jeudi 26 février 2009

Entrepreneurs et consommateurs, meme combat pour sortir de la crise

Ce titre, Entrepreneurs et consommateurs, même combat, pourra sembler provocateur à certains, surtout pour les adeptes de la lutte de classes. Que nenni.

Ce billet a pour but de montrer que, dans un contexte où l'Offre comme la Demande sont en train de s'effondrer - on annonce un million de plus de chômeurs fin 2009 pour la France, le double ou le triple en Espagne ou en Italie, l'Allemagne semblant être dans un cas intermédiaire, même si leurs possibilités de rebond sont peut être plus grandes - les entreprises ont tout intérêt à coopérer avec leurs consommateurs potentiels, et vice versa.
Ce n'est pas en tout cas en attendant le secours de l'Etat que les entreprises - patrons comme salariés - pourront s'en sortir, mais bien en s'attaquant à bras le corps à leurs problèmes de débouchés, si l'Etat leur en laisse, ou s'ils en saisissent, l'opportunité.

Le problème de la demande solvable.
Keynes, en son temps, s'était déjà attaqué à ce même problème, celui d'une défaillance simultanée de l'Offre - capacités de production excédentaires - et de la Demande - insuffisance d'une consommation 'solvable'. Ce n'est évidemment pas un problème technique: les capacités de production et les besoins de consommation sont toujours là. Les vieilles recettes ont toutes été utilisées, sans beaucoup de succès en confortant ainsi le vieil adage de Jean Cocteau, cité dans le Point par C. Imbert :"Il n'y a pas de précurseurs, il n'existe que des retardataires". On a vraiment l'impression qu'en politique économique, c'est bien le cas. Le bon sens voudrait pourtant que si on peut produire, et si l'on veut acheter, on devrait bien trouver une solution. Les fameux 'grands travaux' de Keynes avaient cet objectif, même si d'autres solutions, sans doute plus iconoclastes, mais que je crois plus efficaces, auraient pu être envisagées, j'y reviendrai.

Où sont passés nos milliards?
De fait, si on regarde les choses en face, et si on laisse, là encore, parler le bon sens, en essayant de faire taire toute idéologie, la situation paraît assez simple.

La crise financière a détruit des milliards de valeurs, au sens où, par exemple, la valeur boursière de la plupart des banques a été divisé par 3 ou 4, certaines ayant même disparu. Sans entrer dans une querelle de chiffres, on peut estimer que les banques françaises ont vu ainsi leur valorisation diminuer de plusieurs centaines de milliards en 18 mois,(BNP-Paribas est ainsi passée d'une valorisation de 108 milliards de dollars à 32,5 milliards, début janvier 2009, la Société Générale de 80 à 26, le Crédit Agricole de 67 à 17) même chose pour les entreprises du CAC 40.Pour les banques américaines, c'est pire encore: les actifs toxiques qui leur restent encore - après les 500 milliards de perte déjà comptabilisés- non encore totalement évalués, sont estimés par McKinsey à plus de 2000 milliards (de dollars).

Est-ce pour cela que nos entreprises ont vu leur capacité de production diminuer dans les mêmes proportions? Évidemment non, même si, après quelques mois de chômage technique partiel, certaines capacités de production de certaines usines pourraient finir par se trouver amoindries. Que signifie donc cette perte de valeur boursière, d'abord pour un petit épargnant, puis pour les entreprises et les banques elles-même?

Valeurs immatérielles et cautions réelles.
En fait, pour celui qui a acheté une action 50 euros, et qui a vu cette action culminer à 100, pour tomber à 10, on peut évidemment dire qu'il a perdu 40, pas 90. Si d'ailleurs il n'avait pas vendu, on pourrait même dire qu'il n'aurait rien perdu.
Ces gains et ces pertes ne sont que potentielles
- évitons d'utiliser le mot 'virtuel', qui pourrait être compris différemment. Sauf bien sûr que cette richesse potentielle, de 100 euros ou de 50 euros, a pu permettre à notre petit épargnant de cautionner des dépenses qu'il n'aurait peut être pas pu faire autrement. On lui a fait confiance lorsqu'il pesait '100', s'il ne pèse plus que '10', il est regardé différemment.

Donc ces modifications 'potentielles' des cours boursiers, et donc de la valeur se son portefeuille, peuvent avoir un impact direct sur son comportement 'réel', dans la 'vraie vie'.

Si maintenant on regarde le point de vue de celui qui achète l'action, qui a valu 100 mais qui ne vaut plus que 10, la situation est différente. S'il achète 10, c'est parce qu'il pense que le cours va remonter. Mais, pour répondre à la question posée plus haut, les milliards qui ont disparu - même si ce n'était que des milliards potentiels - ne sont allés à personne.
Le monde, du moins celui des différentes bourses et marchés financiers de notre planète, 'anticipait' une certaine valeur, cette valeur est 2 à 3 fois moindre que précédemment, cela aurait pu s'arrêter là. Sauf que...

Le problème du surendettement gagé sur des valeurs mobilières.
Sans refaire l'historique des sub-primes, rappelons simplement que de nombreux américains se sont endetté de façon démesurée (on le savait a priori) et déraisonnable (on ne l'a constaté qu'après) pour acheter leur maison en tablant sur le fait que le marché immobilier allait continuer à croître plus vite que leur propres remboursement.
Ce n'est qu'à partir du moment où la tendance s'est retournée que des millions d'américains se sont aperçu du problème. Aucun arbre ne peut croître jusqu'au ciel: c'est vrai pour la bourse, mais c'est vrai aussi pour tout marché spéculatif, dont celui de l'immobilier.
Bien sûr, là encore, les maisons concernées n'ont pas perdu toute valeur, elles offrent encore un habitat - tant que leurs propriétaires potentiels n'ont pas été jetés dehors et remplacés par des squatters, qui n'apportent évidement pas le même soin à conserver en l'état le dit habitat.

Faillite et rachat menacent banques et grandes entreprises.
Les banques, dont la valeur boursière a chuté de 10 à 80%, ont deux gros problèmes. Elles peuvent être rachetés pour une 'bouchée de pain' - quelques dizaines de milliards quand même - d'où le malaise de leurs dirigeants, qui aimeraient bien rester maître chez eux - en plus de la rémunération 'pharaonique' dont ils disposaient souvent, et qu'un changement de 'gouvernance' risque de remettre en cause. Par ailleurs, du fait que certains de leurs actifs 'toxiques' ne valent quasiment plus rien, elles se retrouvent en fort mauvaise posture vis à vis des fameux ratios de liquidité et de solvabilité qu'elles ne respectent plus vraiment. Il est vrai que c'est ce qui les a sauvés, puisque pour éviter toute panique bancaire: 'les petits épargnants se précipitant en masse pour tenter de récupérer en liquide leurs économies' - l'Etat a décidé de garantir les fonds déposés jusqu'à concurrence de 70 à 100 000 euros par compte.
Pour les entreprises non financières du CAC40, même si la faillite est encore loin, des OPA hostiles ne seraient pas à écarter, d'où là encore l'engagement financier de l'Etat à leur égard.

On arrive ainsi à la situation ubuesque suivante. L'état va s'endetter encore plus - déjà 35 milliards pris auprès de prêteurs français ou étrangers - pour donner de l'argent (20 à 40 milliards, suivant les sources), et pour en garantir 10 fois plus (320 milliards), à des banques dont le métier de base est de faire marcher une économie, en crise profonde, alors même que ces banques ont oublié ce premier métier pour se lancer dans des opérations de plus en plus hasardeuses.
Face à cela, on ne constate quasiment aucune aide en destination des entreprises et des ménages, je veux parler plus particulièrement des PME et des ménages les plus modestes.

La boucle est ainsi bouclée. L'Etat français consacre de l'argent, de la monnaie 'étatique'- en s'endettant - pour compenser des pertes potentielles, immatérielles, correspondant à l'effondrement des cours de Bourse. Alors même que l'économie réelle, correspondant à des entreprises réelles, à des gens réels, producteurs comme consommateurs, est en train de s'effondrer. Cela ne semble pas gêner nos experts et nos gouvernants.

D'où le titre de mon billet. Puisque la monnaie 'officielle', l'argent 'étatique' ne va pas, ou quasiment pas, aux Entreprises et aux Ménages, pourquoi ne pas proposer, à ces mêmes Entreprises et Ménages, de s'entendre entre eux pour créer une monnaie alternative, qui, celle-ci, correspondrait vraiment aux possibilités et aux capacités de production des entreprises, et aux besoins des consommateurs. Les questions posées par l'instauration de cette monnaie, ou de ces monnaies, communautaires, territoriales, feront l'objet d'un prochain billet.

Transférons les garanties de l'Etat des banques aux PME.
Précisons enfin que, dans ce scénario, celui d'une entraide mutuelle entreprises et ménages - un scénario de "méga-coopératives" en fait - le seul effort demandé à l'état serait le suivant.
Que l'Etat , au lieu d'apporter sa garantie aux banques qui ont failli dans leur rôle premier, consente à transférer cette même garantie à toutes les PME dont le seul défaut est de compter sur leur banque pour les aider dans leurs problèmes de trésorerie et de financement: cela pourrait se concrétiser, ou s'accompagner, par un moratoire de 6 à 9 mois de toutes les dettes consacrées par les entreprises vis à vis des banques et de l'État lui-même. Cela économiserait par là-même les milliards supplémentaires consacrés par l'État à une prise de participation - complètement absurde dans mon scénario (et même dans d'autres)- de l'ensemble Caisse d'Epargne- Banques Populaires.

Pour éviter que cette garantie ne s'adresse aussi aux canards boiteux - il y en a aussi parmi les entreprises - on pourrait imaginer qu'au niveau de chaque région, ou de chaque bassin d'emploi - une structure rassemblant à proportion égale entrepreneurs et consommateurs soit créée, un éventuel médiateur, sans droit de véto, pouvant être choisi par les collectivités territoriales ou par l'état lui-même.

Mais le point important est le suivant: si les entreprises et les ménages ne prennent pas en mains leur propre destin, la crise dans laquelle est en train de s'enfoncer la France - et l'Europe - sera une crise comparable en intensité, en durée, et en 'dommages collatéraux', à celle de 1929: 160 millions de morts, dus au nazisme et au communisme - et à quelques autres idéologies totalitaires - ce n'est pas rien.

L'Etat doit savoir agir, mais aussi s'effacer parfois.
Nos gouvernants auront-ils la sagesse d'agir, et de laisser d'autres acteurs agir, en ce sens, rien n'est moins sûr. L'État a certes un grand rôle à jouer, ne serait-ce qu'en instaurant le RMD (Revenu Minimum de Dignité), mesure sociale s'il en est, tout en laissant aux acteurs économiques le rôle dans lesquels ces derniers sont compétents - mesure libérale celle-ci.

Il lui restera aussi le soin de réfléchir avec l'ensemble de nos concitoyens, à l'avenir et à la place du service public, vaste sujet lui aussi. Mais se contentera t-il de ce rôle, ou tel l'hydre mythologique aux multiples têtes, ne voudra t-il pas intervenir en tout et partout, à temps ou à contre-temps?

L'avenir nous le dira..., en sachant que le futur résultera aussi de ce que nous en ferons.

1 commentaire:

Aurel a dit…

Le RMD c'est aussi le Revenu minimum euroopéen que propose Europe Ecologie mais aussi l'allocation universelle proposéé par les populistes libéraux d'Alternative libérale.

Il serait que l'Etat mette en place le RMD car il y a une grande urgance sociale actuellement avec beaucoup de gens toute catégorie sociale confondu excepté une minorité de milliardaires tel que Dassaud et Lagardère qui vraiment besoin d'aide pour vivre suffisamment.

Le Rapport Hirsch de 2005 évoquait justement l'allocation universelle. Hirsch dans ses anciennes fonctions aurait-il laissé cette bonne idée ou vas-t-il un jour la ressortir sur le tapis. Il serait grand temps en tout cas!