le déficit public, une première solution serait de décréter que les emprunts faits auprès de créanciers français ne rapporteraient plus d'intérêt. Les sommes dues resteraient dues, mais sans intérêt supplémentaire autre que ce qui correspondrait à l'augmentation du coût de la vie, comme avant le décret R. Barre.

2) Les banques n'auraient plus le privilège de 'battre monnaie', elles redeviendraient de simples établissement financiers, qui ne peuvent prêter que ce dont elles disposent, la différence entre le taux auquel elles empruntent et le taux auquel elles prêtent ne pouvant dépasser le taux de croissance anticipé pour le PIB.

3) Un organisme financier, sous tutelle de l'état, rassemblant en son sein, à parité égale, les représentants des entreprises (non financières) et des consommateurs, aurait seul l'autorisation de créer "ex nihilo" de la monnaie. Le montant ainsi créé devrait correspondre aux anticipations et aux possibilités de croissance de la production, et serait réajusté tous les 15 jours; L'INSEE pourrait être associé à cet organisme, en tant que consultant technique.

Comme mesures complémentaires, on pourrait imaginer:
4) qu'une partie de cette monnaie, voire la totalité, soit émise en monnaie 'fondante', Geselienne, ce qui aurait deux avantages. Tout d'abord, une monnaie dont la perte de valeur, annoncée à l'avance, par exemple d'un demi-point par mois (6% par an) éviterait toute tentation de thésaurisation. Ensuite, une telle mesure ne pourrait pas attirer sur la France les foudres de Bruxelles, puisque cette monnaie parallèle pourrait être entièrement dissociée de l'euro, et donc des critères de Maastrich et des traités européens.
5) que cette monnaie puisse partiellement, ou totalement, permettre de financer le Revenu Minimum de Dignité, (625 euros, ou 625 euros 'parallèles', par mois) ce qui assurerait alors une véritable demande solvable de la part de ceux qui sont le plus dans le besoin.

lundi 2 mars 2009

Monnaie officielle et monnaies alternatives

Rôle et fonctionnalités de la monnaie.
Pour débuter ce billet, commençons donc par essayer de découvrir le rôle de base, fondamental, que devrait avoir toute monnaie, en essayant donc de dépouiller ce rôle de toute idéologie, consciente ou non. Cette découverte me semble essentielle, puisque, à en croire Thomas Jefferson: "Celui qui contrôle l'argent de la nation contrôle la nation".
De fait, même si ce n'est pas toujours ainsi que cela apparaît :"La Monnaie, ou l'Argent-monnaie, est un moyen d'échange, et rien d'autre". C'est du moins ainsi que la décrivait il y a près d'un siècle l'économiste proudhonien Silvio Gesell, et c'est sur cette fonctionnalité que nous bâtirons notre exposé.
On peut aussi s'appuyer sur la définition proposée par un spécialiste monétaire iconoclaste, B. Lietaer :"Money is an Agreement, within a Community, to use something as a Medium of Exchange", pour insister sur le côté conventionnel de l'Argent-Monnaie.

Nous essaierons de montrer que c'est en s'écartant de ce rôle que ceux qui créent la monnaie 'habituelle', directement ou indirectement empêchent ceux qui devraient l'utiliser comme moyen d'échange, producteurs comme consommateurs, de jouer correctement leur propre rôle économique.

Comment mesurer la qualité d'une monnaie?
En règle générale économistes et experts abordent la monnaie en s'interrogeant sur sa valeur, mot attrape-tout s'il en est: entre valeur d'usage, valeur d'échange, valeur refuge, valeur symbolique, on peut tout y mettre.

Il me semble de loin plus utile de m'interroger sur la qualité de la monnaie dans son rôle premier, celui de moyen d'échange. Sur ce point, je rejoins donc encore Silvio Gesell, dont Keynes disait que l'on avait beaucoup plus à apprendre que de Marx, Silvio Gesell qui écrivait:" Le degré de sécurité, de rapidité et de bon marché [B.L. cheapness] avec lequel les biens sont échangés est le test de l'utilité de la monnaie-argent".

Il est certain que si l'on analyse l'utilité actuelle de la monnaie telle qu'elle est utilisée actuellement en France et en Europe - monnaie libellée en Euros - ou dans le monde, on ne peut que constater que cette utilité est fortement compromise.

Trois critères pour juger de l'utilité et de la qualité d'une monnaie.
Citant une dernière fois Gesell et son oeuvre maîtresse, l'Ordre Economique Naturel - devenue introuvable en française, nous en déduisons trois critères, trois indicateurs, de bon fonctionnement de tout système monétaire (ma traduction 'libre' à partir d'une version anglaise, disponible sur internet]:
"[une 'bonne' monnaie devrait]
1. Sécuriser l'échange de biens et services [goods] - à évaluer à l'aulne de l'absence de dépressions commerciales, de crises et de chômage.
2. Permettre l'accélération des échanges - à évaluer à l'aulne de la diminution des stocks, d'un nombre croissant de marchands et de boutiques, ainsi qu'à l'augmentation concomitante des possessions ['storerooms'] des consommateurs
3. Diminuer le coût des échanges - à évaluer à l'aulne de la faible marge existant entre le prix [de production] du producteur [...et le transporteur] et le prix payé par le consommateur
."

Là encore, à l'heure actuelle, constatons que le critère 1, le premier indicateur de Gesell, montre que l'argent ne joue pas correctement son rôle, du fait même de l'existence de crises durables.
Le critère 2, qui voudrait que les vases communiquant entre les stocks des entreprises et les possessions des ménages joue en direction des consommateurs, et pas dans l'autre sens, n'est pas non plus vérifié: là encore la monnaie est défaillante, puisque les stocks d'invendus augmentent, et que les consommateurs n'ont plus les moyens d'acheter.
Le critère 3, sur les marges et les profits réalisés par les entrepreneurs au détriment des ménages, est plus difficile à vérifier - on l'a vu récemment en Guadeloupe - du fait d'un manque de transparence assez net. Je ne m'aventurerai donc pas trop sur ce point, ne voulant pas être taxé d'idéologue. Je reviendrai cependant partiellement sur ce dernier critère quand j'aborderai le problème des taux d'intérêt et des prêts.

Premier constat: notre système monétaire est défaillant.
Rappelons que sans parler ici des conditions ou du mode de production, capitaliste ou non, et sans même revenir sur la faillite du système financier et bancaire mondial, et ses milliers de milliards de 'valeurs' partis en fumée, nous avons constaté, comme tout un chacun - en dehors peut être des experts auto-proclamés ou des économistes aveuglés par leurs a-priori et leur idéologie - que la monnaie ne jouait pas son rôle premier celui de 'faciliter les échanges'.

Cette monnaie, la monnaie officielle, celle qui est évaluée en euros, en dollars ou en yuans, n'est donc pas au service de l'économie réelle, physique, celle qui se concrétise par un niveau de vie sinon correct pour tous, du moins en amélioration pour tous, avec un chômage sinon complètement disparu, du moins en diminution constante.

Bien au contraire, au lieu d'être à son service, elle apparaît comme l'une des causes majeures, sinon LA cause essentielle, du marasme actuel, et de la dépression qui s'annonce comme étant la plus grave depuis plusieurs générations.

Ce constat, difficile à réfuter étant fait, et avant d'y apporter des éléments de solution pour tenter de sortir de la crise actuelle (Revenu Minimum de Dignité -RMD - et monnaie alternative ou parallèle "au service réel de l'économie réelle"), je voudrai préciser ce que je pense être les causes essentielles de cette défaillance du système monétaire, en dehors de tout ce qui a été dit sur les 'responsabilités' et les 'responsables' de cette crise.

Pour moi, les causes de la crise - indépendamment, je le précise encore une fois du type de système plus ou moins 'libéral' dans lequel nous sommes (et qu'il est toujours loisible de critiquer, ou d'encenser, ce n'est pas ici le débat)- sont à chercher dans les autres rôles que l'argent a acquis au cours des âges.

De la valeur 'non économique' d'une monnaie.
Au delà de son rôle 'étalon de valeurs' , (cf l'école post-ricardienne de Sraffa), à partir du moment où la monnaie n'a plus été considérée essentiellement, comme par les physiocrates, comme un simple élément de lubrification des rouages de l'économie réelle, mais bien comme une marchandise particulière ayant une valeur intrinsèque en tant que telle, le ver était déjà dans le fruit. Comme nous le reverrons, la plupart des expériences monétaires alternatives porte sur le fait d'éviter toute thésaurisation de la monnaie-argent, sur le fait d'en faire, comme toute autre marchandise, une denrée 'périssable' - seul son temps de péremption varie suivant les auteurs.

Il serait évidemment stupide de nier, sous prétexte que ce sont des effets pervers, que la monnaie traditionnelle, censée être garantie par la collectivité - représentée par l'état ou d'autres autorités de tutelle - a de tout autre rôle que d'être un simple étalon servant à fluidifier les échanges et à éviter ainsi une économie qui se réduirait à une économie de troc. On peut cependant simplifier ces autres rôles en les ramenant à être de simples conséquences du rôle suivant: être une 'réserve' de valeur. D'où les fameux arguments de Keynes sur le concept de trappe à liquidités. Lorsque l'argent, censé fluidifier les échanges, ne circule plus, ou plus assez, les échanges eux-même sont perturbés.

L'inflation, comme moyen d'auto-régulation d'un système monétaire.
Bien entendu, à l'inverse, c'est à dire s'il y a 'trop de monnaie' - mais ce 'trop' doit toujours être évalué à l'aulne de la production réelle, ou potentielle, de biens et de marchandises - ou si cette monnaie circule 'trop vite', les prix des marchandises produites vont augmenter eux aussi, et la valeur intrinsèque de la monnaie en tant que 'réserve de valeur' diminuera. M. Allais soutenait à ce sujet que le seul taux 'raisonnable' d'inflation était de 2%, et rendait d'ailleurs responsable de l'inflation le système monétaire actuel.

Je pense bien sûr qu'il faut aller beaucoup plus loin, et ne pas compter sur une auto-régulation du système pour éviter soit les dépressions - pas assez de monnaie 'circulante' - soit l'inflation - trop de monnaie 'circulante' - soit la stagflation- monnaie mal répartie.

Le principe des monnaies alternatives et de l'argent sans intérêt.

Pour éviter la tentation de thésaurisation, nombre d'innovateurs monétaires ont suggéré, comme en 1931-1933 en Autriche, à Schwanenkirchen et à Worgl, comme dans les années 1950 en France, à Lignières en Brie ou à Maurans, une monnaie fondante, ou monnaie 'accélérée', que l'on n'aurait aucun intérêt - c'est le cas de le dire - à thésauriser. Une telle monnaie perdrait automatiquement de sa valeur chaque mois (1% pour le cas de Worgl), ou chaque trimestre. D'où la tentation évidente de la dépenser au plus vite, pour ne pas être sujet à cette décote. Ces expériences, certes locales, ont réussi, jusqu’à ce que le pouvoir central ne les interdise.

Un tel système monétaire pourrait être accompagné de prêts sans intérêt, ou d'intérêt minimal, inférieur dans tous les cas à 1%. Là encore, aucun prêteur n'aurait 'intérêt' à prêter de façon inconsidérée, puisque le montant gagné lors d'une telle opération ne serait pas vraiment incitatif.

On aurait ainsi un véritable 'service public', ou au moins un service 'collectif', les émetteurs de tels prêts - que ce soit en monnaie fondante ou non, étant obligés d'anticiper la richesse produite par ces prêts sans intérêt avant de pouvoir prêter. Au lieu de ne prêter qu'aux riches, on ne prêterait ainsi qu'à ceux qui auraient des idées 'crédibles', des projets 'viables', sans spéculer sur la hausse éventuelle de tel ou tel marché de valeurs, mobilières ou immobilières.

Qui pourrait émettre cette monnaie alternative?
J’ai mentionné plus haut le véritable rôle de ‘service public’, au sens de service destiné pour la collectivité, pour le bien être collectif, d’une monnaie qui aurait pour seul rôle d’être un instrument facilitant les échanges dans une économie industrialisée moderne.

Il se trouve que l’Etat français, qui a délégué par ailleurs à des banques privées, sans véritable contrôle, le soin de ‘battre monnaie’ – par le biais de crédits porteurs (pour la banque) d’intérêts sans lien réel avec le développement de l’économie, a failli dans cette tâche de service public.

Je suggère donc que ce soit la collectivité, peut être au niveau ‘prototypal’ d’une région – il ne manque pas de régions ‘socialistes’ en France – qui émette une monnaie ‘alternative’, le franc PACA, ou le franc ‘Midi-Pyrénées, ou tout autre franc régional, monnaie qui aurait pouvoir libératoire au niveau de la dite région.

On peut imaginer qu’au niveau de cette région, des représentants paritaires des entrepreneurs (côté Production ou ‘Offre’) et des consommateurs (côté Consommation ou ‘Demande’) décident tous les mois du montant de ‘franc régional’ à émettre, en fonction d’un côté de la situation des capacités de production non utilisées – et donc de l’emploi – de l’autre, des besoins les plus urgents et non satisfaits des consommateurs.

Cela aurait pu être imaginé au niveau des Antilles, si cette région n’était pas sous perfusion depuis des années, sans possibilité rapide d’arriver à un minimum d’autonomie économique.

RMD et monnaie alternative.
Toujours dans le scénario d’une monnaie alternative régionale, une des missions sociales de la région étant de distribuer les allocations de RMI, je suggère – je remercie à ce sujet un internaute pour cette idée - que la région concernée commence à instaurer de façon complémentaire le RMD (Revenu Minimum de Dignité) à l’ensemble de ses ressortissants, RMD qui pourrait être émis en monnaie franche régionale, tout en remplaçant le RMI. Bien entendu cette monnaie, pas nécessairement convertible en euro, devrait être rendu légale par l’autorité de tutelle, au moins au niveau de la région considérée.

L’Etat français est-il capable de déléguer cette création monétaire locale à une région, alors qu’elle l’a fait sans aucun remords, sur le plan national, et sans véritable contrôle, à des banques privées ? L’avenir, là encore, nous le dira.

La preuve par l'exemple, ou comment inciter l'Etat à bouger.
Pour décider l'Etat à bouger, ou en attendant qu'il bouge, on peut aussi utiliser le subterfuge allemand, pour pouvoir battre monnaie 'légalement'. Il suffit de créer une association rassemblant entreprises et ménages, comme dans l'expérience du Chiemgauer.
Dans le cadre de cette association vous échangez chaque euro contre une monnaie 'alternative' - le chiemgauer, ou le franc associatif tartempion - qui perd 2% de sa valeur par trimestre, mais chaque adhérent de l'association est incité à accepter ce franc associatif, et donc à le faire circuler le plus vite possible.

LA preuve par l'exemple, en quelque sorte. Tout vaut mieux que de se lamenter sur les 2% de décroissance qui attendent la France si l'on ne fait rien...

A suivre…