lundi 23 février 2009

RMD et monnaies communautaires: des pistes pour une sortie de crise?

Le RMD, monnaie de singe?
Parmi les pistes évoquées pour sortir de la crise economico-financière actuelle, celle de la relance de la consommation, en particulier par le biais de l'instauration d'une allocation universelle, de type du du RMD (Revenu Minimum de Dignité) a été parfois évoquée.

Un certain nombre de questions m'ont été posées à ce sujet, dont certaines concernaient son financement, et plus particulièrement le problème de création monétaire qui semblait sous-jacent. Dit autrement, serait-ce la planche à billets de l'Etat qui fonctionnerait ainsi, transformant peu à peu une belle et noble idée, celle du RMD, en vulgaire monnaie de singe?

Le RMD vu comme un crédit de l'Etat aux consommateurs.
Rappelons tout d'abord, sur le plan financier, ou comptable, que le RMD 'national' - qui peut varier d'un pays à un autre - correspondrait annuellement à un peu moins du 1/4 du PIB national, soit environ 400 milliards d'euros annuels. Rappelons pour mémoire que des Organismes internationaux comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International évaluent à quelques 4 à 5000 milliards d'euros la somme que les USA devront mobiliser pour tenter de sauver leur système banco-financier, montant plus important, en monnaie constante, à celui que ce même pays a consacré à ses efforts de guerre durant la deuxième guerre mondiale. Précisons aussi que pour garantir les actifs de leurs trois principales banques, l'Allemagne a déjà mobilisé l'équivalent 130% de son PIB(en lignes de crédit, certes, pas en 'cash', il n'empêche).

Pour finir de rassurer - ou d'inquiéter encore davantage le lecteur - je précise encore que les 400 milliards d'euros nécessaires pour financer annuellement le RMD français ne correspondent en fait qu'à un montant 'net' d'environ 110 milliards d'euros, puisque de nombreuses prestations sociales, dont l'allocation logement, l'allocation familles nombreuses, le RMI et le RSA, devraient être supprimés.
Ces 110 milliards d'euros, même si cela représente évidemment un montant très important, ne correspondent donc, en fait qu'à 6% du PIB annuel 'normal' de la France.
On passe ainsi d'un financement brut d'environ 30% du PIB (pour obtenir 23% alloué universellement)à un financement net - par l'impôt ou tout autre méthode à débattre - d'environ 9% du PIB, si on enlève les allocations sociales classiques dont il ne faut évidmment pas compter deux fois le financement.

Monnaie et Echanges "Etat to Consommateurs-citoyens".
Le financement a priori de ces 110 milliards 'nets' peut être considéré comme une avance sur consommation, un crédit fait par l'Etat, non aux banques, non aux entreprises, mais aux particuliers, aux 'ménages'.
C'est une 'avance', sans intérêt, qui sera financée par la collectivité nationale dans son ensemble, par un taux constant, unique, d'environ 23% (brut) sur tout ce qui sera produit, comme biens ou services, en France pendant l'année considérée. C'est une monnaie que l'on pourrait qualifier de monnaie "EtoC", Etat vers Consommateur-Citoyen, pour reprendre la terminologie utilisée habituellement pour les échanges sur internet ("B to C" pour Business to Consumer, "B to B" pour Business to Business).

Cette avance, pour être efficace, et pour ne pas correspondre à de la poudre aux yeux ou à de la monnaie de singe, repose sur une double condition.

Tout d'abord sur la confiance que la collectivité accorde à chacun de ses citoyens, au sens où cette collectivité imagine que, puisque le RMD est un pourcentage fixe d'une production variable, le PIB national, ceux qui le peuvent contribueront réellement à produire cette richesse collective, alors même que le RMD est accordé à tous, sans conditions.
Ensuite, le RMD, ou plus précisément son financement, repose sur une anticipation (de demande solvable aurait dit Keynes).
De fait, le RMD, dans sa grande majorité, servira à consommer des biens et services produits par le secteur privé, permettant à ce dernier, atteint d'un début de 'sinistrose' comme l'ensemble de nos concitoyens d'augmenter sa production, en réduisant par là-m^me le chomâge, partiel ou total.

D'autres types de création monétaire sont évidemment envisageables, comme je l'ai indiqué il y a quelque temps en rappelant la fable de la "Dame de Condé" ou du "sieur de Laroque". Cette fable illustrait un concept, celui d'une 'monnaie franche' BtoB, Business To Business, dont quelques exemples réels, certains très récents, ont été rappelés par l'économiste belge Bernard Lietaer, un des 'pères' de l'Euro.

C'est ainsi que dans un pays réputé sérieux, en particulier pour tout ce qui concerne l'argent, je veux parler de la Suisse, une monnaie non officielle circule pourtant, au vu et au su de l'état fédéral, depuis 75 ans, 1934. Il s'agit de la monnaie WIR, qu'utilise actuellement près de 60 000 PME helvétique, et qui correspond à un montant de 'crédits' - quasiment sans intérêt - d'environ 1 milliard et demi d'euros.

Une monnaie franche au secours des PME?
Le concept est des plus simples, comme dans l'histoire, imaginaire celle-là, de Condé. Reprenant les idées de Sylvio Gesel, certains esprits innovants ont voulu lutter contre l'effet nocif de thésaurisation de la monnaie (la 'trappe à liquidités' de Keynes).
Suivant le vieil adage 'la mauvaise monnaie chasse la bonne', une monnaie sans valeur intrinsèque autre qu'un instrument de compte est mise en circulation, en lieu et place de la 'vraie monnaie', mais, cette fois, ce vieil adage fonctionne de façon positive. La monnaie dite 'sans valeur' (c'est à dire non estampillée par un puissance tutélaire officielle) crée du mouvement.
C'est ainsi que dans l'expérience helvète "En 1934, devant la pénurie d’argent liquide, plusieurs petits patrons zurichois ont mis en place un système parallèle pour assurer leurs échanges commerciaux. Ces hommes s’inspiraient de plusieurs penseurs du libéralisme économique. De la théorie de la privatisation de la monnaie de Friedrich Von Hayek et de celle de l’argent neutre de Silvio Gesell notamment". Le plus remarquable, c'est que cette expérience a encore cours en ce moment, et est encore tolérée par l'état fédéral helvétique.

Une monnaie sans valeur intrinsèque.
L'argent, ou plus exactement la monnaie de type WIR, ne produit pas d'intérêt en elle-même. Certains utopistes pensent même qu'une véritable monnaie 'au service unique de l'économie' devrait être une monnaie 'fondante', un peu comme une marchandise périssable, afin qu'il n'y ait aucun intérêt à la thésauriser (ce fut d'ailleurs en général le rôle de l'inflation, comme l'a fort bien montré Maurice allais et d'autres économistes réputés libéraux). Keynes disait à ce sujet que l'inflation était l'euthanasie des rentiers.
Sans aller aussi loin, la "Banque WIR" prête, dans le cadre de sa sphère d'influence - essentiellement des PME - à moins de 1%, parfois à taux zéro, une monnaie particulière, le WIR. Ce n'est donc pas de la véritable monnaie, le franc suisse en l'occurrence. Cette monnaie repose essentiellement sur la confiance que les emprunteurs et les prêteurs s'accordent mutuellement. On retrouve bien ici l'éthymologie du mot 'crédit' - 'credo', 'je crois', 'je fais confiance' -.
Cette confiance repose en général sur des relations de proximité, liées à une anticipation de croissance de la production et de la consommation.

A côté donc du RMD, monnaie liée à la confiance que l'Etat se devrait de développer vis à vis de ses citoyens, on voit donc apparaître, dans un pays pas vraiment connu pour sa solidarité intrinsèque - peut être à tort - l'expérience d'une monnaie 'économique', officieuse, liée cette fois à la confiance que les entreprises se font entre elles. D'autres expériences liant d'autres groupes ou communautés pourraient donc aussi s'imaginer, et devraient sans doute l'être en tant que remèdes à la crise économique, financière et bancaire actuelle. On peut aussi se reporter à l'initiative contemporaine française de la Monnaie SOL.

Sur ce point, l'imagination ne demande qu'à être au pouvoir, d'autant plus que l'on retrouve en ce domaine des personnages aussi variés que l'utopiste Gesell et l'économiste libéral M. Allais, qui affirme son rejet viscéral de toute rémunération correspondant à des 'revenus non gagnés'. Et s'il y a bien ici un 'revenu non gagné' - qui ne mérite donc aucun 'profit' - c'est bien de l'argent qui n'aurait qu'un seul m"rite, celui d'exister. Dans un billet précédent, je souhaitais que le taux d'intérêt des banques envers les entreprises soit proche du taux de croissance de l'économie, et que le taux d'intérêt des prpets à la consommation ne dépasse pas 2 à 3 fois ce taux (au lieu des taux usuraires pratiqués couramment). Ici, on va encore plus loin, puisqu'en dehors d'un taux d'intérêt très minime - moins de 1% - la monnaie 'officieuse' ainsi prêtée ne donne lieu à aucun versement d'intérêt. Ce véritable 'service public' - qu'il survienne ou non entre des acteurs privés n'est pas la question - est donc gratuit.

Et l'Etat dans tout cela?
Si l'Etat était vraiment au service de ses citoyens, de nous tous en fait, de telles expériences auraient du rencontrer auprès de lui un véritable soutien. Une relance de l'économie sans subsides de l'Etat, donc sans creuser les déficits publics, le rêve...Il se trouve que, historiquement, de telles tentatives - à la seule exception de la Suisse - ont été combattues avec la plus extrême des vigueurs par les autorités publiques. Que l'on pense aux dollars émis par les colonies britanniques américaines au moment de la guerre d'indépendance, jusqu'à la république de Weimar dans les années 1930.
On peut en donner deux explications principales. Tout pouvoir central considère que le droit de 'battre monnaie' est un droit régalien - qui lui permet de plus de financer des dépenses que ce même pouvoir juge indispensables - sans qu'il ait parfois envie de demander à ce sujet l'avis du 'bon peuple'. Toute création de monnaie faite en dehors de son autorité est considérée comme un crime capital, passible naguère des galères ou de la déportation. Nous ne parlons pas ici de fausse monnaie: il ne s'agit nullement de contrefaire les billets officiels, euros, ou francs suisse. Ce pourrait être des billest d eMonopoly, ou des jetons de poker, ou des grains de sel, dont une certaine communauté accepterait l'usage. Cette 'monnaie officieuse' n'a donc nul besoin d'être 'convertible' en monnaie officielle pour être valable. Elle repose 'simplement' - si l'on peut dire - sur la confiance que les participants à cette communauté se font les uns envers les autres. On pourrait rapprocher cela de diverses expériences de type SEL (Systèmes d'Echanges Locaux), m^me si ces derniers sont plus 'localisés' (géographiquement: à l'échelle le plus souvent d'une simple commune, et sociologiquement: réunissant le plus souvent de simples particuliers échangeant des services de type bricolage ou aide à la personne).

Le deuxième écueil est celui d'échanges 'hors circuit économique' que l'on a vite fait d'assimiler à du travail gris ou noir. Il n'y a pas en effet de problèmes pour facturer des travaux en euros ou en dollars. Mais si l'on se met à facturer dans une monnaie sans existence légale, en WIR ou en grains de blé, comment taxer cet échange. Il y a bien sûr des solutions, on peut imaginer une conversion fiscale entre des WIRs et des francs suisses, afin de permettre à l'Etat de prendre sa part à des transactions dans lesquelles il n'a joué aucun rôle. Mais dans ce cadre le roi apparaît nu. a quoi sert l'Etat dans ce cas. De plus tout Etat, en particulier l'état français, est paranoïaque. Pour lui, tout citoyen est un fraudeur en puissance. Alors, des échanges monétaires sans l'Etat, vous n'y pensez pas. On préfère donner cette possibilité de création monétaire à des banques officielles, qui manient, elles, l'escroquerie à grande échelle. On peut toujours les re-nationaliser, après tout. Cela ne change évidemment pas le montant des escroqueries ou des erreurs de gestion, montant astronomique comme on l'a vu plus haut.

Affaire à suivre donc...

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