mercredi 17 décembre 2008

Fin de l'histoire, ou fin du capitalisme?

Les prophètes en général, les Cassandre en particulier, sont rarement bien accueillis. Cela tombe bien, je n'ai nullement l'intention de faire des prophéties. Comme chacun sait, si tout un chacun se sent capable de refaire l'histoire - parfois hélas en la récrivant plus ou moins complètement - c'est beaucoup plus difficile, voire impossible, de prévoir l'avenir: c'est bien dommage, en particulier pour tous les experts ou prétendus tels.

La chute du mur de Berlin.
Certains ont cru voir dans la chute du mur de Berlin la fin de l'histoire. Ce qui est plus vraisemblable, c'est que c'est la fin d'une histoire, la confrontation bloc contre bloc, comme finalement dans toute l'histoire où se sont affrontés plusieurs empires, avec des armes similaires. Dans le conflit type "guerre froide", c'était idéologie contre idéologie, capitalisme contre communisme, libéralisme contre plan, mais surtout "muscles" contre "muscles", production (en particulier d'armes) contre production. Sur ce dernier plan, l'inefficacité notoire de la planification soviétique a fini par apparaître au plein jour: il n'y a qu'à voir la différence qu'il pouvait y avoir entre l'ex Allemagne de l'Est et celle de l'Ouest.

Le capitalisme ayant vaincu par abandon de l'adversaire, et n'ayant plus de repoussoir faire-valoir, certains ont décrété la fin de la partie. C'était sans compter sur la malice de l'histoire, et les capacités adaptatives des hommes. en effet, alors que, historiquement, le libéralisme, dans sa version la plus ancienne - celle du capitalisme industriel - était censée être liée à des pratiques démocratiques - la mondialisation allait changer tout cela. Qui aurait pu prétendre, il n'y a guère que 15 ans, que après 40 ans de maoïsme, la Chine allait prendre l'essor qu'elle connaît actuellement, tout en restant sous la loi d'airain d'un parti unique tout puissant. Sans être un expert de la Chine, je ne crois pas que les droits de l'homme aient progressé de concert avec la formidable expansion économique de ce pays. Faut-il en conclure que le développement actuel de la Chine est un indicateur de ce qui attend l'ensemble du monde: un système productif efficace, mais qui semble se soucier comme d'une guigne des droits sociaux et des atteintes, parfois irrémédiables, faites à l'environnement.

Après le capitalisme, quoi donc?
Après le mouvement "anti-mondialiste", transformé - avant que le ridicule ne tue cette dénomination - en mouvement alter-mondialiste - ce que tout un chacun peut admettre, dès lors qu'on peut mettre ce que l'on veut derrière, voilà qu'on annonce, ou qu'on réclame, la fin du capitalisme.
Il est malheureusement plus facile, et sans doute plus rassembleur, d'être contre quelque chose que de proposer autre chose. A ma connaissance, je ne connais qu'une petite équipe qui s'est efforcée d'aller jusqu'au bout de ces idées 'anti-capitalistes', en proposant un système, sans aucun doute critiquable sur de nombreux points, mais intéressant, je veux parler du "sociétalisme" cher à Holbecq. Certaines de ses idées sont issues du distributisme, d'autres essaient de démonter le système monétaire 'occidental', en reprenant l'idée d'une monnaie liée à la consommation - qui a montré ses limites dans l'économie soviétique.
L'idée de son Revenu d'Existence - que j'avais proposé sous une autre forme il y a 15 ans sous la forme du Revenu Minimum de Dignité - n'est pas non plus sans intérêt.

Le capitalisme est-il réformable?
Mais en dehors de cette tentative, fort louable, de construire un système qui pourrait peut être s'envisager - ou en tout cas que l'on peut critiquer, et amender - les tenants purs et durs de l'anti-capitalisme ralliés autour de notre postier national ne proposent rein, sinon de l'anti.

De nombreuses voix se sont élevés contre les dérives du capitalisme - dérives ou défauts intrinsèques, on peut en discuter - et en particulier contre les dérives du capitalisme financier actuel. En fait, je ne pense pas que le capitalisme soit véritablement réformable, au sens où il y aura toujours des scandales et des injustices. On peut cependant le réguler, et éviter ainsi les crises qui ont parsemé les 20 dernières années.

Faire la chasse au capitalisme financier : pour l’euthanasie des spéculateurs
Comme je l’ai écrit par ailleurs, à partir du moment où l’homme et sont travail sont les oubliés du système, des systèmes, et où l’on pense – comme les modèles financiers – que l’argent va à l’argent, indépendamment du contexte économique, on court à la catastrophe, économique, sociale, et politique. Une façon de réguler le capital, c’est bien de le taxer, fortement, voire uniquement, et de ne pas taxer, ou très peu, le travail. Il est faux que le ‘capital’ a un mérite en soi, qui permettrait à ses détenteurs de ‘réclamer’ son dû. Ce n’est pas seulement l’euthanasie des rentiers qu’il faut réclamer, mais l’euthanasie des investisseurs, dès lors que ces derniers pensent pouvoir retirer de leurs économies ou de leur épargne – justement ou injustement gagnée, peu importe ici – plus que ce que produit l’économie réelle. Les modèles informatiques construits sur des théories financières abstraites ont fait perdre la tête à des pseudo-experts croyant tout connaître, ou incapables de reconnaître qu’ils ne maîtrisent plus leurs propres modèles. Que des milliards d’euros aient été perdus par des investisseurs grugés par Maldof ne me semblerait qu’un juste retour des choses : croire que l’on peut gagner durablement plus que 2 ou 3 fois le taux de croissance réel de l’économie est évidemment stupide : si on est le seul, c’est possible, cela s’appelle délit d’initié, si des millions le pensent, c’est tout bonnement débile. Mais les ravages qu’un tel scandale va faire sur l’économie réelle, ou ce qui en reste, sont difficilement calculables.

Pour un ‘encadrement’ des rendements.
Je ne sais pas s’il est possible de revenir au capitalisme entrepreneurial – je ne suis pas sûr qu’il ait vraiment existé. Mais je n’ai pas la même antipathie pour celui qui va investir jusqu’à sa chemise pour mettre sur pied un projet auquel il tient que pour celui qui a confié 10 ou 20 millions d’euros à un fonds d’investissement lui ‘garantissant’ du 10%. Une recette, pour terminer. De même que je juge condamnable le fait de prêter de l’argent à un taux usuraire, de même je pense qu’il devrait être interdit de faire miroiter à des investisseurs potentiels des gains potentiels sans aucun rapport avec ce que l’on peut attendre de l’économie réelle. Si l’économie croît à 4%, aucun rendement ne devrait être proposé à plus du double – l’escroquerie n’étant jamais loin – aucun prêt non plus – l’exploitation étant évidemment là. Dans les deux cas, on exploite la crédulité ou la faiblesse, soit des emprunteurs, soit des épargnants. C’est sans doute moins grave à court terme pour les épargnants, à long terme les dégâts sont aussi importants.

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