vendredi 6 février 2009

N. Sarkozy face à la crise... trop classique

La relance Sarkozy, classique, cohérente, mais insuffisante.
Ayant écouté avec attention, comme des millions de français, l’émission « N. Sarkozy face à la crise », les mesures annoncées m’ont paru cohérentes, innovantes parfois, mais imaginées dans un cadre trop classique, une relance par l’investissement, associée à des mesures sociales relativement importantes.
N’étant ni extrémiste ni idéologue (du moins, je l’espère), je souhaiterai évidemment que ces mesures suffisent pour arrêter la spirale dépressive de l’économie française – et des français – mais je crains fort que ce ne soit pas le cas.

Loin de moi l’idée de prêter des arrière-pensées aux initiateurs de ce plan. Ce sont sûrement des gens compétents, et je n’ai aucune raison de mettre en doute leur honnêteté, ou leur désir sincère de venir en aide à nos compatriotes, et en particulier aux plus faibles d’entre eux. Les mesures prises en direction du chômage partiel, ou des jeunes jamais encore employés, ont évidemment une portée sociale indiscutable.

Face à une crise mondiale, il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin.
La plupart des commentateurs et experts économiques comparent, au mieux, la crise actuelle à la crise de 1929, situation aggravée par le phénomène de la mondialisation, le monde entier étant touché par ces mouvements de récession. Les mesures ‘classiques’ à l’époque avaient mis une dizaine d’années – et encore – pour remettre le système sur ses rails. Certains historiens pensent d’ailleurs que la guerre de 1939-1945 en était une des conséquences, quelle que soit la folie d’Hitler et la mégalomanie de Staline.

Les interrogations et les querelles d’experts actuelles reposant sur le même débat ‘classique’ « Consommation vs Production », ou « Offre vs Demande », je crains donc que la sortie de crise risque d’être aussi douloureuse que celle de 1929, même si on peut espérer que nos gouvernants et nos experts soient plus attentifs qu’alors à l’impact des mesures proposées, et plus susceptibles de s’ajuster plus rapidement aux aléas de la conjoncture, du fait aussi des moyens d’information mis à leur disposition.

Du pain pour tous …
Comme vu dans un précédent billet, la CGT réclamait du pain et du travail pour tous. Le travail, je ne sais pas si c’est vraiment possible, mais du pain (et un toit) pour chacun, et des activités pour tous, activités marchandes ou non marchandes, ce n’est pas seulement souhaitable, c’est impératif. Dans un pays comme la France, il serait scandaleux qu’il en soit autrement.

Consommer plus pour produire plus.
La première conséquence économique du RMD (Revenu Minimum de Dignité) est d’assurer une stabilité minimale – que certains jugeront insuffisante – à la ‘demande solvable’ de chacun de nos concitoyens : 1250 euros pour un couple sans enfants, la même chose pour une femme seule avec deux enfants, s’ils sont garantis à vie, cela peut changer quelque peu la donne.

Je ne suis pas contre la formule « travailler plus pour gagner plus », même si je préfère la formule « travailler mieux pour produire mieux », mais dans ces temps de récession, il me semble que le cycle infernal, défiance-baisse de la consommation-baisse de la production-crise doit à tout prix être brisé. Lorsque l’on a peur, on ne se rue pas dans les magasins pour acheter, on essaye de survivre, quitte même à épargner, lorsqu’on le peut encore, en vue d’un contexte futur que l’on peut craindre encore plus difficile. Lorsque la production industrielle s’effondre de 10%, lorsque le chômage s’aggrave de 220 000 personnes en 4 mois – en dépit des mesures de chômage partiel, et même si c’est pire en Espagne ou en Italie – il n’y a vraiment pas de quoi faire la fête. Les dépenses d’impulsion chères à nos ‘marketteurs’ ne sont plus d’actualité.

Pour une relance ‘révolutionnaire’ de la consommation.

La relance de la consommation, mais une relance ‘révolutionnaire’, pas à l’ancienne, une relance garantie par un pouvoir d’achat minimal stable me semble donc, encore et toujours, indispensable.
Il s’agit non seulement d’anticiper sur la sortie de crise, mais de la susciter, en donnant de l’argent – la création monétaire, si elle est raisonnée, et donc raisonnable, c’est fait pour anticiper sur une croissance future – à ceux qui sont le plus susceptibles non seulement d’en avoir un besoin impératif mais aussi de l’utiliser très rapidement. C’est l’objectif du RMD, qui en période pleine devrait concerner l’ensemble de la population française, mais qui dans une période transitoire pourrait être affecté en premier aux plus faibles et aux plus démunis.
Si la consommation augmente, certaines chaînes de production vont être relancées, le chômage partiel diminuera, certains emplois pourront même être recréés, même si je ne crois pas vraiment à un chômage à taux zéro dans un avenir prévisible, d’où mon bémol au slogan de la CGT.

N’étant pas totalement candide, je ne suis pas sans savoir qu’une telle mesure – permanente et non transitoire, cette permanence est indispensable si l’on veut restaurer la confiance, indispensable pur le bon fonctionnement de tout système socio-économique – va attirer de multiples critiques, concernant en particulier le déficit commercial et le déficit budgétaire.

Quid des déficits ?
En dépit d’une croissance encore faiblement positive, le déficit commercial s’est encore accru en 2008 de 15 milliards d’euros, pour atteindre près de 56 milliards. Certains bons esprits affirment, données économétriques à l’appui, que toute consommation supplémentaire irait pour les 2/3 à l’étranger, contre seulement 1/3 pour les entreprises françaises. Les statistiques servent peut être à éclairer le passé, surtout lorsque celui-ci est stable, mais pour prévoir l’avenir, il en va tout autrement.

Raisonnons donc par l’absurde. L’avenir sera pour partie ce que nous déciderons collectivement d’en faire. C’est vrai pour le réchauffement climatique, c’est vrai pour le développement durable, c’est aussi vrai, partiellement du moins, pour la situation économique de notre pays, cinquième puissance mondiale selon notre président lui-même.

Le RMD étant adossé sur le PIB, et donc, rapidement dit, sur la production des entreprises françaises, chacun comprendra que c’est cette production française qu’il faut privilégier, si l’on veut pérenniser le niveau proposé du RMD (25% du PIB moyen). Est-ce que cela changera la donne ? Nul ne peut le dire avec certitude, on peut seulement l’espérer. Mais vu que le déficit commercial se creuse depuis 4 ans, en période de vaches de moins en moins grasses comme en période de vaches maigres, autant essayer des mesures vraiment nouvelles et originales, surtout lorsqu’elles ont pour objectif premier de redonner Dignité et Espérance aux millions d’exclus.

Le déficit budgétaire de la France, s’il sera impacté initialement par l’instauration du RMD, puisqu’il faudra trouver initialement 100 à 200 milliards d’euros, ne devrait pas augmenter à moyen terme.
De fait, le financement demandé correspond à une simple avance, puisque le RMD sera, en année pleine, financé entièrement par un prélèvement de 30 à 33% sur les ‘revenus gagnés’, dans un contexte, espérons le, de croissance retrouvée. Précisons encore que si l’on passe d’une récession de 2% à une croissance de 2%, sur les trois prochaines années (c’est mon estimation optimiste de la durée ‘normale’ de la crise, si l’on se contente des solutions ‘classiques’), on gagne ainsi 4 points en moyenne de PIB, soit 72 milliards par an sur 3 ans.

Sortir de la crise, c’est donc possible. Nos gouvernants auront-ils la sagesse d’être ‘révolutionnaires’ dans leurs décisions, je ne peux que l’espérer.

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