Idéologies et Science Economique.
Au risque de paraître enfoncer des portes ouvertes, les doctrines et théories économiques véhiculent toutes une idéologie sous-jacente, quand ce n’est pas des dogmes purs et durs.
Etant sans doute plus candide que la plupart, ce fut un choc pour moi de constater, au cours d’une querelle entre deux théoriciens, P. Samuelson de Cambrige (Boston :USA) et J. Robinson de Cambridge (U.K.) que ce fut le plus idéologue des deux qui l’emporta – et qui obtint le Prix Nobel d’Economie. Le sujet n’était pourtant pas sans intérêt, puisqu’il portait sur la justification théorique de la rentabilité du capital, et donc sur la justification du partage des revenus entre salaires et profits.
La seule ‘vérité’ en ce domaine n’était ni technique, ni scientifique, mais sociale. Le partage salaires-profits est ‘indéterminé’, c’était du moins la position – que personne n’a pu contredire ‘scientifiquement’ – de Joan Robinson, disciple de J.M. Keynes. Certains ont cru pouvoir tirer de cet argument une justification de la lutte des classes, en oubliant ‘idéologiquement’ le rôle des entrepreneurs dans le système productif, qu’il soit plutôt ‘capitaliste’ ou plutôt ‘communiste’.
La Science Economique n’existe pas.
En fait, même si de grands scientifiques ont abordé les thèmes économiques, il n’existe pas réellement de Science Economique. J’irai même jusqu’à dire qu’il ne peut exister une telle Science, au sens où aucune science ne devrait être idéologique.
La physique atomique peut revendiquer le qualificatif de science – même si cela n’implique pas que les physiciens soient tous des scientifiques – car elle peut être ‘objective’, le sort des particules élémentaires, des bosons ou autres quarks ne préoccupant pas grand monde, au contraire de celui des êtres humains, voire des chiens et des chats.
Au contraire, en ce qui concerne les sciences humaines, et plus particulièrement l’économie, l’objectivité totale est exclue, puisqu’il est impossible d’assurer une totale indépendance entre l’observateur et les phénomènes observés.
Cela n’enlève rien, bien sûr, à la qualité de l’analyse de certains grands économistes du passé, D. Ricardo, J.S. Mill, K. Marx, Schumpeter, Keynes. C’est ainsi que l’on doit à Karl Marx une analyse extraordinaire du développent du capitalisme industriel du début du XIXème siècle. Mais sa vision d’une société sans classes était évidemment purement idéologique, voire dogmatique, puisque ne correspondant à rien de ce que l’on savait déjà à l’époque de la nature humaine. Un des plus lucides à ce sujet s’avère sans doute être Keynes, qui n’a jamais réellement prétendu que l’économie était une science, mais un ensemble de bouts de théories et de boîtes à outils.
Libéralisme vs. Economie planifiée.
A l’occasion de la crise actuelle, financière, monétaire puis économique, certaines querelles dogmatiques, que l’on espérait dépassées, ont revu le jour, en particulier sur le rôle, bénéfique ou non, du libéralisme – assimilé sans vergogne au capitalisme.
Les faits sont pourtant têtus, aux dires même de Lénine (qui savait pourtant les oublier, quand ces mêmes faits le dérangeaient). Le libéralisme, au moins jusqu’à aujourd’h,ui, et en dépit de sa myopie, et des dégâts sociaux qu’il a parfois entraînés s’est montré plus efficace – il faudrait certes mieux définir cette efficacité – que tout autre système économique, en particulier ceux à base de planification étatique.
Mais cela ne justifie nullement que ce libéralisme soit le meilleur système possible, en tout cas cela n’a pas été ‘démontré’ scientifiquement, et cela ne pourra jamais l’être – pour les raisons exposées plus haut.
La carte n’est pas le territoire
Une des premières idées que je tente de faire passer à mes étudiants quand j’aborde la question de la modélisation, c’est que aucun modèle ne peut couvrir tous les aspects de la réalité, et donc que ‘la carte n’est pas le territoire’.
Le plus grand danger étant d’oublier l’objectif du modèle et les a-priori (voire l’idéologie) sous-jacents.
On connaît bien sûr les tares en ce domaine des modèles économiques néo-classiques, celui de l’équilibre général en particulier. Mais le modèle hongrois, et son application soviétique, de l’économie planifiée est sans doute pire encore, car il repose sur une méconnaissance totale – volontaire ou non – de la nature humaine, à savoir la volonté égalitaire des êtres humains.
A. Smith misait sur l’égoïsme individuel – réalité indiscutable – pour essayer de construire un optimum collectif – ce qui est évidemment une gageure. Mais miser sur un altruisme individuel pour aboutir à un optimum collectif, même si ce but apparaît plus noble, est à l’évidence stupide. L’homme a plusieurs facettes, il n’est ni démon, ni ange, et un modèle, ou des actions concrètes, qui ne prendraient pas cette dualité en compte ne peut que conduire à des catastrophes.
Chassons donc l’idéologie de nos pensées, ou si ce n’est pas possible sachons la reconnaître, pour éviter de faire croire à l’homme de la rue, au citoyen ordinaire, à vous et à moi, que les experts ‘savent’, et que le ‘bon sens populaire’ ne peut rien comprendre aux ‘grands évènements’ de notre temps. Ce n’est qu’à cette condition que la confiance – peut être limitée, et sous conditions – peut revenir. Et la confiance, c’est ce dont on manque le plus en ces moments de crise.
Dans le cas contraire, les idéologies se révèleront effectivement le ‘meilleur ennemi’ de l’économie.
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