mercredi 1 octobre 2008

subprimes, fantasmes, mirages et exces de la mutualisation

Je suis comme tout le monde je pense. Si je pouvais gagner beaucoup, sans risques, je laisserais peut être ma haute moralité de côté, et je le ferais.

Malheureusement - ou heureusement pour mon éthique, parfois chancelante devant tous les mirages de la société moderne - le bon sens - qui devrait être la qualité la mieux partagée - ne m'a pas encore complètement fait défaut.

Je me suis heurté il y a plus de trente ans à mes collègues financiers sur un problème de fond, (concernant le MEDAF: Modèle d'Evaluation des Actifs Financiers) que l'on peut simplifier ici en disant " dans les (trop) bonnes affaires, il y a toujours (au moins) un perdant ". Depuis lors, j'ai toujours gardé en ce domaine la m^me conviction. Cela m'a permis de ne jamais croire que la bourse pouvait durablement monter davantage que le taux de croissance réel de l'économie - corrigé du taux d'inflation.
Cette évidence - pour certains du moins - devrait être gravé dans le marbre sur le fronton, numérique ou concret - de toutes les bourses du monde.
Là encore, le bon sens dirait "le marché ne peut battre le marché", quel que soit le sens plus ou moins magique que l'on donne à ce marché.

Une des rares choses, ou lois, que l'on a en économie est bien celle là. Sur le moyen-long terme, l'économie réelle reprend le dessus, et le taux d'intérêt (réel) sans risques est égal au taux de croissance de l'économie dans son ensemble, 'toutes choses égales par ailleurs'. Mais quelles sont ces choses censées être égales?

Tout d'abord, et c'est le plus important, le taux de partage entre salaires et profits. Il est clair que sans être adepte de la lutte des classes, si les 'travailleurs' voient leur part respective se réduire par rapport à celle des 'rentiers', cela signifiera simplement que les rentiers gagnent plus que le taux de croissance, et que les 'travailleurs' gagnent moins.

De même, à l'intérieur d'une même catégorie (mais c'est statistiquement moins visible) les parachutes dorés des 'mauvais' grands patrons - que l'on n'éjecte pas vraiment durement - diminuent la part 'normale' des salariés 'lambdas'. C'est évidemment scandaleux, mais vu le petit nombre de grands patrons, et le très grand nombre de salariés lambdas, cela ne joue qu'à la marge.

Dans la crise actuelle, qui est partie, comme chacun sait, d'une stagnation, puis d'une chute vertigineuse, en accélération constante, du marché de l'immobilier (essentiellement neuf) aux USA, là encore le bon sens n'a vraiment pas joué.

De fait, on a voulu faire croire - machiavéliquement ou non - là n'est pas la question, qu'en jouant dans deux catégories à la fois, salarié en tant qu'emprunteur, rentier en tant que futur propriétaire d'un bien que l'on imaginait devoir se revaloriser sans cesse dans un proche futur, on était 'sûr' de son coup. Et comment résister à de telles sirènes, l'occasion était trop belle, surtout quand la perche semblait sociale, puisque offerte aux plus démunis?

Ce mécanisme 'magique' reposait, bien sûr, sur le fait que la croissance de l'immobilier allait continuer, cette croissance, de plus, s'effectuant à un taux supérieur au taux de croissance global de l'économie. Chaque emprunteur pensait ainsi avoir trouvé la fameuse pierre philosophale médiévale. Au lieu de transformer du plomb en or, c'était de la pierre, mais peu importe.

Le scandale repose évidemment sur le fait que les banquiers, non seulement se soient prêtés au jeu, mais l'ont encouragé, en se gardant bien, croyaient-ils, de prendre le moindre risque, puisqu'ils ont 'titritisés' les hypothèques les plus douteuses, souvent à prix d'or, sans vraiment se demander qui allait finir par payer. Ils sont pourtant censés avoir fait des études leur disant que le 'raser gratis' n'existe pas, même dans la défunte U.R.S.S. S'ils ne sont pas idiots - ce que je crois - c'est qu'ils sont foncièrement malhonnêtes, et/ou que l'appât du gain leur a fait oublier toute prudence.
O certes, ils se croyaient bien assurés, un autre mirage, celui de la mutualisation, mais quand tout s'écroule, on est bien obligé de revenir aux seules valeurs concrètes, celles de l'économie réelle.

Les premières victimes sont évidemment les gens sur-endettés, dont le principal tort est d'avoir cru leurs banquiers - le mirage d'un boom immobilier éternel et la nécessité, parfois, de trouver à se loger pour les plus modestes leur ont fait oublier le plus élémentaire bon sens -.
Les deuxièmes victimes, c'est sans doute nous tous, qui vivons de l'économie réelle qui a besoin d'un certain niveau de liquidités, et plus encore de confiance, pour continuer à se développer. Les troisièmes sont les banquiers: ce ne serait pas très grave, penseront certains, si l'on n'était pas obligé de renflouer leurs banques. Espérons que ce ne sera pas en offrant des parachutes dorés à leurs patrons 'ripoux', plus pourris sans doute que les obligations du même nom, qui vont peut être finir par payer, au lieu d'offrir comme boucs émissaires, ou victimes expiatoires, des Kerviel dont le seul tort a été de vouloir jouer dans la cour des grands.

Si cette crise, dont les victimes, directes ou indirectes, vont se compter par centaines de millions, pouvait ouvrir les yeux des politiques qui disent nous gouverner, et ramener un peu de bon sens dans la tête de nombre d'imprudents, ce ne serait pas une mauvaise chose, même si c'est chèrement payé. En rugby comme en économie, on parle souvent des fondamentaux. Revenons-y, de grâce, LE fondamental étant l'économie concrète, c'est à dire les entreprises et ceux qui y travaillent et en vivent, directement ou indirectement.

On parle parfois de voile monétaire, qui se comporte ces derniers mois comme une chape de plomb. Comment a t'on pu nous convaincre, convaincre le monde, que l'on pouvait durablement gagner davantage avec des produits financiers ou bancaires qu'avec des produits tirés 'de la terre et du travail des hommes'? Les financiers, les banquiers, les gouvernants et les enseignants sont certes responsables, mais personne ne nous force à être crédules et à perdre toute lucidité.

Personne, sauf peut être l'homme avide qui sommeille en chacun de nous, et qui croit sans doute être plus malin que les autres, et pouvoir gagner davantage sans se fatiguer.

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