lundi 17 novembre 2008

Des fonds souverains a la francaise

N. Sarkozy est un magicien. Un magicien des mots, tout d'abord, car il a l'art de reprendre au bond des idées , même s'il les détourne parfois de leur sens originel, un magicien des actes, aussi, car il lance des propositions d'action en moins de temps qu'il n'en faut au PS pour continuer à se ridiculiser dans sa guerre des chefs, des sous-chefs, des courants, des motions, au moment même où la France entière se demande ce que la crise va lui apporter, et plus encore lui enlever.

Au delà de cette magie, qui montre à l'évidence une grande intelligence politique de notre président, que reste-t'il, en dehors d'une admiration pour son activisme et ses talents de leader - pas toujours appréciés par ses collègues chefs d'Etat ou de Gouvernement.

Un fonds souverain, késaco?
Les fonds souverains ou fonds "d'état", sont connus depuis longtemps, mais ont été remis au goût du jour par les émirats et plus généralement par les pays pétroliers riches en devises et pétro-dollars. Ils désignent en fait tous les fonds d'investissement détenus par un état. Les fonds en "pétro-dollars" (875 milliards de dollars pour les seuls Emirats Arabes Unis)représentaient en 2008 les 2/3 des fonds souverains globaux, dont le montant est lui-même estimé à 2800 milliards d'euros, ou encore 1,5% du montant total les titres financiers mondiaux (actions, obligations et dépôts bancaires). On prévoyait, avant la crise, leur doublement en 4 ans, leur quadruplement d'ici 2015.

Les fonds souverains, un moyen d'action, défensif ou offensif?
Ils ne jouent pas tous le même rôle, certains, comme les fonds norvégiens (près de 300 milliards d'euros), sont par ailleurs en train d'évoluer, d'un rôle 'financier' classique - prise de participation dans diverses entreprises internationales - à un rôle plus innovant : soutien d'entreprises du secteur de la biodiversité et énergies renouvelables. On peut cependant les classer en deux catégories: les fonds offensifs, comme les fonds chinois, qui prennent ou tentent de prendre des participations dans des grandes entreprises internationales, le plus souvent américaines (ce qui aide ainsi, par ailleurs, les USA à rééquilibrer leur balance des paiements). Et les fonds défensifs, dans lesquels on pourrait ranger le projet de fonds français, ont pour but affiché d'empêcher des prédateurs indésirables d'acquérir - à bon compte en cas de baisse importante du marché boursier - une part importante des entreprises nationales.

Que faut-il penser du fonds souverain à la française?
Une première caractéristique, qui n'a évidemment pas échappé aux critiques, est son mode de financement. Les fonds souverains existant reposent tous - à l'exception peut être du fonds chilien (8 milliards d'euros seulement, dont une bonne part composée d'un fonds de retraite) - sur des excédents en devises ou au moins sur un excédent de la balance commerciale, jamais sur des déficits budgétaires ou commerciaux.
La deuxième propriété de ce fonds, annoncé par N. Sarkozy en octobre 2008, est d'avoir d'abord été imaginé par un ex-premier ministre socialiste, L. Fabius. Cela ne rend pas nécessairement stupide le projet, mais les critiques, ou prétendus tels, ne se sont évidemment pas privés d'en déduire que les idées du président français, bonnes ou mauvaises d'ailleurs, étaient rarement originales.
La vraie question cependant, est celle-ci: un tel fonds est-il utile? Si la réponse est positive, une deuxième question s'ensuit: un tel fonds est-il possible, vu le contexte économique français actuel?

De l'utilité d'un fonds souverain français.
L'objectif global de ce fonds, tel du moins que je l'ai compris, est assez clair. Il s'agit de venir en aide aux entreprises françaises, et par là-même à l'économie française. En tant que français, il est évidemment difficile d'être en désaccord avec un tel objectif, que ce soit ou non le rôle traditionnel de l'etat, du moins si un tel objectif peut être atteint.
Mais les quelques précisions apportées semblent insuffisamment précises, et peut être m^me contradictoires. Ainsi dire qu'il faut soutenir 'massivement' les entreprises stratégiques demanderait, pour être compris, quelques exemples concrets. S'il s'agit de défendre les entreprises du CAC40, pourquoi ne pas le dire, même si cet objectif, certes préférable au renflouement systématique des banques, ne m'apparaît pas essentiel. Si c'est pour empêcher d'éventuels prédateurs, on peut restreindre le droit de vote des actionnaires étrangers, ce dont ne se privent ni la Chine, ni les USA quand cela les arrange.
Si c'est, par ailleurs, pour refaire le plan calcul, de triste mémoire, en 'soutenant' de façon analogue l'industrie des semi-conducteurs, ce serait encore pire. L'etat peut preter de l'argent, voire même devenir actionnaire, mais, de grâce, laissons aux véritables entrepreneurs le soin d'entreprendre/ il s'agit de les aider à entreprendre, pas d'entreprendre à leur place.
Si, à l'inverse, ce fonds souverain a pour mission essentielle d'aider les PME, les bassins d'emploi et les pôles de compétence et de compétivité à se développer dans des secteurs porteurs - tels le Développement Durable, les énergies renouvelables, le re-développement des territoires (qui peut pesser par le financement d'infrastructure routières et surtout ferroviaires, le haut débit numérique, voire des structures d'acceul touristique) - alors ce serait une très bonne nouvelle.

Un fonds souverain français est-il possible?
Les finances de la France ne sont évidemment pas au mieux, mais si l'objectif stratégique défini plus haut: aider les PME et les territoires à de développer dans des secteurs porteurs, et relativement protégés d'une concurrence frontale, on pourra toujours trouver l'argent nécessaire. N'oublions pas que la création monétaire a pour but d'aider l'économie à se développer 'raisonnablement'. Et je continue à penser qu'il est plus raisonnable d'aider directement les entreprises - et les ménages, mais ceci est une autre question - que de compter sur les banques - autres acteurs monétaires - pour cela. Toute création monétaire doit être justifiée, certes, mais quelle meilleure justification que de soutenir des industries ou des services d'avenir, plutôt que de subventionner des banques qui ont perdu toute crédibilité et toute mesure dans la crise des marchés financiers.

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