vendredi 30 janvier 2009

Pouvoir d'achat et emploi vont de pair

Pouvoir d’achat et emploi vont de pair.
Je suis rarement d’accord avec la CGT, et en particulier avec ses slogans. Mais les faits sont là. La France s’enfonce de plus en plus vite dans une crise globale, et bientôt plus personne ne va pouvoir se risquer à en prévoir le dénouement, et encore moins contrôler son évolution.

Chacun s’est déjà exprimé sur les causes, réelles ou supposées, de cette crise, en y mêlant plus ou moins subtilement sa propre idéologie. Mais désigner des responsables – spéculateurs avides, banquiers irresponsables, capitalistes sans scrupules, syndicalistes corporatistes, anarchistes sans projets, gouvernants aveugles, collaborateurs paresseux, manageurs incompétents, j’en passe sûrement – ne nous avance pas vraiment, la nature humaine étant ce qu’elle est.

Du pain et du travail pour tous.
Je vais plutôt repartir du dernier slogan de la CGT : du pain et du travail pour tous (en oubliant ‘juste’ l’idéologie sous-jacente : mort aux patrons), car il correspond, je pense, à la fois à un véritable objectif, et à une sortie de crise pour tous.

Soyons clairs. Il ne s’agit pas de se rallier à une théorie économique quelconque – mes billets précédents ont tenté de montrer que l’économie n’était pas une science – et donc d’appeler les mannes de Keynes ou de Marx ou de Schumpeter à la rescousse, mais de partir du constat que chacun peut faire.

La production industrielle a diminué en France de plus de 13%, les capacités automobiles sont sur-excédentaires, le chômage est en train d’exploser, la récession annoncée pour la France dépassera 1% (et sûrement plus, si rien n’est fait), en Allemagne et en UK on annonce plus de 3% de récession, la croissance de la Chine va passer de 10% à un petit 2%.

Les réformes (nécessaires) envisagées ne sont pas d’actualité.
Chacun sent bien que cela ne peut durer. Je ne suis pas contre la majorité des réformes annoncées pendant la campagne présidentielle. Mais continuer à annoncer imperturbablement un train de réformes gouvernementales qui n’auront aucun effet économique à court moyen terme, en dehors d’exaspérer et d’angoisser un peu plus les français, est une grave erreur.

Que l’on pense, ou non, que les structures actuelles de la France sont obsolètes et archaïques n’a donc pas beaucoup d’importance « ici et maintenant ». Il s’agit de rendre enfin de l’espoir aux millions de français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, aux millions de travailleurs pauvres, aux millions de chômeurs, cela me semble être le devoir de tout gouvernement digne de ce nom, qu’il soit de droite, du centre, ou de gauche.

Un jeu pitoyable entre les banques et l’état.
L’état dit prêter de l’argent aux banques, les banquiers répondent qu’il leur faut regonfler leurs fonds propres (dilapidés par qui ?) avant de pouvoir prêter à « l’économie réelle », pendant que les français regardent, scandalisés, les montants colossaux que cela représente.

« Aboule le fric » a-t’on envie de hurler. Au lieu de cela, l’Elysée fait les gros yeux, et demande aux patrons des banques un peu de retenue dans leur rémunération pharamineuse. La solution, juridique ou non, était cependant simple : les banquiers qui ont failli doivent être licenciés. Un bon patron doit être bien payé, un mauvais, dehors. Qu’ils aillent dont porter plainte après cela, leurs comptes seront enfin mis en évidence, et leurs erreurs de gestion aussi.

Une relance économique indispensable, consommation et investissement.

Les salaires ne peuvent sans doute pas être augmentés de façon globale par des entreprises déjà exsangues, contrairement à ce que suggère la CGT. Il est pourtant indispensable de relancer le pouvoir d’achat, en reprenant cette fois la demande de ce syndicat.

Au lieu donc de prêter, ou de donner, des dizaines ou des centaines de milliards aux banques – qui tels Harpagon se contentent de les thésauriser – donnons les directement aux français, sans passer par les entreprises. C’est le but du RMD, 35 milliards par mois, ce n’est pas rien, mais en substitution à beaucoup d’aides sociales, et en complément de salaires, cela aura un impact direct et rapide sur le pouvoir d’achat, et donc le pouvoir de consommer, et, par conséquence, sur la santé des entreprises dont le carnet de commandes s’est réduit comme peau de chagrin.

Cette mesure n’aura aucun impact inflationniste, puisque les entreprises tournent à 70 à 80% de leurs capacités, et encore, et stoppera net l’évolution apocalyptique du chômage. Ces entreprises pourront recommencer à espérer dans l’avenir, du moins celles qui produisent des biens et services correspondant à ce que souhaitent acheter les consommateurs potentiels, dont le pouvoir d’achat se verra ainsi brutalement augmenter de 625 euros par mois, et ce de façon permanente.

Cela n’efface évidemment pas les faiblesses éventuelles de l’appareil productif français, en particulier au niveau des infrastructures routières, et surtout ferroviaires et énergétiques. En ce qui concerne ces investissements, l’Etat peut lui aussi intervenir de façon massive, en collaboration avec les collectivités territoriales. Mais là encore, pas besoin des banques, si elles persistent dans leur mauvaise volonté.

Trois problèmes subsistent : déficit commercial, déficit budgétaire, et traités européens.
Je reviendrai sur ces trois points dans des billets ultérieurs.

Qu’il suffise ici de dire qu’en ce qui concerne le déficit commercial, déjà abyssal, cela n’a pas vraiment empêché G.W. Bush, ni sur ce point B. Obama, de prendre des mesures de relance ‘colossales’ – même si elles ne reprennent pas l’idée du RMD.

En ce qui concerne le déficit budgétaire, il ne sera guère plus important en finançant directement les français qu’en finançant la création monétaire des banques, surtout lorsque ces dernières ne jouent pas le jeu.

Quant à la solidarité européenne et aux éventuels règlements auxquels de telles mesures contreviendraient éventuellement, deux débuts de réponse. Le RMD pourrait être institué au niveau européen (25% du PIB de chaque pays y étant consacré), et la relance de l’économie française ne peut être qu’une bonne nouvelle, si des mesures similaires sont prises au niveau européen. Il ne s’agit nullement de prendre des parts de marché à l’Allemagne ou à l’Espagne ou à l’Italie, mais de faire en sorte que l’ensemble du marché européen croisse, si possible en direction de développement durable et écologique, c'est-à-dire respectueux de l’environnement, et plus encore des êtres humains qui y vivent.

vendredi 2 janvier 2009

De l'instauration d'un Revenu Minimum de dignité

Ce billet reprend, en l'actualisant, une note parue il y a près de quinze ans dans "De Karl Marx à Bill Gates".

J'avais à l'époque hésité avant d’écrire ce qui va suivre. Entre rester au niveau des grandes idées - et fuir ainsi toute controverse - ou entrer dans le concret - au risque d'être contredit sur certains détails, qui feraient oublier l'essentiel, est un choix difficile.

La crise actuelle, profonde, et le contexte socio-politique actuel m'ont cependant poussé à prendre position, et donc à entrer dans le vif du sujet.

Le Revenu Minimum de Dignité que je propose - certains lui ont donné d'autres noms, tels le Revenu Minimum d'Existence de Y. Bresson (cf aussi un projet de loi de C. Boutin, en mars 2003), ou le 'Citizen Income', défendu au niveau européen par le 'BIEN' (Basic Income European Network)- est un Revenu 'Universel' que toucherait chacun de nos concitoyens, et qui se subsistuerait à la plupart des revenus sociaux, en particulier le RMI et le RSA.

De la faisabilité d'une telle mesure.
L'intérêt d'une telle mesure est évident, au moins pour tous ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les 625 euros mensuels que je propose (deux adultes, qui toucheraient ainsi 1250 euros, pourraient ainsi "s'offrir" la maison à 15 euros journaliers de C. Boutin) ne sont certes pas la panacée, mais ce chiffre paraît à la fois possible (il correspond au quart du PIB moyen français de 2008) et suffisamment utile pour sortir la majorité des exclus de leur misère.


Les personnes concernées :
Nous ne vivons plus dans un monde clos. Mais, pour le moment, la notion de citoyenneté reste encore vivace, les débats récurrents sur le concept de nationalité française, de droit du sol et de droit du sang sont là pour l’illustrer, au moins au niveau de notre hexagone national. Le Revenu Minimum de Dignité que je propose peut (doit ?) s’appliquer à tout être humain, mais il me semble qu’il faudrait initialement considérer trois catégories différentes de personnes. Il ne s’agit pas de hiérarchiser ces catégories, mais de déterminer concrètement les façons d’instaurer efficacement ce Revenu Minimum de Dignité.

Je propose donc de différencier les nationaux français, les nationaux européens, et tous les autres, mais en utilisant la même règle d’attribution : chaque individu, quel que soit son âge, son sexe, son ethnie, sa religion, pourrait disposer – à très court terme (j’y reviendrai) – de l’équivalent mensuel, net d’impôts, du ¼ du PIB unitaire de son propre pays. Cela correspondrait à 625 ou 630€ net par mois pour un français, un peu plus pour un allemand, beaucoup moins, hélas, pour un ougandais. Le principe de solidarité est le même, mais dépend des possibilités de la communauté à laquelle on est rattaché. Ceci reste vrai quel que soit son lieu de résidence.

Pour un européen résidant en France, et en tenant compte des règles communautaires – à faire éventuellement évoluer – on pourrait suggérer qu’il y ait une participation des Etats plus riches pour que le revenu minimum de dignité distribué par la communauté française soit augmenté d’une participation de l’état européen concerné, à charge de réciprocité. Pour un non-européen, africain, asiatique, américain du sud là encore, des accords bilatéraux, éventuellement sous l’égide de l’ONU, pourraient être ignés.
Il est évident, en effet, que la France ne peut, à elle seule, assurer un Revenu Minimum de Dignité pour l’ensemble du monde. En revanche, elle peut le proposer au monde entier, et a les moyens de le promulguer pour ses 65 millions de ressortissants. Tout ceci demanderait sûrement à être aménagé, amendé, modifié, mais voilà la première grande piste d’action, très concrète, et qui ne demande ‘que’ de la bonne volonté pour être rapidement appliqué.

La période de transition.
De nombreuses allocations aux personnes, et plus encore de subventions aux associations, aux organismes, aux collectivités, aux entreprises, ont pour objectif de venir en aide, directe ou indirecte, à une multitude de cas particuliers. L’énergie consommée à cet effet est considérable, sans que l’efficacité de l’ensemble de ces mesures soit réellement démontrée. L’Etat s’occupe, directement ou indirectement, de redistribuer, d’une façon que de nombreux experts de tout bord, nationaux ou étrangers, jugent relativement inefficace, plus de 55% de la richesse nationale. Je propose que l’état se contente de redistribuer, mais de façon à la fois directe et efficace, 25% du revenu national, ou plus exactement du PIB.Si l'ensemble de la population est concernée, cela signifie que pour financer le RMD, tout autre revenu devra être imposé à hauteur de 33%.

Il ne sera plus question de mobiliser une armée d’experts et de conseillers fiscaux pour déterminer si telle personne, compte tenu de N paramètres, a droit à telle ou telle allocation. Chacun y aura droit, non pas de la Maternelle à l’Université, mais de sa naissance à sa mort, en tant qu’être humain.

Suivant sur ce point l'avis de l'association sociétalisme, je suggère que le barême pour un enfant soit un peu différent, et que le RMD 'enfant' soit en moyenne la moitié de celui d'un adulte: à 5 ans, ce serait les 5/8 du RMD adulte, à 17 ans, les 17/18 du RMD adulte, la majorité étant à 18 ans en France. Pour un couple qui aurait deux enfants de 7 et 11 ans, le RMD familial serait ainsi de 1875 euros, nets d'impôts. Les moins de 18 ans représentant 20% de la population, cela signifie que le financement nécessaire sera plus proche de 28% d'impôts que des 33% indiqués plus haut.

Quels seront les gagnants, et les perdants?
Certains pourront paraître désavantagés, en particulier ceux qui cumulent déjà diverses allocations sociales. Le RMIste célibataire, avec ses 448 euros mensuels, s'il touche par ailleurs 200 euros d'autres allocations, pourrait sembler y perdre. Mais un couple de RMIstes touchera 1250 euros - au lieu de 672 actuellement, ses éventuels autres allocations ne couvrant sûrement pas la différence. De plus, le RMIiste ou l’allocataire ASSEDIC de longue durée ne sera plus dissuadé de rechercher un travail qui lui plairait, mais qui lui ferait perdre son RMI. Ce seul fait risque de changer totalement la donne du chômage, et rendra caduque la loi sur le RSA.
D'autres gagnants seraient les couples de personnes âgées, qui ne bénéficieraient que du minimum vieillesse 633 euros pour une personne seule (elle perdrait 8 euros), 1135 pour un couple (qui gagnerait 105 euros).

Combien de temps faudrait-il pour appliquer une telle mesure?
Je prétends qu’on peut le faire à l’intérieur d’une même législature, et peut-être même en nettement moins de 5 ans. La première année, seraient concernés en priorité tous les individus sans travail qui, s’ils sont seuls, perçoivent moins que le RMD, ou, s’ils sont en couple, perçoivent moins de 2 fois le RMD (même règle pour les familles, en tenant compte du nombre de personnes à charge). Eradiquer la misère des sans emplois en un an, ceci est possible – du moins pour les ressortissants français et sans doute européens - et cela est nécessaire.

Sur le plan international, car la solidarité et la dignité, individuelle et collective, sont évidemment trans-frontières, ce principe du RMD devrait aussi faire l’objet d’une proposition à l’UNESCO. En moins de trois ans, en étendant le RMD à l’ensemble de la population, la misère la plus sordide devrait être complètement éradiquée de notre pays, et nous pourrions alors être fiers de l’exception française, et de son rayonnement humaniste, un peu plus de deux siècles après la déclaration universelle des droits de l’homme.

En guise de conclusion, les raisons de l'universalité' du RMD.
Certains peuvent trouver choquant qu'un Rockfeller puisse prétendre au même RMD qu'un SDF. Je pense pourtant qu'il est essentiel à la dignité que ce RMD soit attribué à tous, un peu comme pour la blouse grise 'standard' de nos écoliers de 1900.

Ne nous trompons pas de combat. Le droit à la dignité ne signifie pas nécessairement que le travail de chacun a la même utilité économique. Un rabbin, un imman, un prêtre, un travailleur social, un bénévole des Restos du coeur ont une énorme utilité sociale, leur utilié économique est plus discutable, à moins bien sûr que l'on pense que tout est dans tout.

Dit autrement, face au droit inaliénable de tout individu de se sentir réellement “ respecté ” par la communauté dans laquelle il vit, faut-il pour cela que l’Etat vide la caisse provenant des contribuables actuels ou futurs par des aides à l’emploi reconnues de plus en plus inefficaces et coûteuses? Chacun sait, ou croit savoir, que la répartition des revenus est liée à la répartition du travail. Chacun sait aussi que certains revenus du travail, comme le SMIC, sont fort peu incitatifs pour ceux qui les perçoivent, et considérés comme trop importants par ceux qui doivent les financer, entreprises ou Etat.

Ce type de débat, certes important, ne doit pas faire oublier l'essentiel: tout individu, quelque soit son rôle purement 'économique' a un droit inaliénable à sa dignité. L'instauration du RMD peut y contribuer. Nul ne se sentira 'dévalorisé', ou 'humilié', du fait de percevoir ce RMD, puisque chacun y aura droit, Marie, comme Sarah, Pierre comme Mohammed. Au delà de ce 'minimum', à chacun selon sa contribution économique, quelque soit le mode de production envisagé, libéral ou non, c'est un tout autre débat.